Ce coup de tonnerre historique qui pourrait mener Donald Trump en prison<!-- --> | Atlantico.fr
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Des éléments doivent être dévoilés ce lundi 19 décembre par la commission d’enquête du Département de la Justice des États-Unis.
Des éléments doivent être dévoilés ce lundi 19 décembre par la commission d’enquête du Département de la Justice des États-Unis.
©CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

International

Le panel de la Chambre des représentants des Etats-Unis qui enquête sur l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole américain souhaite recommander au département de la Justice de poursuivre une accusation criminelle sans précédent d’insurrection et deux autres chefs contre l’ancien président Donald Trump.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Atlantico : Le panel de la Chambre des représentants des Etats-Unis qui enquête sur l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole américain souhaite recommander au département de la Justice de poursuivre une accusation criminelle sans précédent d’insurrection et deux autres chefs contre l’ancien président Donald Trump. Des éléments doivent être dévoilés ce lundi 19 décembre par la commission d’enquête du Département de la Justice des États-Unis. Quels sont les éléments nouveaux qui sont reprochés à Donald Trump et qu’est-ce que pourrait contenir ce rapport ? Que risque réellement Donald Trump ?

Jean-Eric Branaa : La commission ad hoc va examiner les charges retenues contre l'ancien président Donald Trump pour au moins deux chefs d'accusation : obstruction à une procédure officielle du Congrès et conspiration contre les États-Unis. Si on en juge par les conclusions de la sous-commission qui a préparé le vote qui interviendra ce lundi 19 décembre, le congrès devrait recommander au ministère de la justice de poursuivre l’ancien président. Mais il y a plus grave encore, car l’accusation d’insurrection est également fortement évoquée. Donald Trump risquerait donc 10 ans de prison. Pour cette même accusation, certains accusés arrêtés après le 6-Janvier ont déjà été condamnés jusqu’à 7 ans de prison.

En marge de ce passage de relais à la justice, il semble que la commission d’enquête va également saisir la commission fédérale de financement des élections, pour des faits qui relèvent de sa compétence et qui sont apparus au cours de l’enquête, ainsi que la commission éthique du Congrès. Pour cette dernière saisine, Donald Trump ne devrait pas risquer grand-chose, puisque la majorité va changer à la Chambre à partir du 3 janvier.

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Il était rapidement apparu évident que le rôle de Donald Trump était au centre de l’enquête qui était menée et que les élus s’attachaient à définir sa responsabilité personnelle et l’état de ses connaissances sur ce qui s’est passé ce jour-là au Capitole. L’absence flagrante et choquante de réaction de la part du chef des armées, la présence de personnes armées, les slogans violents, les morts et les blessés, sans oublier les menaces sur le vice-président des Etats-Unis, la présidente de la Chambre ou d’autres membres, accablent le 45e président. Certains commentaires et tweets de Donald Trump pèsent très lourds dans cette enquête, notamment lorsqu’il a appris que la foule voulait pendre Mike Pence et qu’il a laconiquement déclaré que « c’était mérité ». De nombreuses preuves ont été semble-t-il trouvées dans sa correspondance électronique avec l’avocat John Eastman, qui sera certainement également au centre du rapport et inquiété pour les mêmes chefs d’accusation.

En quoi cette annonce est-elle historique ?

Jamais, dans toute l’histoire des Etats-Unis, un membre majeur de l’exécutif n’a été poursuivi au pénal. Cela n’est jamais arrivé avec aucun ministre, et encore moins un vice-président ou, a fortiori, un président.

Il y a eu quelques affaires qui ont eu un grand retentissement dans la presse, mais qui ont toujours touchés des personnalités de moindre importance dans la hiérarchie, et qui n’étaient généralement pas des élus : les plus connues récemment sont les poursuites engagées contre Steve Bannon, conseiller du président Trump et condamné à 4 mois de prison pour outrage à magistrat (l’affaire est en appel), ou celle impliquant Scooter Libby, chef de cabinet de Dick Cheney et condamné à 30 mois de prison (gracié par le président Trump).

Pour la petite histoire le président Ulysse Grant aurait été arrêté par un simple policier pour excès de vitesse (en cabriolet à cheval) et condamné à payer une amende de 20 dollars. Cela fait au moins dire aux Américains que personne n’est au-dessus des lois dans leur pays.

Une inculpation, avec une éventuelle condamnation de Donald Trump serait donc un précédent d’une portée immense. Il entrerait dans l’histoire comme le seul président à ne pas avoir respecté son serment de protéger la Constitution. Rappelons qu’il est également le seul à avoir été sanctionné par 2 Impeachments.

Quelles peuvent être les conséquences pour la politique américaine et pour l’avenir des Républicains suite à cette décision ? La candidature de Trump a-t-elle encore un avenir ?

On va rentrer dans une période de turbulence, qui va surtout secouer le parti républicain. Les élections de mi-mandat qui se sont déroulées le mois dernier ont montré les limites désormais très fortes dans l’influence de l’ancien président. Sa précipitation dans l’annonce de sa candidature pour 2024 a souligné son manque de sérénité, voire sa panique : alors que la quasi-totalité des candidats républicains sortants ont été réélus, et souvent sans difficulté et en améliorant leur score local, celles et ceux qui étaient étiquetés « trumpistes » ont connu une véritable déroute, avec les notables exceptions de Vance en Ohio et Lombardo au Nevada, mais dont les victoires se sont dessinées de justesse. Le doute qui était déjà présent s’est donc renforcé à l’égard de Donald Trump et le parti républicain est conscient qu’il lui faut se trouver une nouvelle locomotive. Trump est totalement démonétisé aujourd’hui et son étoile ne brille plus et n’attire plus tous ceux qui l’avaient rejoint justement parce qu’il brillait très fort : l’ancienne vedette des affaires, du show biz, de la jet set n’est plus que l’ombre de lui-même et sa candidature est carbonisée. Les retombées vont se faire sentir au Congrès : Kevin McCarthy, qui a reçu le soutien de Donald Trump pour devenir le prochain Speaker, devrait connaître une élection extrêmement difficile : jamais depuis au moins un siècle une telle élection n’a été disputée au point qu’il y a eu plus d’un tour. Ce sera pourtant très certainement le cas cette fois-ci et il ne faut pas exclure que McCarthy sera peut-être obligé de renoncer et qu’il faudra peut-être trouver un remplaçant en dernière minute. Peut-être Steve Scalise. Mais qui que soit le nouveau Speaker, il devra gouverner une majorité qui se déchirera. Son avenir personnel sera donc lié à ce climat tempétueux et ne devrait pas l’amener très loin.

Cet événement annonce-t-il la chute de Donald Trump et permettra-t-il d’ouvrir un nouveau chapitre pour les Républicains ?

On peut s’attendre à un silence relativement important des républicains vis-à-vis de cette enquête : les leaders du parti veulent désormais tourner la page Donald Trump parce qu’il reste bloqué sur le passé et sur sa propre personne, luttant encore et encore pour convaincre les plus crédules que l’élection de 2020 a été volée en raison « de fraudes massives ». Mais ce n’’est pas si simple. Cette rengaine gêne fortement celles et ceux qui veulent se lancer pour la course en 2024 et l’ancien président, dont l’impopularité ne cesse de grandir, pourrait au final faire gagner le camp démocrate. Cette crainte a été exprimée publiquement par Mitt Romney, qui considère comme d’autres qu’il y a une bonne douzaine de leaders capables de l’emporter à la prochaine présidentielle mais qu’aucun d’entre eux ne sera en mesure de gagner si les fans de Trump en décident autrement. La force de nuisance de l’ancien président est donc bien le plus grand danger du parti républicain.

Un candidat alternatif doit donc d’abord faire la preuve qu’il peut battre Donald Trump dans une primaire. Ron se Santis pourrait être cette personnalité. Cela promet une lutte sans merci au sein du GOP. On peut même quasiment parler de guerre civile à venir entre républicains.

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