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Ces investisseurs de la Tech qui semblent revenus à l’euphorie pré-bulle de l’an 2000
©JOHANNES EISELE / AFP

Marchés financiers

Des entreprises comme Tesla ou Uber voient leur valeur exploser alors que leur rentabilité est à désirer. La situation actuelle du marché se rapproche-t-elle de celle que l’on a connu au milieu des années 90 ? La situation actuelle peut-elle déboucher sur une crise comme celle de la bulle spéculative ?

Pascal de Lima

Pascal de Lima

Pascal de Lima est un économiste de l'innovation, knowledge manager et enseignant à Sciences-po proche des milieux de cabinets de conseil en management. Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'ADL et Altran 16 000 salariés, toujours dans les départements Banque-Finance...), il fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, il devient en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management.

Diplômé en Sciences-économiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (PhD), de Panthéon-Sorbonne Paris 1 (DEA d'économie industriel) et de Grandes Ecoles de Commerce (Mastère spécialisé en ingénierie financière et métiers de la finance), il dispense actuellement à Sciences-po Paris des cours d’économie. Il a enseigné l'Economie dans la plupart des Grandes Ecoles françaises (HEC, ESSEC, Sup de Co, Ecoles d'ingénieur et PREPA...).

De sensibilité social-démocrate (liberté, égalité des chances first et non absolue, rééquilibrage par l'Etat in fine) c'est un adèpte de la philosophie "penser par soi-même" qu'il tente d'appliquer à l'économie.

Il est chroniqueur éco tous les mardis sur Radio Alfa, 98.6FM, et chroniqueur éco contractuel hebdomadaire dans le journal Forbes.

 

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Atlantico.fr : Des entreprises comme Tesla ou Uber voient leur valeur exploser alors que leur rentabilité est à désirer. La situation actuelle du marché se rapproche-t-elle de celle que l’on a connu au milieu des années 90 ? 

Pascal de Lima : On peut parler d’une déconnexion des marchés avec la réalité. On observe des niveaux impressionnants sur le Nasdaq, le CAC, le DAX, à des niveaux parfois historiques (pour le Nasdaq) alors que l’économie réelle est en période de récession. Cette déconnexion n’est pas nouvelle, elle a existé certes dans les années 90 mais aussi 2000. La règle générale est que lorsque les marchés vont bien, l'économie réelle n'en profite pas vraiment. En revanche lorsque les marchés se retournent, l'économie réelle en pâtit directement. Certes ce constat part d'une observation simple des courbes et pas vraiment d'une relation de causalité scientifiquement démontrée mais la répétition du phénomène interroge... Ainsi, on pourrait dire qu’aujourd’hui rien n'est encore gagné pour l’économie réelle, surtout si de mauvaises nouvelles du côté des institutionnels ou autres s’annoncent.

On peut aussi raisonner dans un autre sens : on dit par exemple que les traders ont raison, et qu’ils anticipent une reprise rapide ce qui par prophétie autoréalisatrice se réalisera.

Mais j’en doute même si j’espère avoir tort ! Je maintiens qu’il s’agit plutôt d’une déconnexion pernicieuse pour l’économie réelle.

Comment le marché s'est il détaché de la réalité ? 

Plusieurs choses peuvent être avancées ici. Le marché s’est détaché de la réalité en écoutant les mots des Etats, des banquiers centraux, et des indicateurs économiques bruts plutôt qu’en analysant les données économiques de long terme sous la forme de causalités. Ils agissent dans le court terme selon les principes de la rationalité mimétique.

Disons pour résumer que leurs décisions sont fondées sur une batterie considérable d’indicateurs économiques et de modèles statistiques reposant sur la production de variations autour d’un trend de fonds - d'une tendance, donc - mais observée quotidiennement, au mieux trimestriellement, plus rarement sur un an.

L’économie - cette étude de l’allocation des ressources rares d’un pays - se voit donc touchée par les décisions d’investissement des traders. C’est une forme "d’irrationalité" finalement puisque de meilleures décisions pourraient être prises en élargissant le spectre temporel, celui qui permettrait de découvrir les relations de causalité entre des phénomènes économiques.

Contre ceux qui ne croient pas aux fondements du mimétisme rationnel, on peut opposer le bon sens par l’observation des comportements d’un trader sur les marchés financiers. L’opérateur a beau croire en une appréciation de l’euro, il ne fait pas le poids lorsqu’il constate qu’un peu partout les positions des autres intervenants sur le marché des changes sont à la vente de l’euro. Par conséquent, même s’il estime que l’euro mérite d’être plus cher par rapport au dollar, il hésite toujours à acheter la devise européenne. En effet, s’il est le seul acheteur d’euros face à 50 intervenants vendeurs, il est sûr d’y laisser des plumes… Le trader ne fait donc pas forcement ce qu’il croit intimement, mais plutôt ce qu’il croit que fera globalement le marché qui in fine l’emportera. C’est une question de confiance. Le travail de l’opérateur est de tenter d’évaluer au plus juste le sentiment du marché des devises : voilà une illustration parfaite de la rationalité mimétique ! Malgré la conviction d’une sous-évaluation de la valeur d’un actif, ce trader joue à la baisse et c’est là un comportement parfaitement rationnel. Dans une telle perspective, chacun est identiquement rationnel, agissant en fonction d’une même croyance quant aux comportements des autres. Tout ceci est dangereux car de tels comportements dénaturent la bourse et en fait un casino illuminé par des scores non compris.

Ceci est d’autant plus accentué qu’aujourd’hui il s’agit plutôt de trading algorithmique qui se cherche encore que de simples traders. Je traite d'ailleurs si je puis me permettre de ces questions là dans mon dernier livre "Capitalisme et Technologie : les liaisons dangereuses" aux Editions Forbes

La situation telle qu'on la voit peut-elle déboucher sur une crise comme celle de la bulle spéculative ?  

C’est le point commun avec la crise de 2007-2008. Si la différence fondamentale des deux crises se trouve dans leur émergence :

1)   Les excès de la finance en 2007-2008 d’un côté plutôt dans le crédit immobilier plutôt aux Etats-Unis avec un effet domino mais relativement maîtrisé ici et là grâce aux amortisseurs sociaux et le poids des banques universelles mutualisant leurs activités

2)   La destruction de la biodiversité en 2020 d'un autre côté avec la destruction des habitats naturels et ses conséquences mondiales via une pandémie… 

Il n'en reste pas moins que le point commun en termes d'amplification de la crise économique est bien dans la fragilité de la courroie de transmission de la crise : endettement et bulle des actifs, donc clairement OUI !  

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