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Black-blanc-beur : pourquoi une victoire à l’Euro 2016 ne produirait en aucun cas les mêmes effets que celle de la Coupe du monde 1998 (sans parler d’une défaite…)
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“La victoire est en nous” ?

A la suite de la victoire des bleus lors du match d'ouverture de l'Euro 2016, le 10 juin, la question d'un triomphe tricolore à l'Euro mérite d'être posée... Pour autant même si notre équipe parvenait à rejouer le scénario de 98, les conditions ont bien trop changée pour permettre la même magie.

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Atlantico : La France affrontait ce vendredi soir la Roumanie dans le cadre du match d'ouverture de l'Euro 2016. Pour la première fois depuis 1998, la France accueille sur son sol un événement sportif d'ampleur internationale... A l'époque, le pays avait célébré la victoire de son équipe dans une forme de communion festive exceptionnelle, célébrant la France "black-blanc-beur". N'y a-t-il pas des raisons de douter du fait qu'une victoire de notre équipe à l'Euro ait un effet comparable aujourd'hui ?

Pascal Perri : 2016 ne sera pas 1998, quelque soit le résultat de la compétition. La France d’aujourd’hui est très divisée, elle est beaucoup moins unie qu’elle ne l’était en 1998. L’équipe de France black-blanc-beur portait une espérance, un projet collectif. Elle célébrait les idéaux d’une nation radieuse, forte de ses différences. En 2016, ces différences ne produisent plus d’unité, elles sont au contraire un profond facteur de division. Je suis frappé par la radicalité des rapports humains. Nous ne sommes pas en guerre civile mais la France ne s’aime plus. Les Français ne s’aiment pas davantage entre eux. Ils sont redevenus jaloux en envieux pour reprendre la formule de Raymond Barre. La France de 1998 cherchait son identité dans sa diversité, y compris économique. On retrouve cette représentation dans le vocabulaire employé à cette époque : la majorité était plurielle, l’équipe de France était BBB ! Aujourd’hui la majorité est disloquée et l’équipe de France est en reconstruction. La situation autant que les acteurs ont changé. Ce qui était présenté comme une force est devenu la source du problème. 

La deuxième raison de ce grand écart 1998-2016 qui fonde d’ailleurs la première est d’ordre économique. L’économie allait beaucoup mieux en 1998. Rappelez-vous que Jospin termine son "mandat" avec 3% de croissance. Hollande va bénéficier d’une meilleur année 2016 : le CICE commence à donné des résultats, le chômage marque la pas mais les Français ne le voient pas encore. Le football ne fera oublier ni la menace terroriste islamiste ni les conflits sociaux. La tension qui s’exprime dans certains secteurs stratégique de l’économie comme les transports ou l’énergie a détruit toute la légèreté sociale qui pouvait accompagner une compétition festive.

Quel pourrait alors être l'impact d'une victoire de la France à l'Euro 2016 ? Comment notre société serait-elle susceptible de réagir, au regard des mouvements sociaux en cours ou encore des tentions intercommunautaires actuelles ?

Le sport a beaucoup de vertus mais il n’a pas d’effets hypnotiques de long terme. Ce qui peut arriver de mieux est le scenario suivant : je retiens votre hypothèse, l’équipe de France gagne l’Euro 2016. Nous sommes alors en juillet. Les Français partent en vacances, la chronique sociale s’essouffle et finalement les tensions s’apaisent. Le malade bénéficie des effets anti douleur de la morphine mais ils ne sont pas nécessairement durables. Je suis prêt à parier sur cette première option mais il en existe une autre : insensible aux dégâts collatéraux des blocages, insensibles aussi aux performances de l’équipe de France, les syndicats les plus durs maintiennent les mouvements de grève. Ils multiplient les opérations commando dans les transports et dans les secteurs vitaux. On peut bloquer le pays avec peu de grévistes. C’est techniquement faisable et l’Euro est une tribune à forte résonance. Ca ne serait pas raisonnable mais qui dans ce conflit tient encore des raisonnements rationnels ?   

A l'inverse, quel serait l'impact probable d'une défaite précoce de l'équipe de France, socialement et politiquement ?

Nous avons tous un peu tendance au French bashing. L’élimination de l’Equipe de France viendrait renforcer la propension bien française à l’auto flagellation : "le pays est à la dérive, le gouvernement est nul, nos footballeurs sont des incapables (trop payés)". On entend d’ici la chanson. Les Français se sont entichés de leur équipe nationale parce qu’elle est sympathique, ouverte, bien élevée et solide sur le plan sportif. Une élimination précoce nous mettrait un coup au moral. Pour s’aimer, la France a besoin de gagner. Quelque soit le parcours des bleus, l’Euro est français jusqu’au mois de juillet. Nous sommes responsables de son bon déroulement. Avec ou sans les bleus, il restera une empreinte économique favorable évaluée à un surplus de consommation de 1,2 milliard d’€, à condition que les perturbations cessent et que les pilotes d’Air France retrouvent le sens du réel ! Au passage, rappelons-nous qu’un Euro 2016 trop perturbé nous disqualifierait pour les JO 2024.

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