Bruno Le Maire, un ministre dans la tourmente<!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire a participé à un débat avec Eric Zemmour lors de l'émission Elysée 2022 sur France 2.
Bruno Le Maire a participé à un débat avec Eric Zemmour lors de l'émission Elysée 2022 sur France 2.
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Elysée 2022

Dans un débat sur l’économie, alors que les notes d’électricité explosent, il est légitime de s’interroger sur le passé, le présent et l’avenir des prix de l’énergie.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Le 9 décembre au soir France 2 avait organisé un débat télévisé, le premier des Présidentielles, entre un candidat nouveau (Eric Zemmour) présenté comme faible en économie et un Ministre de l’Economie supposé être devenu le sauveur des entreprises françaises atteintes de COVID ! Belle affiche ! Et l’on imaginait déjà les deux journalistes, Léa Salamé et  Laurent Guimier préparant déjà les données d’une séance passionnante !

L’économie ce sont les entreprises, le pouvoir d’achat, et donc la hausse du prix de l’énergie pouvait paraitre sinon central, du moins pas ignoré.

Au détour d’une question touchant à la compétitivité de notre pays, à son électricité d’origine nucléaire, Eric Zemmour a fait allusion au prix de l’électricité, au marché de l’énergie créé par la Commission Européenne et à ses dérives, en particulier l’Arenh, créé par la loi NOME de 2010 qui , pour satisfaire Bruxelles, oblige EDF à vendre 25% de sa production d’électricité à ses concurrents pour un prix de 42 Euros le MWH. En cela il est clair que ce n’est ni l’intérêt d’EDF ni celui de la France puisqu’ainsi l’avantage compétitif que représente nos investissements nucléaires et hydrauliques (plus de 80% de notre production ) ne profite ni à EDF (42 euros c’est trop bon marché ) ni aux industriels français qui ont vu leur note d’électricité augmenter de 50 à 100% cette année avec des prix issus du « marché de gros européen » pouvant aller jusqu’à 200 euros le MWH ! L’argument du candidat était donc que nous étions obligés de négocier avec la Commission Européenne pour défendre nos intérêts, que nous n’avions pas su ou pas pu les défendre, et que cela avait repris cette année avec la Commission Européenne qui veut aller encore plus loin dans le démantèlement d’EDF et sa fragilisation.

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Que les deux journalistes montrent tout de suite ne pas connaitre l’Arenh, on peut le regretter mais cela montre que les débats au Parlement et à la Commission Européenne laissent peu de traces, mais que le Ministre de l’Economie parle spontanément alors du marché régulé… du gaz qui est, on le sait une de ses préoccupations, là , on prend un coup . Les deux journalistes sont perdus, le candidat demande au Ministre s’il est au courant de la négociation Hercules, le projet qui aenvenimé pendant des mois les relations entre la Commission Européenne et la France , mais ce dernier revient au marché régulé …et les journalistes ferment le dossier précipitamment. Plus tard le Journaliste des Echos qui juge la prestation du candidat n’en souffle mot, pas plus que tous les intervenants au debriefing du débat qui suivra la séance.

Que l’on comprenne bien, ce sujet est essentiel pour la survie ou non de l’Europe et de la Commission Européenne. La France a une énergie électrique à très faible cout basée sur le nucléaire et l’Hydraulique. Le monopole d’EDF abondamment critiqué par nos voisins a profité et profite au pays, industriels comme ménages. Cette électricité est décarbonée, ou faible en émissions de gaz à effet de serre. Depuis trente ans les libéraux « idéologiques » de la Commission Européenne veulent casser EDF et ce monopole : Nous estimons qu’il est structurel, production centralisée nucléaire pour des raisons de sureté et de sécurité, transport (monopole de fait) , ainsi que distribution (monopole de fait). L’introduction des énergies renouvelables -éoliennes et solaires- réclamées par les pays majoritairement tournés vers les énergies fossiles a conduit à demander à la fois le démantèlement d’EDF et la construction d’usines éoliennes et solaires en France. Nos Gouvernements ont cédé devant les injonctions de la Commission Européenne conduisant à l’éclatement d’EDF en trois sociétés EDF, RTE (transport) et ENEDIS(distribution) et , pour ne pas briser la société nucléaire (et hydraulique) à créer à EDF des concurrents en vendant à des « fournisseurs «  d’énergie notre production à un prix cassé -Loi NOME 2010) . Il y a donc aujourd’hui des « fournisseurs » qui frappent à toutes les portes et qui ne sont que des intermédiaires entre les producteurs , les transporteurs ,  les distributeurs …et nous , "cochons de payants". Ils n’ont aucune valeur ajoutée sinon celle, parfois de posséder quelques usines éoliennes ou solaires (quelques 8 pour cents)  !

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Créer un marché, s’offrir une concurrence, cela a un sens lorsque les prix pour le consommateur baissent, mais là, structurellement, puisque les énergies renouvelables coutent plus cher que les autres, qu’elles sont intermittentes et qu’elles nécessitent des installations de raccordement énormes, la conséquence pour les Français, tous les Français, c’est une augmentation des prix pour les consommateurs. Ce n’est pas une position idéologique, c’est un fait observable par les Ministres comme par les journalistes, ce qui a conduit, en période électorale, à bloquer les prix pour les ménages tandis que les industriels voyaient, eux, leur ardoise dépasser l’entendement.

L’Etat a pour mission régalienne de contrôler les positions de monopoles structurels, ce sont les grandes infrastructures, en particulier l’électricité et le rail. Il peut décider de réaliser une concurrence « à la marge » pour insuffler un peu de respiration dans un système qui peut s’endormir, mais c’est à lui de le réaliser et non à une instance non élue qui l’oblige à faire des réformes néfastes à la population dont il a la charge. On ne peut pas regretter aujourd’hui la flambée des prix de l’électricité et accuser le Covid ou je ne sais quoi, le mécanisme Arenh nous a mis dans la panade actuelle, les Français, tous les Français, en souffrent alors que nos pères ont investi dans un outil compétitif et parfaitement adapté aux exigences environnementales. Dans un débat sur l’économie, alors que les notes d’électricité explosent, il est légitime de s’interroger sur le passé, le présent et l’avenir des prix de l’énergie et on peut effectivement demander aux responsables de l’économie comme de la communication de l’économie d’être attentifs à la nécessité de conserver cet avantage compétitif national qu’est le faible cout et la disponibilité d’une électricité abondante gages de la poursuite de notre prospérité .

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