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Ces défauts du système fiscal français qui en font l’un des moins compétitifs de l’OCDE
©Pixabay

Lourdeur fiscale

L'institut de recherche fiscale américain, la Tax Foundation, publie chaque année un classement des pays de l'OCDE en fonction de leur niveau de compétitivité fiscale. La France, très mauvaise élève, s'y trouve, pour la cinquième fois consécutive à la dernière place.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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L’OCDE vient de publier une très intéressante comparaison entre les systèmes fiscaux de ses 35 pays membres ayant adhéré avant 2018. Le critère adopté pour ce classement a deux composantes : la neutralité et la compétitivité. Autrement dit, un pays est d’autant mieux noté que sa fiscalité est plus attractive, notamment pour l’investissement et la production sur le territoire national, et qu’elle est moins manipulatrice, qu’elle fait moins usage de la carotte et du bâton.

Les comparaisons internationales sont délicates, si bien que les résultats doivent être pris cum grano salis », avec précaution, mais quand on découvre que la France figure en 35ème et dernière position, ne pas se poser quelques questions serait de l’aveuglement ! D’autant que l’écart entre les 100 points obtenus par le pays classé premier, l’Estonie, et les 41,4 points de la France, est impressionnant.

Les principales faiblesses de la fiscalité française selon l’OCDE

La France obtient son moins mauvais classement en ce qui concerne les taxes sur la consommation, essentiellement la TVA : 21ème. Elle est dernière pour les taxes sur la propriété, et avant-dernière pour celles sur les entreprises et sur les ménages. Autrement dit, selon les critères retenus par l’OCDE, la France taxe trop ceux de ses habitants qui possèdent des biens, qu’il s’agisse de foncier, d’immobilier, ou de parts de sociétés. 

Classée en troisième position, la Nouvelle Zélande est prise comme exemple de pays ayant réformé astucieusement sa fiscalité il y a quelques années. En 2010, les économistes gouvernementaux de ce pays ont alerté ses dirigeants sur le manque de compétitivité de la production nationale résultant de taux trop élevés pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les bénéfices. Ils furent entendus, et le taux maximal de l’impôt sur le revenu fut ramené de 38 % à 33 %, tandis que le taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés était abaissé de 30 % à 28 %. L’OCDE décerne en revanche un bonnet d’âne à notre pays pour avoir, ces dernières décennies, accru le taux marginal de prélèvement sur le travail, l’épargne et l’investissement. 

Les faiblesses de l’étude OCDE

Il n’y a pas lieu de penser que les experts de l’OCDE fassent des erreurs de calcul, même s’il est difficile de comparer des chiffres qui, sous la même dénomination, peuvent correspondre à des réalités quelque peu différentes. En revanche, on peut s’interroger sérieusement sur la notion de « bonne fiscalité » qui sous-tend leurs travaux. Le monde doit-il être considéré comme une sorte de ring sur lequel l’important est de surclasser ses adversaires ? Sommes-nous dans un univers exclusivement voué à la compétition, sans avoir à rechercher des arrangements, des coopérations, des harmonisations ?

Et si un taux élevé d’impôt sur les sociétés était conforme à l’intérêt général ?

Prenons comme exemple l’un des indicateurs phare de cette étude : le taux d’imposition des bénéfices des sociétés (IS). Pour être attractif, pour accueillir un maximum de sociétés, chaque pays a intérêt à diminuer ce taux. Mais si un accord pouvait être trouvé pour que tous les pays instaurent le même taux, n’aurait-on pas intérêt à ce que celui-ci soit élevé ? Regardons donc la réalité : ce qui intéresse les entreprises est leur bénéfice après impôt. Si les Etats prélevaient tous un IS au taux de 50 %, les entreprises s’organiseraient pour avoir des marges (bénéfices avant impôt) bien plus élevées qu’avec un IS à 25 %. Elles seraient de ce fait bien mieux placées pour affronter des difficultés passagères, comme on peut le voir en prenant un exemple simple.

Soit donc une entreprise ayant un chiffre d’affaires de 1Md€. Pour obtenir 100 M€ de bénéfice net d’impôt, disponible pour verser des dividendes et pour investir, elle a besoin d’une marge de 100 M€ si l’IS est à 0 %, et de 200 M€ si l’IS est à 50 %. Voici que survient une baisse de ses prix de vente de 20 % : en l’absence d’IS, sa perte nette atteint 100 M€, c’est la catastrophe. Avec un IS à 50 %, la chute de ses recettes à 800 M€ débouche sur l’équilibre, ce qui n’est pas l’idéal, mais ne met pas l’entreprise en danger de mort. 

Autrement dit, un taux d’IS élevé est un formidable amortisseur des difficultés conjoncturelles. En obligeant les entreprises à fonctionner avec des marges conséquentes, si tous les Etats s’entendaient pour pratiquer un IS à 50 %, la situation des entreprises serait beaucoup plus confortable qu’avec un IS à 0 %, et nettement plus confortable qu’avec un IS à 25 %. Un taux d’IS élevé est excellent pour l’économie dans une situation de coopération internationale. C’est l’absence d’entente concernant les taux et les modalités de calcul de l’IS qui conduit à une course à la baisse des taux d’IS dommageable pour les entreprises, et pour l’économie dans son ensemble.

Que fait l’Union européenne ?

Au niveau planétaire, il sera évidemment très difficile d’obtenir un accord sur un taux d’imposition des bénéfices commun à tous les pays. Mais que l’Union européenne donne le triste spectacle de son incapacité à unifier les règles de calcul des bénéfices et à instaurer un taux unique en dit long sur le chemin qui reste à parcourir. Et, à la différence de petits ou moyens pays comme la France, l’Union européenne pourrait faire des propositions dans ce domaine – après, évidemment, avoir réalisé en son sein ce qu’elle proposerait, peut-être d’abord à l’OCDE, puis au monde entier.

L’avenir de l’économie mondiale

Le développement économique et démographique pose de très sérieux problèmes planétaires. Le besoin de coopération va croissant. Les vertus de la concurrence policée sont grandes, mais la compétition débridée, comme un match sportif qui se déroulerait sans aucune règle du jeu, ne donne pas de bons résultats. L’avenir de l’économie de marché ne sera faste que si l’esprit de compétition devient un véritable fair play. L’étude de l’OCDE sur la compétitivité fiscale ne sera véritablement bénéfique que si elle incite les pays membres à accepter des règles fiscales communes, ou du moins peu divergentes, de façon à ce que la réussite soit liée à la vraie créativité plutôt qu’à l’adoption de mesures fiscales qui ne sont favorables aux uns qu’en étant défavorables aux autres.  

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