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Brahim Bouraam victime mais pas du fascisme !
©REUTERS / Yves Herman

Hommage tristement électoraliste

Le candidat d' "En Marche !", Emmanuel Macron a rendu aujourd'hui un hommage à Brahim Bouarram, jeune marocain tué en marge d'un défilé FN en 1995. Philippe Bilger, avocat général dans le procès de Michaël Freminet condamné pour le meurtre de Brahim Bouarram en 1998 y voit une démarche électoraliste.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Comme je suis naïf !

Je n'imaginais pas que la campagne du second tour serait aussi violente, vindicative et extrémiste dans la forme de la part des deux candidats. Emmanuel Macron répliquant au FN parle de ses "insultes" et de son "obscénité" et Marine Le Pen n'était pas en reste dans son discours de Villepinte.

Notre futur probable président de la République a rendu hommage, dans la matinée du 1er mai, à Brahim Bouarram mort le 1er mai 1995 après avoir été jeté dans la Seine par un skinhead Mickaël Freminet.

Le procès de ce dernier et de trois  co-accusés s'est tenu au mois de mai 1998. Avocat général, j'avais requis contre Freminet, seul coupable du crime de meurtre qui lui était reproché, une peine de 10 à 12 ans de réclusion criminelle. Il a été condamné le 14 mai par la cour d'assises à 8 ans d'emprisonnement. 

Emmanuel Macron, avec son pelerinage, continue à exploiter le passé du FN pour pourfendre son présent et lui interdire un avenir présidentiel.

Je n'aurais pas eu envie de revenir sur cette malheureuse affaire si d'emblée elle n'avait pas été exploitée politiquement et si médiatiquement elle n'était pas chaque année dénaturée. Je l'ai encore constaté pour l'audiovisuel ce 1er mai..

François Mitterrand, alors président, a  pris le premier l'initiative de cet hommage qui en substance signifiait que le FN  était responsable de la mort de Brahim Bouarram.

On frémissait à l'idée d'un procès politique mais tout de suite dans le box on n'a pu que constater la présence d'un Freminet, pour ne parler que de lui, perdu, égaré, d'une simplicité d'esprit évidente, et qui était venu avec trois autres copains skinheads traîner le 1er mai à la queue du défilé traditionnel du FN dirigé par Jean-Marie Le Pen 

A la suite d'une bousculade, une altercation a opposé Brahim Bouarram à Freminet et celui-ci a poussé le premier dans la Seine en ignorant qu'il ne savait pas nager. Bouarram n'a pas pu être secouru et n'a pas été retenu, contre les co-accusés de Freminet, le délit de non-assistance à personne en danger.

J'avoue à cette occasion une faiblesse, un manque de courage. Au lieu de soutenir qu'il s'agissait du crime de coups mortels sans intention de donner la mort  qui aurait été la bonne qualification, moins grave  - Freminet ne connaissant rien de l'inaptitude à la nage de Bouarram -, pour me soumettre en quelque sorte à la pression politique et médiatique - alors que les débats pourtant avaient tout dégonflé - j'ai soutenu qu'il y avait meurtre et j'ai été suivi. Mais la sanction a été équitable et mesurée comme il convenait.

Il est surprenant de devoir constater que depuis 1995 et notamment après le procès de 1998, les médias ont continué à diffuser les mêmes erreurs, évoquant un assassinat et fantasmant sur le caractère idéologique du crime. A aucun moment ils n'ont eu la curiosité de se renseigner. Ils ont pris pour argent comptant ce que Mitterrand a voulu transmettre et qui n'avait rien à voir avec la réalité : non pas un crime politique mais un acte imbécile commis par un "crétin" et ayant eu une conséquence dramatique qu'il n'avait pas voulue.

Cela ne rend pas moins digne de compassion la mort de Brahim Bouarram mais il n'est pas le héros disparu d'une cause qui l'aurait pris volontairement pour cible. A croire que pour les politiques et les médias, l'Histoire fantasmée ne doit surtout jamais être revue à la baisse.

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