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Ce que la carte des différentiels de la fertilité europénne révèle d’inquiétant pour notre continent
©Reuters

En berne

Avec une moyenne de 1.6 enfant par femme dans l'Union Européenne en 2015, l'UE n'arrive pas à enrayer le déclin de natalité. Analyse d'un inquiétant phénomène.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Le principal intérêt de cette carte est l’analyse de la fécondité à l’échelle des régions de l’Europe et non seulement des Etats, ce qui permet de déterminer s’il existe, dans un contexte général de faible fécondité, des régions où la population se renouvelle. En effet, rappelons qu’à l’échelle des Etats, aucun Etat européen ne renouvelle ses générations en 2015, la moyenne pour l’Union Européenne étant d’environ 1,6 enfant par femme. En effet, l’Islande et l’Irlande, dont les fécondités étaient respectivement de 2,2 et 2,1 enfants par femme en 2010, c’est-à-dire au-dessus du seuil de remplacement des générations, ont vu leur fécondité se réduire sensiblement depuis, conséquence de la crise économique.

La première constatation, qui saute aux yeux à l’analyse de la carte, est la quasi-inexistence de régions qui ont une fécondité supérieure ou égale au seuil de remplacement des générations, ce qui confirme la très mauvaise posture de la démographie européenne, dont le déclin est généralisé. En effet, une seule région de la République d’Irlande, « Border, Midlands and Western », remplace ses générations en 2015, en l’occurrence une région rurale peu peuplée, où le traditionalisme catholique, favorable à des familles nombreuses dans un contexte d’interdiction quasi-totale de l’avortement, perdure encore un peu. Partout ailleurs, la fécondité est insuffisante. Cependant, il est possible de distinguer des régions où la fécondité se situe à un niveau relativement peu abaissé, où la possibilité d’atteindre le renouvellement des générations dans le futur est envisageable si des actions adéquates en faveur de la fécondité des ménages sont menées, des régions où la situation apparaît préoccupante, conduisant à terme à un effondrement démographique.

Les premières, relativement peu nombreuses, étant donné la situation très abaissée de la fécondité sur l’ensemble du continent, se retrouvent presque exclusivement dans trois pays d’Europe de l’Ouest : - des régions rurales de Suède, où la politique nataliste du gouvernement a connu un relatif succès, - le nord de la France, anciennement industriel, où la fécondité demeure plus élevée dans les classes populaires, incluant la région capitale, où la fécondité est stimulée par l’immigration extra-européenne, en particulier africaine, - le bassin de Londres au Royaume-Uni, pour la même raison qu’en Ile de France, une immigration extra-européenne importante qui oriente la fécondité à la hausse.  En-dehors de ces trois Etats, seule la région du nord-est de la Roumanie se distingue par une fécondité relativement moins abaissée qu’ailleurs, mais pas, pour une bonne raison, dans le sens que la plus forte fécondité s’explique par le fait qu’elle soit la plus pauvre de Roumanie dans une logique de pays en voie de développement, entendu que dans ces derniers plus une région est pauvre, plus sa fécondité est élevée, alors que ce n’est pas systématiquement le cas dans un pays développé, d’autres facteurs jouant.

A contrario, les secondes, c’est-à-dire les régions qui s'inscrivent dans un scénario de déclin prononcé de la fécondité, sont beaucoup plus nombreuses et se situent en différents endroits du continent : au nord-ouest de la péninsule ibérique, au sud de l'Italie (Sardaigne incluse), dans la Pologne et la Slovaquie rurales. Leur très faible niveau de fécondité s’explique par deux principales raisons. Tout d’abord, ce sont des régions périphériques relativement pauvres, où la limitation de sa descendance est une réaction rationnelle à un avenir peu prometteur (cette réaction est un des éléments qui distinguent un pays développé d’un pays en voie de développement). Un deuxième élément entre aussi en jeu, ce sont des régions sans immigration extra-européenne, c’est-à-dire que la fécondité n’est pas artificiellement remontée par l’arrivée massive de jeunes migrants originaires de régions du monde plus fécondes, comme c’est le cas, par exemple, en Italie du Nord, dont l’Emilie-Romagne, qui a désormais une fécondité moins abaissée que le reste du pays grâce à l’immigration.

La majorité des autres régions européennes se situent autour de la moyenne, c’est-à-dire dans une situation mauvaise. L’Europe est donc face à un problème démographique, d’une ampleur inédite dans son histoire, à l’origine de bon nombre de ses soucis, de l’avenir du financement des retraites à la crainte du « grand remplacement ». La « question démographique » ne peut donc plus être évacuée du débat public et doit désormais être mise sur la table, au risque sinon d’aller vers des lendemains qui ne chantent pas… Si le continent européen est « malade », il l’est, avant tout, de sa démographie et non de son Etat providence ou de sa politique économique inadéquate.

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