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Ce Sénat réformé dont la France aurait vraiment besoin pour renouveler sa démocratie (malheureusement, ça n’est pas la réforme envisagée par Emmanuel Macron)
©Reuters

Antiquités

A l'approche des sénatoriales, le Sénat va être renouvelé de moitié ce dimanche. Près de 171 sièges vont être remis en jeu. Un scrutin que l'exécutif n'accoste pas avec le même entrain que les dernières législatives.

Didier Maus

Didier Maus

Didier Maus est Président émérite de l’association française de droit constitutionnel et ancien maire de Samois-sur-Seine (2014-2020).

 

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Atlantico : La réduction du nombre de parlementaires, comme promis durant sa campagne, est-elle vraiment la bonne solution ? Quel serait le Sénat réformé dont la France aurait vraiment besoin pour renouveler sa vie politique et sa démocratie ?

Didier MausLe Sénat fait partie des traditions constitutionnelles et politiques de la France. Par deux fois, en 1946 et en 1969, le suffrage universel s'est prononcé contre l'inexistence ou la suppression du Sénat. Le système bicaméral n'est justifié qu'à la condition que la seconde chambre, en l’occurrence le Sénat, soit différente de la première, l'Assemblée nationale, aussi bien pour son recrutement que pour son rôle au quotidien. La Constitution de 1958, plus favorable au Sénat que celle de 1946, prévoit un mode scrutin faisant appel au suffrage universel indirect (le collège des "grands électeurs") et institue le Sénat comme représentant qualifié des "collectivités territoriales de la République". En prévoyant pour la procédure législative qu'en cas de conflit le dernier mot appartient à l'Assemblée nationale et en ne donnant pas au Sénat la possibilité de renverser le Gouvernement la Constitution respecte parfaitement les indispensables conditions de différenciation entre les deux assemblées.

Il est toujours possible - et même souhaitable- d'améliorer le fonctionnement de la démocratie, par exemple pour tenir compte des transformations technologiques, mais le maintien d'un Sénat dépasse les modalités de sa transformation. Il serait certainement utile de réfléchir à la composition du corps électoral sénatorial, tout en gardant à l'esprit qu'il doit être majoritairement composé d'élus du suffrage universel direct et que le maillage communal français oblige à offrir à chaque commune la possibilité d'être représentée dans le collège sénatorial de son département. Dans la mesure où le Sénat n'a ni pour rôle ni pour vocation d'être la majorité de soutien d'un gouvernement, il importe d'expliquer la place spécifique d'une telle assemblée parlementaire. Face à une certaine fougue de la majorité de l'Assemblée parlementaire, le Sénat doit demeurer une assemblée du concret, mais la décision politique finale appartient aux députés.

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Le Général De Gaulle en 1969 voulait transformer le Sénat pour en faire aussi une chambre de représentation de la société civile et des corps intermédiaires. Ce fut un échec et la Conseil économique social et environnemental (CESE) vit le jour. Aujourd'hui, l'utilité et la légitimité de cette assemblée est hautement critiquée notamment par Emmanuel Macron qui souhaite la réformer pour en faire : " le forum de notre République". En quoi le projet voulu par Emmanuel Macron diffère-t-il de celui voulu par le Général De Gaulle ? Ne vaudrait-il pas mieux supprimer le CESE (ce qui permettrait d'atteindre les objectifs de réduction globale des parlementaires en France) ?

Le général de Gaulle a eu tort, en 1969, de vouloir fusionner le Sénat et le Conseil économique et social. Le résultat négatif du référendum l'a d’ailleurs conduit à quitter le pouvoir. Que M. Macron souhaite réformer le CESE, pourquoi pas? Encore faut-il savoir quoi faire et comment. Il est fondamental de ne pas confondre une assemblée politique, le Sénat, qui est désignée par le suffrage universel, même indirect, et une assemblée, le CESE, sous sa forme d'aujourd'hui ou de demain qui est composée de personnes désignées soit par des organismes  soit par des personnalités. La qualité des uns et des autres n'est pas en cause, mais on ne peut pas assimiler des élus et des délégués nommés. Quant à l'avenir du CESE, il n'est inscrit nulle part. Il est en suspens depuis toujours.

La réforme initiée à l'Assemblée Nationale par François de Rugy montre que les questions qui sont posées aujourd'hui vont dans le sens d'une rationalisation-accélération de la procédure parlementaire. Ce qui peut être très utile pour que les résultats des projets politiques produisent des effets plus rapidement. Mais n'y a-t-il pas aussi le risque d'un appauvrissement de la législation française en ne prenant pas le temps de la maturation des projets ? 

M. de Rugy a raison de vouloir rendre le travail de l'Assemblée nationale plus efficace. Je suis certain que le prochain président du Sénat aura la même préoccupation. Ceci étant, il faut toujours avoir présent à  l'esprit que le véritable pourvoyeur du travail législatif, c'est le gouvernement. Quand il y a un embouteillage de projets, en particulier à l'automne avec les très longues discussions de la loi de finances et de la loi  de financement de la sécurité sociale, il faut parvenir à établir une véritable hiérarchie des urgences. L'expérience montre que ce n'est pas facile. Il convient aussi de s'interroger sur les effets pervers de la réforme constitutionnelle de 2008, en particulier l'augmentation considérable des amendements (et ensuite des articles définitifs) lors de l'examen en commission. Il est sain que les immenses ressources de la société numérique soient mises au service du travail parlementaire, mais nul ne doit oublier que la loi a pour objet d’encadrer de manière stable et durable la vie collective, celles des hommes et des femmes comme celle des groupes et des sociétés. L'instabilité législative est certainement  un facteur d'inquiétude pour toute la société.

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