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Ces amitiés que Ségolène Royal n'a pas hésitées à sacrifier pour retrouver la route du gouvernement
©Reuters

Bonnes feuilles

Pour ceux qui ne la connaissent qu’à travers les médias, Ségolène Royal est une politicienne au sourire éclatant et enjôleur faisant montre, parfois, d’un humour taquin sur les plateaux de télévision. Pour ceux qui ont été amenés à la côtoyer, cette femme à l’ambition dévorante est aussi une personne autoritaire et cassante, régnant sur des obligés dévoués à sa cause. L’essentiel de ses compétences demeure une science maîtrisée de la communication. Extrait de "La princesse Royal", de Patrick Guilloton, aux éditions du Cherche Midi 2/2

Patrick Guilloton

Patrick Guilloton

Patrick Guilloton a effectué l'essentiel de sa carrière de journaliste au sein du quotidien régional Sud-Ouest. Il a suivi Ségolène Royal durant plus d'une décennie, tant dans son rôle de présidente de région que lors de ses échecs électoraux de la présidentielle de 2007 et de la législative rochelaise de 2012.

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Comment passe-t-on, avec Ségolène Royal, de la plus étroite des proximités à la haine la plus farouche ? Tout simplement en voulant exister, en imaginant pouvoir couper le cordon de la laisse. Plusieurs des proches de la députée des Deux-Sèvres indiquent qu’au soir de la catastrophique primaire socialiste de 2011, Delphine Batho, élément important du dispositif Royal, se prononce immédiatement pour un désistement en faveur du candidat arrivé en tête, à savoir François Hollande. Elle vient de commettre un crime de lèse-majesté. Dans l’entourage d’une princesse, les valets n’ont pas le droit de penser par eux-mêmes sans autorisation.

Et puisque tous ces ingrats de socialistes batifolant dans les ors de la République ne songent pas à lui confier une tâche planétaire, Ségolène Royal va une fois encore devoir se contenter de concocter un avenir joyeux, calme et serein pour les sujets de son petit royaume autonome.

«Petit royaume». C’est effectivement le cas un peu plus chaque jour tant le ménage a été fait pour ne garder aux postes clés, autour de la reine-gourou, que les élus et administratifs capables de ramper du matin au soir sans souffrir de la moindre des courbatures.

Quoi de neuf, en Poitou-Charentes, en ce début d’année 2014 ? Des vœux présidentiels pharaoniques dans le majestueux nouveau théâtre de Poitiers, et des annonces diverses et variées qui ne le sont pas moins. Un programme d’intervention pour «une parentalité réussie », l’idée de résidences d’artistes dans chaque lycée (500 000 euros), un engagement sans précédent sur les routes (alors que depuis dix ans, la présidente ne cesse de dire que ce n’est pas de sa compétence), sans oublier l’effort important mené dans le domaine ferroviaire, celui des trains express régionaux, avec l’acquisition de nouvelles rames selon la fameuse technique du crédit-bail, laquelle coûte cher mais ne plombe pas les comptes… au début.

A lire aussi sur notre site : Quand Ségolène Royal prenait le pouvoir sans ménagement à la tête de la région Poitou-Charente

Comment payer tout cela, les routes, les travaux énergétiques dans les lycées ? Fastoche. La Caisse des dépôts vient d’accorder un emprunt de 200 millions, la BPI, où « la Banquière » a ses entrées, y est allée d’un prêt de 185 millions. N’est-ce pas une manière d’alourdir considérablement la dette, de refiler la «patate chaude » aux générations futures ? «Non, tranche Ségolène Royal, parce que la Région s’appuie sur des finances sécurisées. »

Au fil des semaines, la présidente affiche une véritable décontraction. Elle est légère, parfois même guillerette, prompte à plaisanter. Un hebdomadaire people vient de publier les photos du président de la République casqué, embarqué pour des excursions vers la rue du Cirque, à portée de scooter de l’Élysée. Un socialiste poitevin fait le lien entre la bonne humeur de Mme Royal et les escapades de M. Hollande: «La Princesse sait que le principal obstacle à son entrée au gouvernement est en train d’être levé. Le pouvoir de la dame ayant soutenu Falorni ne tient plus qu’à un fil.»

L’ambiance de la commission permanente du 24 janvier a un côté potache. Un débat engagé sur la lecture débouche sur l’orthographe et entraîne cette remarque d’Henri de Richemont: « Qu’aujourd’hui les jeunes écrivent “JTM” pour dire “Je t’aime”, je trouve cela dramatique ! » Dans la foulée, Ségolène Royal propose que le conseil régional lance un concours… de lettres d’amour. Une assemblée dissipée sur les plumes de laquelle semble glisser une information inquiétante : la société Mia a besoin de 3 millions d’ici trois semaines, sinon, c’est une nouvelle catastrophe pour « l’utopie» industrielle de la présidente. Bizarre pour une entreprise ayant changé de main en juin 2013, le nouvel actionnaire majoritaire, Focus Asia, promettant alors monts et merveilles, à commencer par un investissement de 36 millions. Mieux, un mois plus tard, fin juillet, Mia, via son agence de communication, claironnait avoir «dynamité les ventes».

Question dynamite, c’est la boutique tout entière qui semble sur le point d’exploser. On apprend que depuis décembre, pas une voiture n’a été fabriquée faute de pièces, les fournisseurs attendant d’être payés des commandes précédentes avant de procéder à de nouvelles livraisons.

Pas de miracle, le 12 février, Mia est placée en redressement judiciaire. «C’est la moins mauvaise solution. Cela va nous permettre de remettre à plat et les comptes et la stratégie de l’entreprise», explique l’actionnaire Royal qui, promis, «ne baisse pas les bras ». Il est vrai qu’elle a fait tout ce qu’elle a pu: les documents internes du conseil régional recensant le parc automobile prouvent que 12 Mia ont été immatriculées en 2011 avant une boulimie en 2012. Cette année-là, pas moins de 59 véhicules électriques ont été acquis.

«Marchande de rêve ! » l’accuse l’opposition. Dans le même temps, détail, elle est en guerre ouverte sévère avec l’aile écologiste de sa majorité, laquelle ne supporte plus d’être sans cesse «mise devant le fait accompli». Et pourtant, elle est toujours contente. Il faut dire que depuis le 25 janvier, la rupture du couple HollandeTrierweiler est officielle et que les rumeurs de sa prochaine entrée au gouvernement deviennent assourdissantes. Dans toute la région, les milieux politiques ne grouillent que de cette annonce de future promotion, de poste à la hauteur des capacités qu’elle revendique.

Les paris sont même ouverts entre ceux qui voient Ségolène Royal bombardée dans un ministère et les autres, persuadés qu’«Hollande n’osera pas» compte tenu de la défaite rochelaise et surtout, du terrible fiasco que constitue l’enterrement de première classe de Mia, dont la liquidation judiciaire pure et simple est prononcée le 12 mars, sans même attendre la fin de la période d’observation. «Ce qui est certain, c’est qu’elle ne sera pas appelée pour devenir le ministre de la voiture électrique », écrit le persifleur de service.

Pour Ségolène Royal, évidemment informée de son avenir, il ne reste plus qu’à attendre l’issue des élections municipales pour écrire la dernière page d’une histoire débutée dans cette région en 1988, année de son parachutage dans la circonscription de Melle. Un bail de 26 ans. Avec beaucoup plus de bas que de hauts et des fortunes d’argent public souvent investies de manière hasardeuse.

Ces municipales, elle les suit de près, indirectement. Ses troupes sont à la manœuvre, principalement à Niort et à La Rochelle. Dans la capitale des mutuelles, elle ne pleure pas après la défaite de Geneviève Perrin-Gaillard. Dire qu’elle soit enchantée par la victoire, à La Rochelle, de sa vieille connaissance Jean-François Fountaine, est exagéré…

L’important est ailleurs. Jean-Marc Ayrault est remercié, Manuel Valls lui succède à Matignon et, le 2  avril, Ségolène Royal est nommée ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Elle occupe, au sein du gouvernement, le troisième rang dans l’ordre protocolaire. Enfin! 

À Poitiers, les représentants de ce qui fut son opposition ne décolèrent pas. Ils s’étouffent face à cette «récompense imméritée». «Espérons que Mme Royal n’applique pas à la France ses échecs picto-charentais», lancent-ils.

Les ingrats ne comprennent pas les efforts de tous ordres qu’il lui a fallu déployer avant d’atteindre son objectif. Elle est de nouveau sur la plus haute marche, les courtisans vont se bousculer au portillon. Dans cette catégorie, Gérard Miller et sa compagne vont se distinguer en commettant, sur France 31, un documentaire-panégyrique risible sur la madone. Une grandiose séance de cirage de pompes.

Le plus rigolo intervient quelques mois plus tard, toujours sur une chaîne publique. L’émission Complément d’enquête est consacrée à la ministre. Qui vient se répandre en tant que « spécialiste » en ségolénie ? Gérard Miller. La boucle est bouclée. Ridicule.

Mais quel bonheur d’être à nouveau puissante pour être ainsi encensée ! Grisant…

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