Ce que la science nous apprend sur la meilleure manière de griller un steak<!-- --> | Atlantico.fr
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Un steak cuit sur un grill.
Un steak cuit sur un grill.
©MIGUEL MENDEZ / AFP

Saison des barbecues

Cuire la viande n’est pas un loisir du dimanche : c’est un art pour des gens patients et soigneux. Au moment de sortir les barbecues, suivez donc nos conseils !

Béatrice de Reynal

Béatrice de Reynal

Béatrice de Reynal est nutritionniste. Très gourmande, elle ne jette l'opprobre sur aucun aliment et tente de faire partager ses idées de nutrition inspirante. Elle est par ailleurs l'auteur de Ouvrez les yeux avant d’ouvrir la bouche, publié chez Plon, et du blog "MiamMiam".

 

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Au moment de sortir les barbecues, il est temps de revoir sa façon de choisir sa viande de bœuf afin d’avoir une cuisson parfaite : le jus dedans, la saveur et le moelleux.

C’est tout un art, car cette délicatesse débute au près, dès les premières bouchées d’herbe que mangera le veau. Le régime d'une vache de boucherie affecte la saveur de la viande.

Sachez tout d’abord que le bœuf fait sa graisse entre les fibres musculaires, au contraire du porc ou des volailles. Autant on peut ne pas consommer le gras de la côte de bœuf, autant on ne peut éliminer la graisse qui fait le « persillé » de la viande rouge.

Aujourd’hui, certains bovins – la plupart - sont nourris au grain, comme les poules.

Ne vous y trompez pas : la viande bœuf « France » vendue au supermarché provient essentiellement de vaches laitières réformées (après quelques années de vêlage, on sacrifie les mères pour renouveler le troupeau). La viande est souvent dure et riche en graisses saturées.

Pas chère, mais dure.

Les « broutards » - plus jeunes bovins - vivent leurs derniers mois dans un parc d'engraissement dont le régime alimentaire est riche en maïs et en soja : à l’américaine. Ils auront une viande plus riche en bon acides gras comme l’acide oléique, mais aussi très riche en graisses saturées. Ils produisent une viande marbrée de plus de graisse que les bovins nourris à l'herbe. Ceux qui passent toute leur vie au pâturage ont une proportion plus élevée d'acides gras oméga-3, des acides gras polyinsaturés qui se décomposent en molécules plus petites aux saveurs de poisson et de gibier. Les connaisseurs préfèrent de toute façon acheter du bœuf nourri à l'herbe, soit pour éviter les problèmes éthiques des parcs d'engraissement, soit parce qu'ils aiment cette saveur de gibier et cette viande plus maigre.

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La plus grande influence sur la saveur finale du steak, c’est la façon dont vous le cuisinez. Durant la cuisson de la viande, il se passe deux choses. Premièrement, la chaleur du gril brise les acides gras de la viande en molécules plus petites qui sont plus volatiles, que l’on sent et qui aguiche les papilles : c’est l'arôme du steak, qui représente la majorité de sa saveur. Les molécules en question sont aldéhydes, des cétones et des alcools.

Le deuxième évènement est le brunissement, qu’on nomme « réaction de Maillard ». C’est une réaction biochimique entre les traces de sucres (glycogène) du muscle et certains de ses acides aminés qui survient à des températures élevées et qui produit non seulement la couleur brune de la viande cuite, mais aussi des arômes, comme ce « grillouté » si irresistible. Les plus importantes de ces molécules sont des pyrazines et des furanes, qui donnent les notes grillées, biscuitées, noisette dont les amateurs de steaks raffolent. Plus la cuisson est longue et chaude, plus vous approfondissez la réaction de Maillard et plus vous obtenez ces produits finaux souhaitables - jusqu'à ce que la viande commence à carboniser, produisant des saveurs amères et brûlées indésirables.

En outre, pour préserver la jutosité de la viande, il est important de la mettre en contact avec un « mur de chaleur intense » qui va permettre à la viande de « croûter » par la réaction de Maillard, et qui retiendra le jus dans la viande. Alors vous devez cuire dans une ambiance moins chaude (2e partie de cuisson » car la viande cuit à 65° seulement. Inutile de l’incinérer sur un grill car vous ne feriez que la brûler, ce qui entraîne des saveurs amères désagréables mais aussi dangereuses. Un grand conseil : ne jamais « tracer » la viande au point d’avoir des traits noirs. Ces traits ne doivent pas être plus foncés que marron.

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L'enjeu pour le chef sera d'atteindre le niveau idéal de produits de Maillard au moment où la viande atteint le degré de cuisson souhaité (bleu, saignant, à point ou cuit) . Ceci dépend évidemment de la température de la viande, son épaisseur, la température de cuisson et la durée.

Chris Kerth, un scientifique de la viande à l'Université Texas A&M a découvert, comme il l’avait prévu, que les steaks minces d'un cm et demi cuisent à des températures relativement basses et ont principalement les saveurs charnues caractéristiques de la dégradation des acides gras, tandis que des températures plus élevées produisent également une grande partie des pyrazines grillées résultant de la réaction de Maillard. Donc, si votre steak est mince, montez ce gril et laissez le couvercle ouvert pour que la viande cuise un peu plus lentement. Cela vous donnera le temps de créer une saveur complexe et rôtie.

Et pour obtenir la meilleure saisie des deux côtés, retournez la viande environ un tiers du temps de cuisson prévu, pas à mi-chemin - c'est parce que lorsque le premier côté cuit, les fibres musculaires en contraction conduisent l'eau vers le côté non cuit. Après avoir retourné, cette eau refroidit le deuxième côté, il faut donc plus de temps pour brunir.

Lorsque les scientifiques ont testé des steaks plus épais de 4,5 cm, le problème inverse s'est produit : l'extérieur brûlait désagréablement avant la fin de la cuisson du milieu. Pour ces steaks, une température de gril modérée a donné le meilleur mélange de volatiles.

Les gourmets donnent des notes inférieures aux steaks épais grillés chauds et rapides. Les convives ont évalué les autres températures et temps de cuisson comme étant tous similaires, mais les steaks épais cuits à des températures modérées l'ont emporté sur le nez.

Nombre de restaurants de viande et grils se vantent souvent de l’épaisseur des steaks et de l’intensité de leur gril alors que c’est tout le contraire qu’il faudrait faire. Leur secret est de « tracer » les steaks d’avance et les finissent au four moyen jusqu’à la cuisson voulue. Vous pouvez procéder de même.

Sachez quand même que la viande saignante ne reçoit pas assez de chaleur pour décomposer ses acides gras et générer des saveurs de bœuf : vous perdez certaines des saveurs.

Essayez donc, pour apprécier la petite note sang en lui ajoutant les pyrazines brunes et les composés de Maillard en augmentant légèrement la cuisson

Et faites attention : les grils trop chauds font plus de mal (saveurs, santé, tendreté, jutosité) que de bien (saveur, nutrition, goût, jutosité, tendreté).

Cuire la viande n’est pas un loisir du dimanche : c’est un art pour des gens patients et soigneux.

D'après une idée originale de Bob Holmes pour le Knowable Magazine from Annual Reviews

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