Ça chauffe chez Uber : la vidéo du dirigeant d’Uber pris à parti en pleine course par un de ses chauffeurs, signe-t-elle le commencement de la fin ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Ça chauffe chez Uber : la vidéo du dirigeant d’Uber pris à parti en pleine course par un de ses chauffeurs, signe-t-elle le commencement de la fin ?
©REUTERS/Ralph Orlowski

Atlantico Business

La société américaine a une fois de plus affiché de bien mauvais résultats. L’image s’est dégradée, les chauffeurs grognent et les clients se tournent vers les concurrents VTC.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Alors qu’il se déplaçait dans une voiture Uber comme il le fait souvent quand il est à San Francisco, Travis Kalanick, le patron de Uber, a été reconnu par le chauffeur qui l’a accusé de pousser ses employés à bout. Comme seule réplique, Travis Kalanick, lui, a reproché au chauffeur de ne pas avoir une qualité de service à la hauteur du cahier des charges. S’en est suivie une discussion assez violente qui a évidemment dégénéré. Le problème c’est que la scène a été filmée et diffusée sur les réseaux sociaux. Du coup, le patron d’Uber a été contraint de publier des excuses.

Après les accusations de harcèlement sexuel par une ancienne salariée, puis la démission d’un haut dirigeant pour une autre affaire similaire, cette nouvelle affaire détériore encore davantage l’image et la réputation du numéro un mondial du transport individuel.

En fait, toutes ces affaires s’accumulent ou traduisent une situation de la société qui traverse une bien mauvaise passe.

En fait, les résultats 2016 étant mauvais, Uber a procédé à des augmentations de tarifs de 10 à 15%. Mais comme cette majoration n’a pas profité aux chauffeurs qui se sont vus eux –mêmes augmenter leurs frais de service, c’est à dire la commission qu’ils reversent à la société, bonjour l’ambiance.

Quand vous payez une course Uber, ce n’est plus 20% du montant qui part à la société américaine, mais 25%. Et jusqu’à 35% pour les Uber pool, les voitures partagées.

Du coup les chauffeurs qui se plaignaient déjà de petits salaires et de journées à rallonge, se retrouvent pour beaucoup, étranglés.

Avec des chauffeurs malheureux, la qualité de service s’est dégradée et les clients ont commence à s’en plaindre. Et quand le client n'est pas content, il regarde la concurrence franco- française. Surtout en France où Uber est périodiquement accusée de faire remonter ses chiffres d’affaires au Luxembourg ou en Irlande de façon à ne pas payer d‘impôts en France.

Les sociétés française de chauffeurs privés, elles, se font un point d‘honneur de faire savoir qu‘elles sont totalement en règle avec les règles fiscales françaises.

Pour tous les analystes du secteur, UBER paie aujourd’hui sa stratégie d’expansion ultra rapide. Uber a beaucoup investi pour prendre des parts de marché considérable et s’attacher un parc de voitures et de chauffeurs conséquent. Pour réussir, la stratégie de Uber était d’avoir des voitures partout et en grand nombre.

Cette stratégie de développement lui a couté très cher. Avec des pertes monstrueuses depuis sa création, l’année 2016 n’a pas dérogé à la règle avec 3 milliards de pertes, en augmentation de 30% depuis 2015.

Ce résultat est largement attribuable aux subventions généreuses accordées aux chauffeurs lors de l’accession sur un nouveau marché et à sa stratégie de tarifs assez attractifs pour attraper des clients.

Uber est présent dans 500 grandes villes du globe, et la stratégie d’entrée sur le marché est toujours la même.

•   On attire les chauffeurs en leur promettant un salaire horaire alléchant, et si besoin, on subventionne. Le but étant de proposer aux utilisateurs un réseau avec une offre de véhicules ; être présent partout très vite.

•   On affiche des prix avantageux pour l’utilisateur et un service de qualité par rapport aux autres moyens de locomotion que connaissent les citadins : moins cher que le taxi, plus sympa que le métro. Là encore, les offres pleuvent : réduction de première fois, fidélité récompensée, et Uber s’offre même le luxe de diversifier son offre avec la livraison de plateaux repas.

•   Une fois le leadership installé, la société peut procéder à une remontée graduelle des prix.

C’est exactement ce qu’il s’est passé en France. Un nom simple, devenu rapidement leader du marché, des voitures propres et des chauffeurs courtois, qui se bousculent au portillon pour devenir VTC. C’est un métier accessible aux jeunes, notamment ceux issus des cités. Uber a installé fin 2016 son centre d’accueil en Seine-Saint-Denis, et fait salle comble. Le transport de personnes y est même devenu le premier poste de créations d’entreprise. 12 000 emplois créés en deux ans.

C’était presque trop beau pour être vrai, jusqu’à ce que nous arrivions à cette phase de maturité du marché, prêts à subir une nouvelle augmentation des prix, de façon enfin à ce qu’Uber puisse espérer gagner de l’argent, de façon à rembourser les subventions accordées et faire oublier la mauvaise santé de l’entreprise.

Car les mauvais chiffres d’Uber font peur à bon nombre d’experts, qui ont d’ores et déjà annoncé sa ruine.

Uber a certes conquis, aux Etats-Unis, 85% du marché des VTC en sept années d’existence. Un pourcentage plus qu’honorable sauf que la société américaine a toutes les raisons de s’inquiéter pour son avenir. Pour trois raisons.

Première raison, la rigidité de la réglementation et le poids du corporatisme

Le secteur du transport de personnes, protégé par un lobby de taxis puissant a obligé Uber à devoir payer des amendes plombant son bénéfice. Juin 2016 en France : Uber est condamné à payer 800 000 euros pour pratique commerciale trompeuse et complicité d’exercice illégal de la profession de taxi. Aux Etats-Unis, les sommes sont beaucoup plus vertigineuses. Uber a accepté un deal à 20 millions de dollars car il aurait trompé les chauffeurs sur les potentiels revenus réalisables.

Deuxième raison, l’activité et le succès des Uber a attiré la concurrence et les convoitises. En fait et en dépit du poids des taxis, l’entrée dans le secteur, n’a jamais été protégée. Il n’y a pas de barrière. Pas d’innovation à protéger. Uber possède une part de marché très poreuse. Demain, un concurrent peut arriver lui aussi avec sa flotte de voiture, et récupérer les parts de marché. Et le seul moyen d’acquérir de nouveaux clients, quand les services sont similaires, c’est de baisser le prix. Non-viable à long terme, donc.

En fait, Uber n’a pas créé un nouveau marché, il a tout juste modifié la façon de l’utiliser en apportant une plus-value au niveau du service. Jusque-là, il profite du flou autour de cette nouvelle profession et de cette nouvelle forme d’économie. Les chauffeurs sont indépendants mais exploités, les consommateurs sont devenus addicts mais infidèles.

Enfin, troisième raison, l’activité de VTC n’est pas maîtresse de son futur. Qui sait, dans 10 ans, comment nous nous déplacerons ? Nos déplacements peuvent évoluer demain à tout moment, au gré de l’arrivée des voitures autonomes. Comme partout, le progrès fera des gagnants et des perdants. L’américain s’y prépare, c’est certain. En multipliant les recrutements notamment : un ponte de la Google, par exemple a embauche des de la NASA afin de réfléchir aux engins volants…

UBER n’a pas la capacité de financer cette recherche indispensable à sécuriser son développement futur.

D'après une enquête d'Aude Kersulec

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !