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Bons baisers de François Hollande : ces arbitrages douloureux que va devoir assumer le gouvernement pour faire face à un déficit plus élevé que "prévu"
©Reuters

PIB

Loin des 2,8 promis, le déficit public devrait atteindre 3,2% en 2017. Une lourde bévue dont hérite Bercy et qui devrait être difficile à réparer.

Agnès  Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est "Ce que doit faire le (prochain) président", paru aux éditions Albin Michel en janvier 2017.

 

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Atlantico :Selon Bercy, le déficit public devrait atteindre les 3,2% du PIB en 2017, loin des 2,8% qu'évoquait l'ancien ministre de l'Economie et des Finances. Afin de rester sous son objectif des 3%, le gouvernement va donc devoir faire 4 à 5 milliards d'économie. Comment peuvent-ils s'y prendre? A quels arbitrages vont-ils devoir procéder ?

Agnès Verdier-Molinié : Ce n’est pas très étonnant, ce qui aurait été étonnant aurait été de tenir les 2,7 ou 2,8 % de déficit par rapport au PIB avec toutes les annonces de dépenses supplémentaires  qui ont été faites par le précédent gouvernement (augmentation du point d’indice, dispositif PPCR, hausse des effectifs de la fonction publique de l’Etat etc…) la Cour des comptes vient même de montrer dans son rapport sur l’exécution du budget 2016 que le gouvernement précédent avait repoussé pour 900  millions de dépenses de 2016 pour 2017, une sorte de cadeau de bienvenue au nouveau Président… Celui-ci risque d’avoir toutes les peines de monde à contenir le déficit public de la France. Passer en dessous de la barre des 69 milliards (PLF 2017 : déficit de 69,3 milliards pour l’Etat) va être un exercice périlleux car les marges de manœuvre sont tenues étant donné que (pour l’instant) le gouvernement ne parle pas de LFR 2017 à voter à l’été. Pour expliciter l’effort, il faut se rendre compte que, afin de respecter le déficit de l’Etat assigné pour 2017, il faudrait que celui-ci n’augmente que de 200 millions d’euros par rapport à son exécution en 2016, ce qui suppose le respect d’une norme zéro valeur pour l’ensemble du budget de l’Etat. Or ce que nous révèle l’exécution budgétaire de 2016 c’est qu’à périmètre constant par rapport à 2015, la norme zéro valeur n’a pas pu être respectée. Elle ne l’a été que par des modifications techniques permettant de débudgétiser un certain nombre de dépenses, compensées par un usage immodéré de la fiscalité affectée. De tels artifices seront plus difficiles à mettre en place en 2017, d’autant que la manipulation des soldes des comptes spéciaux et de concours financiers qui ont été clos excédentaires ne pourront pas se retrouver ainsi tous les ans, sauf à ne pas parvenir à tenir nos objectifs en termes d’endettement par exemple.

Enfin, pour tenir le déficit il faudrait que la sécurité sociale présente un solde excédentaire de 0,4 point de PIB, or il semble que les gains budgétaires à attendre de la négociation UNEDIC ne seront pas suffisant pour atteindre cet objectif. Non, décidemment, parvenir à 2,7% du PIB en 2017 semble difficile à tenir.

Que reste t- il alors pour faire baisser les dépenses ? Des annulations de crédits ? Ce qui demanderait une loi de finances rectificative pour 2017… Bref, on tourne en rond… 

Mais le gouvernement peut rétropédaler et passer un collectif budgétaire après le rapport de la Cour des comptes de début juillet sur l’audit des comptes de la France. En effet, le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques pour 2018 va peut-être changer la donne, et conduire à la présentation et au vote d’un collectif entre juillet et août 2017, en cession exceptionnelle.

Pour faire face, il sera sans doute nécessaire de prendre rapidement un décret d’avance permettant de sanctuariser ce qu’il reste de la réserve de précaution et de procéder à des surgels en gestion : gel de crédits d’investissements, notamment de certaines dépenses militaires…, rétablissement de crédits liés à des sous-budgétisations systématiques (OPEX, Sentinelle), et surtout procéder peut-être à une pause dans le déploiement de la réforme dite « PPCR » (parcours professionnels, carrières et rémunérations, dont le plein effet budgétaire est programmé pour 2020). Le point de fonction public revalorisé en mars 2016 et en février 2017 est malheureusement irrattrapable, même s’il est possible de le geler par la suite.

Afin de renforcer les soldes techniques des comptes spéciaux, le gouvernement pourra par exemple remonter les perspectives de cessions à la fois dans les participations financière de l’Etat et l’immobilier, même si leur effet sur les soldes « maastrichtiens » n’est pas notable (il s’agira de produire des effets en trésorerie et en comptabilité budgétaire avant tout).  

Selon Didier Migaud, Président de la Cour des comptes, le retour sous les 3% reste encore incertain. Pourquoi ces économies pourraient s'avérer difficiles à mettre en œuvre ? 

Les difficultés sont récurrentes et malheureusement bien identifiées : inertie de la masse salariale, sous budgétisation de certaines dépenses de défense et de sécurité : poids des Opex, remise à niveau des matériels militaires et le fait  que les gouvernements n’assument pas de gager les nouveaux recrutements dans les fonctions régaliennes par la suppression de postes publics équivalents dans les ministères non prioritaires en 2017. 

Plus profondément, il est nécessaire que l’Etat en tant que tutelle, se mette en capacité de beaucoup plus fortement contrôler les effectifs et leur gestion prévisionnelle dans ses propres opérateurs, afin de mieux maîtriser leur masse salariale, ce qu’il ne fait aujourd’hui que très imparfaitement.

Quels seront les difficultés, à court et moyen termes, que pourrait rencontrer le gouvernement afin de respecter le Pacte de stabilité avec ses partenaires européens? 

A moyen terme, c’est surtout une augmentation des taux de la dette française et de l’inflation qui sont préoccupantes. 1 point sur les taux d’intérêt sur l’ensemble de la courbe de taux  coûte à 10 ans 15 milliards d’euros  par an… cela fait réfléchir (la dette a augmenté de 23 % depuis 2011 tandis que la charge de la dette a baissé de 10%) CQFD

A moyen terme, c’est aussi la baisse structurelle des dépenses qu’il faut prévoir à la fois sur l’Etat, les collectivités locales et la sécurité sociale tout en préservant les investissements essentiels dans le régalien (sécurité intérieure, pénitentiaire, défense) étant donné les menaces qui pèsent sur la sécurité des Français. Cela demandera qu’une véritable définition des missions à conserver par la puissance publique soit faite avec, en creux, la définition de celles à déléguer au privé. Cela suppose également de passer un pacte de confiance budgétaire avec les collectivités territoriales afin de fixer des objectifs de gestion communs permettant de déboucher sur des effets financiers partagés (en termes de dépenses, masse salariale, déficit, coût des services publics, d’endettement etc.). Et que l’Etat se comporte en gestionnaire avisé de son propre patrimoine financier comme immobilier.

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