Ça va tout changer : un euro = un dollar. Beaucoup vont pleurer. Mais d’autres en profitent discrètement<!-- --> | Atlantico.fr
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Mardi 12 juillet, la monnaie européenne a touché la parité avec le dollar pour la première fois en 20 ans
Mardi 12 juillet, la monnaie européenne a touché la parité avec le dollar pour la première fois en 20 ans
©DANIEL MUNOZ / AFP

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Le dollar et l’euro sont revenus à la parité d’origine en 2002. Un euro pour un dollar… À l'époque, les européens rêvaient d’un équilibre à ce niveau sur le long terme. Aujourd’hui, beaucoup pleurent mais certains jubilent

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La parité entre l’euro et le dollar n’est pas seulement le résultat du fonctionnement du marché des changes entre les deux monnaies, mais pour une grande partie de l’opinion, cette parité mesure la puissance économique de l’Union européenne par rapport à celle des États Unis. Quand l’euro est fort, la vox populi en déduira que l’Europe est forte. Quand l’euro est faible, c’est que l’Europe bafouille et prend du retard sur l’oncle Sam. La vox populi n’a pas tort. 

Pour beaucoup d’européens, la parité est le marqueur de l’importance relative du vieux continent par rapport à celui qu’on appelait autrefois le nouveau monde.  Cette compétition sur les changes portait évidemment un fond d’anti-américanisme historique. 

Il y a du vrai dans ce climat, sauf que la parité monétaire ne traduit pas exactement la dimension strictement économique du pays qui émet la monnaie. 

Le dollar est devenu puis les années 1950, la première monnaie mondiale de réserve et de transaction. Sa valeur dépend aussi du niveau des transactions internationales. L’euro est la monnaie de 27 pays européens dont les économies ne sont pas encore homogènes et sa valeur dépend beaucoup de la solidarité qui existe entre les pays membres. 

L’euro est devenu la monnaie officielle des pays européens le 1er janvier 2002, 1 EUR = 1,054 92 USD. Pour les français, l’euro valait 6,559 francs. Et beaucoup à l’époque ont pensé que la parité fixée sur l’euro était un peu forte parce que dopée par les allemands surpuissants en Europe. 

Par la suite, l’euro est monté à 1,6 dollar dans les années 2007/2008, pour entamer une décente assez brutale à partir de 2013… 

Aujourd’hui, la parité euro / dollar est donc revenue à égalité parfaite. On peut à nouveau spéculer sur la signification de ce retour aux sources. Expliquer qu’actuellement l’Europe dans son ensemble traverse une période compliquée, alors que les Etats-Unis se sont engagés très clairement dans une résistance forte aux menaces de déclin impulsé par la dynamique de la zone asiatique. On pourrait ajouter que les marchés financiers et monétaires craignent que l’Europe soit le grand perdant de la confrontation entre l’Amérique et la Chine. La guerre en Ukraine et l’agressivité des Russes ont brouillé les perspectives européennes. 

Le cours des changes traduit évidemment l’ensemble de ces phénomènes concurrentiels et de ces rivalités politiques, mais pèse aussi sur les situations économiques des acteurs. 

En Europe et en France en particulier, il y a des gagnants et des perdants. 

Globalement, les gagnants sont tous ceux qui travaillent en euros, qui créent de la valeur en euros et qui vendent en dollars. Les perdants sont ceux qui consomment en Europe des produits fabriqués ailleurs et qui sont achetés en dollars. La monnaie faible favorise l’exportation et pénalise les importations. Cette règle est vieille comme la science économique avec tous les effets toxiques et contre-indicatifs que véhicule la compétitivité monétaire, à commencer par l’inflation importée. 

Alors parmi les gagnants, il y a évidemment les industries du luxe, LVMH, Kering, Hermès, Chanel etc. etc.  Toutes les entreprises du luxe constituent la premières et vraie richesse des économie européennes. Les produits sont conçus et fabriqués en Europe (le plus souvent en France) et vendus en dollars. Donc l’affaiblissement de l’euro par rapport au dollar rapporte beaucoup d’argent, surtout sur des produits à forte valeur ajoutée et où la demande a peu d’élasticité prix. 

Autre gagnant, l’agroalimentaire mais les opérateurs ne s’en vanteront pas. L’excèdent commercial de la France et de l’Europe toute entière avec les Etats-Unis s’explique par la baisse relative des prix européens pour les américains qui se ruent sur les produits alimentaires, les vins et les spiritueux italiens et français notamment. La revalorisation du dollar pousse les prix de vente du champagne à la hausse mais ne décourage pas les américains.  

L’aéronautique et la construction navale sont des secteurs qui profitent aussi de cet alignement. Chez Airbus ou sur les chantiers de st Nazaire, la majorité des couts est exprimé en euros, alors que les recettes de chiffres d’affaires sont en dollars. S’il y a un secteur où la baisse de l’euro accroit la compétitivité commerciale, c’est bien l’aéronautique.  

Le tourisme profite à plein de cette parité. Les touristes européens ne sentent pas, mais les anglais, les américains et les asiatiques (en dehors des Chinois coincés par le covid) reviennent avec des dollars dont le pouvoir d’achat est plus fort que les années précédentes, ce qui permet d’allonger les séjours. L’été du tourisme sera record dans toute l’Europe du sud. 

Maintenant, il y a des perdants évidemment et la plupart des perdants sont malheureusement les consommateurs. Ils sont payés en euros et ils consomment beaucoup de produits et de services importés et donc achètent en dollars. A commencer par les carburants, l’essence, puisque le pétrole est payé en dollars. Dans ce secteur, c’est double peine. D’abord, parce que les prix mondiaux ont tendance à monter au-delà de 100 dollars le baril, mais aussi parce que le dollar vaut plus cher. On doit acheter des dollars chers pour se payer du pétrole qui lui-même s’est renchéri. Ça n’est pas la première fois que le pétrole vaut plus de 100 dollars le baril mais la dernière fois, l’euro/dollar était à 1,60.  Ça amortissait le choc. Avec les trajets en voiture, on s’est rapidement aperçu de l’augmentation des billets de chemin de fer et des billets d’avion. La part du carburant représente entre 30 et 50 % du prix de revient du transport. 

Au-delà du pétrole, une grande part des produits de grande consommation sont importés. Ils sont tous ou presque fabriqués en Chine, ils sont donc importés en dollars et coutent plus cher aux consommateurs européens. Cet impact joue sur les textiles, l’électroménager, le mobilière et beaucoup de produits d’équipement de la maison. 

Ce phénomène explique pour une part importante la pousse violente de l’inflation depuis presque un an, principalement sur les produits de première nécessité, ce qui touche d’abord les classes de populations les moins favorisées. 

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