Stratégie offensive
Boris Johnson ou la rébellion contre la domination du ministère des Finances : la recette d’un succès politique à méditer
La stratégie n’est pas sans risque d’un point de vue économique mais les succès électoraux du premier ministre britannique s’expliquent largement par la manière dont il s’est défait de l’ombre portée d’une tutelle politique enracinée depuis des décennies au mépris des aspirations des électeurs installés hors du cœur des métropoles.
Atlantico : En février 2020, Boris Johnson a poussé au départ le chancelier de l'Echiquier Sajid Javid, ce qui lui a laissé les mains libres pour augmenter les dépenses publiques. Le premier ministre britannique a-t-il exprimé la volonté de reprendre en main la question budgétaire, jusque-là dominée par la doctrine économique dictée par le Chancelier Gordon Brown, partisan de l’orthodoxie budgétaire ?
Sébastien Laye : De la fin des années 1990 au Brexit, la doctrine économique et politique (en ce que la première subordonnait la seconde) embrassée par les élites anglaises fut celle du consensus mondialiste technocratique classique: une banque centrale indépendante se souciant avant tout des taux d'interet, une politique économique orientée vers l'attractivité pour les investisseurs extérieurs, notamment ceux achetant la dette de l'Etat anglais sur les marchés obligataires, et une relative désindustrialisation au profit des métiers de services. Gordon Brown fut à la fois l'architecte et le symbole de cette politique, car le chancelier, véritable double de Tony Blair, a consacré la toute puissance du Trésor public. Il a suivi en celà le duo Clinton-Greenspan aux Etats Unis, à ceci près qu'en Angleterre cette position permettait aussi une convergence avec l'ordolibéralisme allemand, et surtout, les désirs de la technocratie bruxelloise. Le Brexit a de facto sonné le glas de cet alignement, mais surtout la nouvelle politique économique du parti conservateur anglais (comme celle des partis similaires américains ou autrichiens) a tourné le dos au dogme mondialiste. Johnson a toujours clair sur ce sujet au cours des quatre dernières années: il est clairement un volontariste au niveau industriel par exemple, et il entend mettre au pas le pouvoir excessif du Trésor public: ce limogeage que vous indiquez eu valeur de symbole, sachant que depuis, le médiatique chancelier Rishi Sunak se préoccupe plus de la suite de sa carrière que de restaurer la gloire passée du Trésor (Ministère des Finances).
Quels résultats ont suivi ce tournant engagé par Boris Johnson ? Le pari est-il gagnant ?
Y a-t-il des leçons à en tirer pour la France ?
La France, perpétuellement à contre courant - nous avons bati l'Etat socialiste dans les années 1980 quand le monde entier libéralisait son économie- est le dernier des Mohicans, avec Bruxelles, du consensus mondialiste précédemment décrit: abandon de la politique monétaire à une banque indépendante ne se souciant que de l'inflation, zèle dans le libre échangiste aux dépens de notre intéret, désindustrialisation, règles automatiques de gestion des finances publiques; Qu'attendons-nous pour enclencher notre propre révolution des politiques économiques ? Ce n'est pas l'Europe bruxelloise qui initiera pour nous ce big bang....
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