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Ce n'est pas la suppression de la publicité qui a coûté 746 millions d'euros à l'État mais les erreurs des dirigeants de France Télévisions
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Gabegie

La suppression de la publicité après 20 heures sur France Télévisions a coûté près de 746 millions d'euros à l'État depuis son entrée en vigueur en 2009, a estimé le 10 juillet 2013 Marcel Rogemont, rapporteur du projet de réforme de l'audiovisuel.

Francis Guthleben

Francis Guthleben

Francis Guthleben est un journaliste d'investigation. Il est auteur, écrivain, réalisateur. Il a publié Scandales à France Télévisions aux éditions JC Gausewitch. Il vient également de publier Enceint ! Journal d'un futur père

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Atlantico : La suppression de la publicité après 20h00 sur France Télévisions a coûté au total près de 746 millions d'euros au budget de l'État depuis son entrée en vigueur début 2009, selon Marcel Rogemont, rapporteur du projet de réforme de l'audiovisuel. A quoi aura vraiment servie la suppression de la publicité après 20h00 ? Quels sont les avantages et les inconvénients ?


Francis Guthleben : Si la suppression de la publicité sur France Télévisions a coûté 746 millions d’euros au budget de l’Etat, c’est parce que les dirigeants de la télévision publique n’ont pas tenu les objectifs qui leur ont été fixés.

En 2009, au moment de la réforme de l’audiovisuel public, le nombre de chaînes de télévision augmentait de façon rapide et les ressources publicitaires des médias diminuaient. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, voulait que France Télévisions se réforme, se modernise et réalise des économies.

La suppression de la publicité avec à la clé une baisse mathématique des recettes devait s’accompagner d’un plan d’économie.

En parallèle, Nicolas Sarkozy a instauré une taxe pour les opérateurs de télécommunications pour assurer un financement stable aux chaînes publiques.

Ainsi les seuls qui n’ont pas tenu leurs engagements sont les dirigeants de France Télévision et sous leurs mandats la situation financière s’est dégradée.

Débarrassé des contraintes publicitaires le soir, le groupe n'est donc plus sous la pression constante de l'audience. Cela lui a-t-il permis de mieux assurer sa mission de service public ?

Depuis 2009, France Télévisions ne remplit pas la mission confiée par la loi sur l’audiovisuel. Le service public devait engager un vrai et franc virage éditorial. Sans la dictature de l’audience et de la publicité, France Télévisions avait une chance unique de revoir en profondeur les formes, les formats et les modes de diffusion de ses contenus.Mais le groupe France Télévisions est prisonnier de ses habitudes, sclérosé dans ses structures, figée dans une vision de la télévision d’un autre temps.

Il suffit de regarder la télévision ces jours-ci pour s’en rendre compte. France 2 propose une émission culinaire copie-conforme des programmes du même type à l’antenne sur M6 et TF1 depuis des années. France 2 diffuse toujours Fort Boyard, concept vieux de 23 ans. Les différentes antennes du service public programment une dizaine d’émissions de jeux bien loin de contenus apportant innovation, intelligence, ouverture d’esprit. France 2 vient de lancer une série documentaire sur le mariage, qui n’est rien d’autre que de la télé réalité qui ne dit pas son nom. Et j’arrête là.

La réforme de l’audiovisuel de 2009 devait encourager France Télévisions à faire preuve d’audace, mais ce mot là n’est toujours pas dans le vocabulaire de la télévision publique.


Après des pertes programmées de 42 millions d'euros en 2013 et 32 millions d'euros en 2014, France Télévisions prévoit un retour à l'équilibre d'ici 2015. La suppression de la publicité peut-elle être désignée comme la seule responsable de cette situation ? Comment expliquer ce déséquilibre budgétaire ?

Au manque d’audace de la télévision s’ajoute un autre défaut, le manque de courage. Plutôt que de reconnaître que sous la pression syndicale, ils ont été incapables de tenir les charges de personnel et de réduire les dépenses, les dirigeants de France Télévisions préfèrent trouver un bouc émissaire.

En 2009 déjà on savait que le seul moyen pour réaliser des économies était de réduire les effectifs que divers rapports de l’Etat jugent pléthoriques. Malheureusement, seules des "mesurettes" ont été prises et le trou financier s’est creusé.

Depuis quelques mois, dans tous les services de France Télévisions c’est enfin le branle-bas de combat pour réduire les dépenses. Mais n’est-ce pas trop tard ? Le jour où un financier mettra en parallèle le coût astronomique de France 3 et l’audience de la chaîne qui se réduit comme une peau de chagrin le couperet tombera…

Comment dans ces conditions conserver l’indépendance de l’audiovisuel public à long terme ?

La question de l’indépendance de l’audiovisuel public est soulevée de manière grandiloquente à chaque fois qu’il est question de réduction des dépenses. Or, la question de l’indépendance de l’audiovisuel est d’abord une question de posture individuelle des dirigeants de France Télévisions. De tous temps, ils ont été davantage sous la pression de leurs syndicalistes, des lobbys des producteurs privés et des hommes politiques réclamant un temps d’antenne, que de l’argent lui-même.


Quelles sont les autres pistes à explorer pour financer l’audiovisuel public ?

De mon point de vue, il ne faut pas rétablir la publicité, c’est une avancée culturelle extraordinaire pour une télévision vraiment différente. Mais cette télévision là reste à inventer.  Si ce n’est pas le cas rapidement la question même de la légitimité de la redevance pourra être posée sur le plan juridique.

Comment justifier de faire payer aux Français une taxe pour un service à peu près équivalent qui est accessible gratuitement par ailleurs. ?

Si la télévision publique n’est pas fondamentalement démarquée de la télévision privée, les Français auront beau jeu de refuser de payer la redevance.


Le projet de loi sur l'audiovisuel public d'Aurélie Filippetti prévoit, entre autres, de maintenir la publicité en journée. Ce projet va-t-il dans le bon sens ?

Mais de quel projet de loi d’Aurélie Fillipetti parlez-vous ? Revoyez ses positions fluctuantes sur le retour ou non de la publicité, réécoutez ses déclarations floues sur la redevance, relisez ses écrits bourrées de belles intentions inconsistantes. Cette femme ne connaît pas grand chose à la télévision et ne sait pas où elle va, alors qu’au moins elle s’entoure de personnes compétentes, porteuses d’une vision et dénouées d’intérêts personnels.

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