Ces classes moyennes que le Covid évince du marché de l’immobilier<!-- --> | Atlantico.fr
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Des gens consultent les annonces d'une agence immobilière à Lille, dans le nord de la France.
Des gens consultent les annonces d'une agence immobilière à Lille, dans le nord de la France.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Accessibilité au logement

C’est le cas notamment dans les zones où de nouveaux souhaits d’achat ont émergé avec la crise sanitaire.

Judith Bursztejn

Judith Bursztejn

Judith Bursztejn est présidente de Mon Paris Immobilier. 

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Bernard Cadeau

Bernard Cadeau

Bernard Cadeau est agent immobilier depuis plus de 30 ans. Il a été à la tête d’ORPI pendant 12 ans.

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Atlantico : Aux États-Unis, à la fin de lannée dernière il y avait environ 411 111 logements de moins sur le marché qui étaient considérés comme abordables pour les classes moyennes américaines, la crise sanitaire ayant fait baisser le taux daccessibilité au logement pour cette partie de la population. En France, connaissons-nous un mécanisme similaire ? Les prix à lachat des logements augmentent-ils pour les classes moyenne ?

Judith Bursztejn : Tout d’abord, le marché américain répond à une logique différente. Des grands investisseurs immobiliers ont acheté pour louer à des prix inaccessibles aux classes moyennes. Néanmoins, on observe un phénomène similaire en France. A Paris, le marché était déjà inaccessible aux primo-accédants et aux classes moyennes avant le Covid. Mais avec la crise on a noté un exode, beaucoup de ménages sont partis et ont acheté dans des coins un peu plus reculés. Ainsi, les grandes villes, les endroits proches du littoral, où il est possible d’avoir une grande maison avec jardin ont été très demandées. En Bretagne, le ménage moyen breton ne peut plus se loger. L’exode des Parisiens ou des habitants d’autres grandes villes, en tout cas des gens qui ont plus d’argent, fait que ce sont eux qui peuvent s’acheter des maisons car ils ont un pouvoir d’achat bien supérieur. Cela fait que la personne de classe moyenne locale qui veut juste se loger pour travailler ne peut plus car les prix augmentent démesurément. Il est difficile de quantifier le nombre de ménages concernés mais les hausses de prix sont conséquentes. En Bretagne, c’est entre 13 et 14% d’augmentation, à l’heure où Paris stagne. C’est aussi valable pour les banlieues parisiennes, celles où l’on trouve de jolies maisons, comme la Celle-Saint-Cloud (+15%) par exemple. A chaque fois, ce sont des fortes augmentations. Presque toutes les destinations à moins de 2 heures de Paris sont concernées par cette hausse.

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Par effet de ricochet, les classes moyennes sont obligées d’aller dans des zones plus rurales, plus excentrées, plus éloignées des villes. Elles se rabattent sur des propriétés avec terrain, ce qui fait aussi augmenter les prix en zone rurale de 7 ou 8%. Pour la première fois, certains de mes confrères dans des villes de province ont dégagé un chiffre d’affaires supérieur au mien alors que je suis à Paris. Le nombre de vente a explosé et ils n’ont plus rien à vendre. Les classes moyennes subissent cela de manière flagrante. Quelqu’un qui est dans la classe moyenne ne peut pas se loger car il est concurrencé par des Parisiens avec un pouvoir d’achat supérieur.

Bernard Cadeau : La crise sanitaire a précipité des tendances qui existaient déjà. Et une des conséquences en sortie de crise a été que dans certaines régions les prix ont augmenté de manière spectaculaire. Les classes moyennes ont donc eu peu accès à l’achat de logement durant cette période.

Pour des raisons évidentes, dans les grandes métropoles et notamment Paris et l’Île-de-France, il y a eu un moteur de la crise qui a poussé certains Français vers un autre mode de vie, un confort avec une demande de grand balcon et de terrasse ou même de jardin. Le confinement a généré ces envies ainsi que les souplesses liées au télétravail et des changements de vie avec un départ des grandes métropoles pour une vie plus rurale.

La grosse tendance est le départ des métropolitains qui veulent habiter dans de meilleures conditions ailleurs comme les Parisiens qui regardent un logement dans un rayon autour de 100-120 km autour de Paris. Quand on vend à plus de 10 000 euros le m2, lorsque l’on va à Chartres, Amiens, ou Reims, on trouve de l’immobilier plus abordable avec plus de surface.

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Y a-t-il dautres raisons pour une telle augmentation que la crise sanitaire ? A-t-elle enclenché un mécanisme ?

Judith Bursztejn : C’était déjà un mécanisme observable à Paris avant la crise du Covid. Aujourd’hui, la classe moyenne ne peut plus s’acheter une petite maison avec jardin en banlieue proche de Paris comme elle le pouvait auparavant. Le phénomène était donc déjà là avant. Ainsi, lorsque la famille s’agrandit, au lieu d’aller en banlieue, les ménages vont plus loin, dans les zones rurales. Ce qui empêche les personnes qui s’y trouvaient de se loger également. La chaîne est sans fin. Mais la crise sanitaire a quand même fortement joué dans les esprits. Je vois de nombreux parisiens qui se disent que s’il y a un nouveau confinement, ils préfèreront avoir une maison en Normandie qu’un appartement à Paris.

Bernard Cadeau : Cela fait un certain temps que les classes moyennes sont malmenées dans le parcours résidentiel/logement en France. C’était vrai avant la Crise Covid, elle l’a sans doute accentuée. Il y a des difficultés d’accès au crédit car même avec les taux bas les conditions font que les classes moyennes sont relativement défavorisées notamment via le prêt à taux zéro, sur les obligations d’apport personnel quand on veut acheter.

Les littoraux, les villes moyennes de lOuest ou la banlieue parisienne sont-ils le bon témoignage de cette augmentation ? Y a-t-il des chiffres qui prouvent cela ?

Bernard Cadeau : Des villes comme Rennes, Nantes, Tours ou Le Mans ont vu leur prix augmenter avec un pourcentage à deux chiffres (10,12 ou 15 % d’augmentation). On avait connu cela il y a quelques années avec l’effet TGV qui avait fait augmenter les prix. Il y a donc un côté inflationniste aujourd’hui.

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Avec une sortie de crise probable, les prix pourraient-ils continuer daugmenter pour ce type de bien ?

Judith Bursztejn : Pour le moment, le marché est très tendu car il y a très peu d’offres. Mais la situation va perdurer car elle n’est pas seulement due au Covid. Le Covid a accéléré l’engouement qui préexistait. Le télétravail et le fait que la société prône aussi plus facilement le développement personnel et ce genre de besoins va emmener le phénomène à perdurer. Peut-être simplement avec moins d’excitation qu’actuellement.

Bernard Cadeau : Il y a des secteurs où l’immobilier baisse. Contre tout attente, c’est le cas de Paris. Il y aura un phénomène de plateau sur l’année 2022, principalement car l’accès au crédit devient compliqué et on ne peut pas aller au-delà de la demande. La seule vraie recette pour que les prix restent contenus c’est de rééquilibrer l’offre et la demande car il n’y a pas assez de logements en France.

Merci à Judith Bursztejn de "Mon Paris Immobilier" et Bernard Cadeau pour cette interview croisée. 

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