Ce que l’épidémie de bronchiolites nous révèle de l’état des hôpitaux<!-- --> | Atlantico.fr
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Un bébé atteint de bronchiolite hospitalisé à Angoulême.
Un bébé atteint de bronchiolite hospitalisé à Angoulême.
©BURGER / PHANIE / AFP

Après le Covid, rien n’a changé

Alors que les hôpitaux sont saturés, l'épidémie de bronchiolite inquiète les professionnels de santé.

Rémi Salomon

Rémi Salomon

Rémi Salomon est néphrologue pédiatre. Il dirige le service de néphrologie pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants malades et enseigne à l’université Paris-Descartes. Il est coordinateur du centre de référence des maladies rénales héréditaires de l’enfant et de l’adulte (MARHEA). Rémi Salomon est Président de la Conférence des PCME des CHU et président CME de l'APHP.

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Atlantico : Vous avez récemment twitté : "pour tout vous dire les pédiatres sont inquiets, l'épidémie de bronchiolite et des autres virus est en plein essor ces jours-ci et nos hôpitaux sont saturés à beaucoup d'endroits. Quand il faut hospitaliser un nourrisson, c'est souvent la croix et la bannière pour trouver un lit". Quel est l'état de la situation ?

Rémi Salomon : Il n’y a plus la place pour mettre les enfants. En ce moment l’épidémie est forte, cela mène plein d’enfants aux urgences car les parents peinent à trouver un rendez-vous en ville. Cela fait que même la nuit, les urgences sont pleines à craquer. Et quand il y a une trentaine ou cinquantaine d’enfants dans la salle, on craint de manquer celui qui n’est vraiment pas bien. On essaie de les repérer mais cela n’est pas facile. Et même s’il est pris en charge, il n’y a pas d’endroit pour l’hospitaliser, donc il faut le transférer dans un autre hôpital. Et comme la situation est pareil un peu partout, il faut parfois transférer les enfants loin. On espère qu’ils ne vont pas décompenser et cela rajoute une charge mentale importante. J’ai des collègues qui sont au bord du burn out. Alors que les députés examinent le PLFSS cette semaine, rien n’est prévu pour revaloriser la permanence des soins. Aujourd’hui, nous n’avons pas de solutions immédiates pour arranger les choses, mais si les députés se saisissaient du sujet, on aurait un horizon. Sans ce signal, les gens se découragent.

Je travaille à l’hôpital Necker, des opérations sont reportées chaque semaine, y compris sur des tumeurs cérébrales, etc. Ce sont donc des soins qui sont dégradés. Et si c’est ça à Necker, on peut imaginer que ce soit pire ailleurs.

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Les hôpitaux sont-ils à un stade de saturation ?

On est à une saturation complète. On garde des enfants dans des endroits où l’on ne devrait pas car on ne peut pas faire autrement. Je parle ici surtout de la région parisienne, qui est peut-être un peu plus en difficulté que les autres. Mais cela n’a pas l’air bien mieux ailleurs. Et nous ne sommes pas encore au pic de l’épidémie de bronchiolites. Ce sont les quinze prochains jours qui nous font peur. Cela se calmera normalement pendant la deuxième semaine des vacances de la Toussaint.

Quelle est la situation globale de l’hôpital ?

Le privé s’en sort un peu moins mal que le public. Et l’hôpital et la médecine de ville sont liés. L’insuffisance par le nombre des médecins de ville rejaillit sur l’hôpital. Il y a un vrai problème de démographie médicale, d’attractivité des métiers qui se traduit par des conditions de travail et de soins dégradées. Ce n’est pas mieux qu’avant le Covid et peut être même un peu moins bien. 

La situation de l’hôpital n’intéresse plus personne et nous avons le sentiment de nous répéter mais nous sommes dans une situation pire que jamais. Mes collègues en pédiatriques sont dans une situation très problématique. D’une part, ils ont peur qu’un accident arrive. D’autre part, ils ne voient pas le bout du tunnel. C’est particulièrement vrai actuellement en pédiatrie, mais c’est le cas dans toutes les disciplines. Cela fait des années que l’on dit les choses sans avoir l’impression d’être entendu. Le Ségur de la Santé a certes mis beaucoup d’argent sur la table mais cela n’a rattrapé qu’une petite partie de retard accumulé. Par ailleurs, plus qu’avant, les gens n’ont plus envie de travailler dans n’importe quelles conditions. Les jeunes, aujourd’hui, ne veulent plus accepter certaines choses que les plus âgés, comme moi, tolérions. Ils veulent préserver leur vie de famille. C’est aussi valable en ville. Si l’on a un problème de déserts médicaux aujourd’hui c’est d’une part car on a fermé le numerus clausus pendant de nombreuses années mais aussi, d’autre part, car les gens travaillent moins. Les médecins n’acceptent plus des semaines de 80 heures. Et il y a plein d’endroits où les équipes médicales sont en train de se réduire.

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Rien n’a donc changé depuis le Covid ?

Il y a eu le Ségur, on a revalorisé les salaires des paramédicaux et des médecins. Et de ce point de vue on ne peut pas dire qu’il n’y ait rien eu. Et Olivier Véran ne manquait pas de nous le dire. Mais il faut aussi voir que depuis 15 ou 20 ans, le budget de l’hôpital (Ondam) était insuffisant chaque année, il manquait un milliard en moyenne. On a contrarié la masse salariale, notamment paramédicale, et cela a mené à une forte dégradation de la situation et des conditions de travail. La situation est le fruit d’années de dégradation. Le Covid a été une parenthèse car il n’y avait plus de restriction budgétaire. Mais tout est revenu comme avant désormais. L’Ondam a augmenté de 2,7% en 2021, alors que les besoins de santé augmentent plutôt de 4 ou 5 % chaque année. Et cette année, l’Ondam augmente de 4,1%, mais en raison de l’inflation et de l’augmentation du point d’indice, cela reste insuffisant. C’est en cela que les choses n’ont pas changé. 

Que faudrait-il faire ?

On nous dit toujours, vous pourriez vous organiser mieux. C’est possible que nous puissions faire mieux certaines choses mais cela ne fait pas tout. Il faut que les paramédicaux assument certaines compétences face au manque de médecins. Il y a des réorganisations à faire qui ne sont pas simples car elles font bouger les lignes, heurtent les corporatisme, etc. Sans budget plus important pour l’hôpital, on n’arrivera à rien. Ils ont jugé que cette année, ce n’était pas possible mais c’est sans doute une erreur de jugement. Il faudrait aussi que notre ministère de la Santé fasse aussi beaucoup plus de prévention.

Est-il possible que l’argent puisse être plus efficacement alloué ?

Oui, il y a sans doute certaines dépenses sur lesquelles nous pourrions être plus vertueux : sur le médicament, sur les examens complémentaires, etc. Sur la masse salariale, je vois difficilement comment faire. Il y a peut-être des gens qui ne travaillent pas assez, mais je vois surtout ceux qui travaillent trop. 

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