Boris Johnson ou la rébellion contre la domination du ministère des Finances : la recette d’un succès politique à méditer <!-- --> | Atlantico.fr
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Boris Johnson s'entretient avec des Britanniques alors qu'il fait campagne au nom de la candidate du Parti conservateur Jill Mortimer à Hartlepool, dans le nord-est de l'Angleterre, le 3 mai 2021.
Boris Johnson s'entretient avec des Britanniques alors qu'il fait campagne au nom de la candidate du Parti conservateur Jill Mortimer à Hartlepool, dans le nord-est de l'Angleterre, le 3 mai 2021.
©LINDSEY PARNABY / AFP / POOL

Stratégie offensive

La stratégie n’est pas sans risque d’un point de vue économique mais les succès électoraux du premier ministre britannique s’expliquent largement par la manière dont il s’est défait de l’ombre portée d’une tutelle politique enracinée depuis des décennies au mépris des aspirations des électeurs installés hors du cœur des métropoles.

Atlantico : En février 2020, Boris Johnson a poussé au départ le chancelier de l'Echiquier Sajid Javid, ce qui lui a laissé les mains libres pour augmenter les dépenses publiques. Le premier ministre britannique a-t-il exprimé la volonté de reprendre en main la question budgétaire, jusque-là dominée par la doctrine économique dictée par le Chancelier Gordon Brown, partisan de l’orthodoxie budgétaire ?

Sébastien Laye : De la fin des années 1990 au Brexit, la doctrine économique et politique (en ce que la première subordonnait la seconde) embrassée par les élites anglaises fut celle du consensus mondialiste technocratique classique: une banque centrale indépendante se souciant avant tout des taux d'interet, une politique économique orientée vers l'attractivité pour les investisseurs extérieurs, notamment ceux achetant la dette de l'Etat anglais sur les marchés obligataires, et une relative désindustrialisation au profit des métiers de services. Gordon Brown fut à la fois l'architecte et le symbole de cette politique, car le chancelier, véritable double de Tony Blair, a consacré la toute puissance du Trésor public. Il a suivi en celà le duo Clinton-Greenspan aux Etats Unis, à ceci près qu'en Angleterre cette position permettait aussi une convergence avec l'ordolibéralisme allemand, et surtout, les désirs de la technocratie bruxelloise. Le Brexit a de facto sonné le glas de cet alignement, mais surtout la nouvelle politique économique du parti conservateur anglais (comme celle des partis similaires américains ou autrichiens) a tourné le dos au dogme mondialiste. Johnson a toujours clair sur ce sujet au cours des quatre dernières années: il est clairement un volontariste au niveau industriel par exemple, et il entend mettre au pas le pouvoir excessif du Trésor public: ce limogeage que vous indiquez eu valeur de symbole, sachant que depuis, le médiatique chancelier Rishi Sunak se préoccupe plus de la suite de sa carrière que de restaurer la gloire passée du Trésor (Ministère des Finances).

Quels résultats ont suivi ce tournant engagé par Boris Johnson ? Le pari est-il gagnant ?

En premier lieu, il faut remarquer que la moindre indépendance de la banque centrale anglaise, la reprise en main de politiques économiques volontaristes, ou la remise en cause des dogmes budgétaires de la période précédente, n'ont pas fait fuir les investisseurs, tant s'en faut. Historiquement, ce sont des sociaux démocrates, comme Clinton aux USA, Blair en Angleterre, ou Jospin/DSK en France, qui ont mis en oeuvre ces règles d'austérité car ils pensaient qu'ainsi ils attireraient toujours des investisseurs qui financeraient l'Etat Providence, via des achats de dettes souveraines. Ce mythe s'est écroulé: avec la crise de 2008 et surtout celle du Covid, les règles automatiques de gestion des finances publiques ont volé en éclats et les investisseurs ne se sont pourtant pas mis à attaquer les dettes souveraines des principaux Etats. La première partie du pari est donc un succès. Sur la croissance, l'Angleterre était sur la bonne voie avant le Covid, malgré le choc du Brexit: son économie a souffert comme partout en Europe en 2020 mais le rebond parait plus fort qu'ailleurs: on ne pourra vraiment juger la politique de Johnson qu'en 2022, mais ce qui est certain, c'est qu'à l'instar de Trump puis Biden, en remettant en cause ces dogmes de politiques économiques, il a redonné foi en l'action gouvernementale. Le fatalisme n'est plus de mise.

Y a-t-il des leçons à en tirer pour la France ?

La France, perpétuellement à contre courant - nous avons bati l'Etat socialiste dans les années 1980 quand le monde entier libéralisait son économie- est le dernier des Mohicans, avec Bruxelles, du consensus mondialiste précédemment décrit: abandon de la politique monétaire à une banque indépendante ne se souciant que de l'inflation, zèle dans le libre échangiste aux dépens de notre intéret, désindustrialisation, règles automatiques de gestion des finances publiques; Qu'attendons-nous pour enclencher notre propre révolution des politiques économiques ? Ce n'est pas l'Europe bruxelloise qui initiera pour nous ce big bang....

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