Bilan de la gestion du Covid : pourquoi ce muselage des scientifiques français ?<!-- --> | Atlantico.fr
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A quel point les scientifiques ont-ils été muselés ?
A quel point les scientifiques ont-ils été muselés ?
©FRANCK FIFE / AFP

(Auto)censure ?

Le Conseil scientifique du Covid-19 a été dissous le 31 juillet 2022, donnant l'occasion d'un bilan des années écoulées et de s'interroger sur la liberté de la parole scientifique pendant cette crise.

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy est médecin généraliste. Il s'intéresse particulièrement au Covid-19 chez les enfants. Il est membre du Collectif Du Côté de la Science et cofondateur du collectif Stop postillons.

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Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Alors que les contaminations repartent à la hausse et que la campagne de vaccination pour les doses de rappel présente des failles et laisse entrevoir des « trous dans la raquette », la parole des scientifiques français semble muselée sur le bilan de la gestion du Covid ? Comment expliquer cette situation ? Comment expliquer que la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences aient conduit au muselage des scientifiques français ? Est-il lié à la duplication des méthodes de gestion de la crise par rapport à la Chine ?

Michaël Rochoy : Les raisons sont multiples.

La première vient du gouvernement qui n’a pas une attache particulière si importante à la parole des scientifiques. Les avis du Conseil scientifique qui sont censés être rendus très rapidement ont souvent été dévoilés avec une dizaine de jours de retard. En janvier 2021, Emmanuel Macron s’était par exemple dispensé de l’avis du Conseil scientifique avec des mots dans la presse qui n’étaient pas en leur faveur...

Il y a eu tout un narratif mis en place par le gouvernement sur la fin de la pandémie pour de multiples raisons. Potentiellement, dans ces raisons, il a pu y avoir une part électoraliste, avec le calendrier des élections présidentielles et législatives en 2022. Cela a pu forcément jouer. 

Le discours politique était alors le suivant : « il s’agit peut-être de la dernière vague », « Omicron est une chance ». Il était difficile ensuite de rétropédaler.

Dès que les mesures étaient levées et pour y ajouter de l’optimisme, il n’y avait jamais cette contre notion que des mesures allaient être prises. Ca a été la principale erreur pour moi : les masques ont été retirés sans message de prévention alertant que si un seuil alarmant était atteint à nouveau, le port du masque serait alors à nouveau obligatoire dans certains lieux.

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On se retrouve dans une situation où le taux d’incidence est supérieur à 1000 où nous n’avons pas de masques dans les transports en commun parce que cela donnerait une impression de faire machine arrière. Cela aurait pu être anticipé en fixant un seuil précis pour la reprise du port du masque. Cela aurait apporté une certaine transparence, une vigilance accrue et aurait facilité l’approbation de la mesure.

Donc la première raison, c’est le gouvernement. La deuxième, c’est logiquement les médias, qui ont accordé beaucoup de place au Covid-19 pendant deux ans. Ils ont eu le souhait de passer à autre chose.

Ce sont toujours les mêmes messages qui doivent être délivrés pour lutter efficacement contre la pandémie : aérer, utiliser des masques dans des lieux clos (chirurgicaux si tout le monde en porte, FFP2 si on est seul à en porter et qu’on veut se protéger individuellement), installer des capteurs de CO2 pour mieux apprécier la qualité de l'air, , s’isoler lorsqu’on a des symptômes (sans attendre le résultat, et sans transmettre non plus ce qu’on traîne si le test revient négatif !), faciliter l'accès aux auto-tests, éviter les rassemblements larges en intérieur lorsque le taux d’incidence est élevé, favoriser le télétravail lorsque les taux d’incidence sont très élevés, mettre des jauges pour limiter les brassages ensuite… Et bien sûr, se faire vacciner, selon les recommandations en vigueur, avec 2 à 4 doses, selon l’âge et la situation, dès 5 ans.

Tout ça a déjà été dit et redit… Il est difficile de trouver un nouvel angle pour traiter médiatiquement la pandémie de Covid-19 après ces longs mois de crise sanitaire. Avec la canicule, le réchauffement climatique, les élections ou la guerre en Ukraine, il y a forcément d’autres papiers et d’autres articles à traiter dans les médias.

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Au bout d’un moment des articles s’intéressaient au fait de savoir « Pourquoi tout le monde se moque que nous ayons encore plus de 100 morts par jour liés au Covid-19 ? ». Il y a beaucoup d’articles sur l’indifférence des médias quant à la pandémie, c’est très méta !

Les scientifiques ne sont plus écoutés car on ne leur donne plus autant la parole après l’avoir beaucoup monopolisé lors de la période la plus intense de la crise sanitaire.

2- La disparition du Conseil scientifique (qui doit arrêter sa mission le 31 juillet) et la création du nouveau « comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires », retoquée par le Conseil d'État, n’est-il pas un mauvais signal envoyé aux scientifiques et une reprise en main de la classe politique dans la gestion de la crise sanitaire ?

Michaël Rochoy : Le Conseil scientifique n’avait pas un grand pouvoir. Cela ne devrait pas changer grand-chose. Il est dommage qu’il soit parti ainsi. A plusieurs reprises, leur avis a été peu ou mal considéré. Les membres de ce Conseil auraient pu à maintes occasions claquer la porte et envoyer un message plus fort. Ils mettent fin à leur mission pour être remplacé par une autre institution qui n’arrive pas…

3- Certains médecins ou professeurs ont été accusés d’outrepasser leurs connaissances et d’être entrés sur le terrain politique lors de la crise sanitaire, notamment sur les plateaux de télévision et dans les médias. Est-ce que cette image « dégradée » et cette politisation de la médecine ont conduit la classe politique et les dirigeants à museler les scientifiques et à reprendre la main sur la gestion de la crise sanitaire ?

Michaël Rochoy : Les médecins ont eu beaucoup la parole et ont pu répéter leurs messages de prévention. Mais les politiques ont décidé de ne pas forcément appliquer les mesures préconisées par les scientifiques. Les politiques n’ont pas repris la main : ils l’ont toujours eue...

Tout est devenu politique dans cette gestion de la crise sanitaire. A partir du moment où l’on indique qu’il faut mettre un masque dans les transports, cela est considéré comme politique ; mais il est très difficile d’être totalement en dehors du champ politique lorsque l’on fait de la santé publique… 

Et d’ailleurs, ce n’est pas honteux d’essayer de délivrer des messages globaux, c’est ce qu’on nous demande régulièrement : habituellement, il est accepté et même attendu que les médecins parlent d’alimentation, de sexualité, de tabac, d’alcool, de toxicomanie, d’activité physique… pourquoi la lutte contre les infections respiratoires dans la société serait-elle le rôle des seuls politiques et pas des médecins ?  

4- Alors qu’un sentiment de lassitude perdure face à la pandémie, la parole scientifique pourrait-elle permettre de rassurer les Français et d’obtenir enfin des réponses et une certaine efficacité sur la vaccination, les plans d’aération et de ventilation ou bien encore le port du masque et les traitements en pleine septième vague et pour la période estivale et la rentrée ?

Michaël Rochoy : J’ai co-signé une tribune dans L’Express sur la rentrée scolaire sur ces enjeux. Nous sommes toujours sur les mêmes problématiques. On sait exactement ce qui est utile. On connaît le bilan des douze derniers mois, de juin 2021 à juillet 2022 : près de 40.000 morts ont été recensés sur les 150.000 sur la totalité. En juillet 2021, nous avions déjà pourtant une large vaccination des personnes les plus à risques.

Malgré les doses de rappel, le virus se transmet plus. Sommes-nous face à un virus qui fait 40.000 morts par an (à peu près quatre épidémies de grippe) dans une relative indifférence ou est-ce que des gens s’en préoccupent réellement ?

Il est toujours important d’appeler à se faire vacciner mais il y a des problèmes d’accès au vaccin pour certains patients, qui existaient pour les premières doses et qui ne sont pas miraculeusement résolues pour les doses de rappel ; où en sommes-nous du aller vers ? Les urgences sont surchargées cet été. Les médecins généralistes vont connaître le même problème cet été. La vaccination doit être prioritaire mais elle est compliquée à mettre en place. Beaucoup de mes confrères ont abandonné la vaccination, certaines pharmacies aussi, et les centres de vaccination ne rouvriront plus… 

Dire qu’il faut mettre le masque, on peut tous le faire. Mais rendre le masque obligatoire, c’est quelque chose qui doit passer par le gouvernement… D’un point de vue scientifique et sur le plan de la logique, il y aura forcément plus de contaminations sans le masque ; qui dit plus de contamination dit aussi plus de tests coûteux, plus d’arrêts de travail désorganisant la société, d’arrêts scolaires péjoratifs pour les apprentissages, plus de symptômes prolongés (COVID long) potentiellement invalidants, plus d’hospitalisations, de réanimations et de décès. Pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre que tout dépend du nombre de cas…  

Il est toujours nécessaire de faire de la prévention sur les risques de transmissions chez les personnes immunodéprimées, de personnes à risques et à continuer d’alerter sur les 40.000 morts par an dûs au Covid-19 par rapport au 9.000 liés à la grippe (même si ce nombre de 9000 est très débattu) et cela malgré des gestes barrières et une vaccination renforcée…

On peut toujours rappeler tous ces éléments et faire de la prévention d’un point de vue scientifique et médical mais au final les décisions sont prises et menées par les politiques.

5- Les nouvelles études sur le Covid long et les formes graves ainsi que les récentes publications scientifiques sur le Sars-Cov-2 ne permettent-elles pas d’apporter des réponses encourageantes sur le front de la lutte contre la Covid-19 et pour le bien-être des malades ? Cela permettra-t-il de réhabiliter et de faire triompher la science ?

Michaël Rochoy : La science n’a pas besoin d’être réhabilitée. Ce sont des chercheurs qui ont permis d’obtenir un séquençage du Sars-CoV-2 en un temps record, d’avoir rapidement des tests et de développer un vaccin contre le coronavirus efficace de façon très précoce.

Cela a permis d’éviter beaucoup de morts.

Mais il y a une forme de malédiction du vaccin. Au lieu d’en profiter pour faire baisser drastiquement la mortalité et d’avoir une circulation du virus très faible, cela nous a permis d’en « profiter ». Cela a conduit à laisser circuler davantage le virus en France et d’accepter un niveau de circulation du virus complètement délirant jusqu’à 500.000 contaminations par jour en janvier 2022 pour arriver à 300 morts par jour.

Des critiques envers la science et les scientifiques existent, notamment de la part de complotistes. La majorité de gens savent très bien ce qu’ils doivent aux avancées scientifiques pendant la pandémie.  

Après 6 mois d'enquête, trois journalistes du Point révèlent une centaine de documents confidentiels sur la gestion du Covid par l'État depuis l'apparition du premier cas. En charge de l'enquête, le journaliste Jérémy André Florès souligne sur Twitterque deux ans après le début de la crise, les scientifiques ne sont toujours pas libres de leur parole vers les médias. Qu'est ce qui motive l'État et les institutions françaises à ne pas les laisser s'exprimer ?

Guy-André Pelouze : Ces investigations concernant la pandémie sont intéressantes à un double titre. C’est l’essence même du journalisme. D’autre part il faut se poser la question “qu’est ce qui n’a pas marché et comment nous améliorer…”. Entre le gouvernement qui est dans un satisfecit insoutenable et les excités complotistes, antivax, anti Big Pharma il faut saluer ceux qui s'engagent dans des analyses factuelles. 

Les “scientifiques français” est une expression qui doit être précisée

De qui s'agit-il? Les personnels salariées de l'État dans des organismes de recherche ont tout naturellement un lien de subordination. En effet l'organisation des structures étatiques est calée sur le modèle administratif français qui est caractérisé par la nomination à vie. Quand un chef est nommé à vie, c'est un château fort féodal… Les personnes salariées d’une entreprise ont aussi un lien de subordination mais elles ne sont pas nommées à vie, au moins pour le domaine de leur recherche. Entre les deux, il n’y a en France d’espace pour personne. Les universités sont un monopole d'État, les institutions non étatiques sont liées par des contrats pour avoir des sous. C’est la grande différence avec d’autres pays européens. Ainsi on obtient une opinion très uniformisée, une recherche très conventionnelle et une prise de risque négative.

Dans ce contexte, malheureusement ce qui est dominant c’est l’idéologie. Hors du politiquement correct votre avenir est un placard. Toute la sphère étatique est acquise à l’idéologie progressiste et woke. Donc l’état et ses affidés exercent des pressions uniquement sur ceux et celles qui ne sont pas dans la ligne. C’est très ancien. Cela n’a bien sûr pas aidé le pays dans cette pandémie. Les Universités en particulier doivent faire le bilan de leur contribution. Il y a des exceptions d’excellence comme l’Institut Pasteur et d’autres unités qui ont réellement fait avancer nos connaissances. En revanche sur le plan clinique le bilan est mince au regard des moyens considérables dont nous disposons et par exemple du nombre d’essais cliniques randomisés réalisés (RCTs). Or l’Europe a agi avec succès dans cette compétition mondiale, par exemple le Royaume Uni a réalisé et publié des essais cliniques randomisés essentiels qui ont permis de sauver des vies. Parce que le rugby est un sport d’ecellence où la compétition est totale je citerai un de mes amis cliniciens: “quand on demande à Google de trouver les RCTs effectués en France pendant la Covid-19 on a les résultats des cas de Covid au Rugby Club Toulonnais…”

S’agissant de la Covid-19 c’est différent.

La pandémie a fait vaciller les idées reçues. Il s’agit d’un évènement nouveau (réellement nouveau donc imprévu, pas comme tout ce qui est nouveau sur les ondes mais connu du pouvoir depuis un temps certain), or l’étatisme abhorre ce qui est nouveau. De surcroît il s’est agi d’une menace existentielle, or le progressisme est par définition hostile à la réalité qui n’est pas un lendemain qui chante. Ensuite la leçon tactique apprise et bien rodée c’est de rassurer les Français, apaiser nos ennemis, minimiser la menace et acheter du temps. Enfin il y a la question de l’incertitude. Là aussi en temps “normal” il ne faut jamais qu’il y ait la moindre incertitude dans le discours puisque l’état est omniscient. Or c’est faux et la pandémie a infirmé beaucoup de doctes assertions. Si bien que les élites ont bégayé, la fiche n’était pas prête. Au plus haut sommet de l'État on a célébré le mode de vie à la Française en allant chez Molière avant de confiner quelques jours après. Puis le bégaiement communicatif s’est compliqué d’un fiasco organisationnel. Une agence de flyers pour faire de la santé publique dans une pandémie, des masques qui étaient là mais n’y étaient plus, aucune possibilité d’envoyer des soignants au contact de la population et des préfectures sanitaires immobiles dans les vagues de Covid-19. Si bien que les vieux réflexes de l'élite arrogante ont ressurgi pour combler le vide. Les Italiens souffraient et mouraient en masse parce qu’ils étaient moins bien équipés et performants que nous. Les Allemands étaient méchants de fermer leurs frontières alors qu’il fallait laisser circuler les personnes. Les Sud Coréens en faisaient trop. Le virus n’a pas demandé de passeport pour prouver le contraire.


« Le président a précisé que, malgré le coronavirus, la vie continuait et qu'il ne fallait pas (sauf pour les populations fragiles) modifier les habitudes de sortie, en suivant les règles d'hygiène » Jean Marc Dumontet

Les cliniciens étaient en train de soigner et un nouvel événement va se produire en France

Quelques scientifiques et médecins vont frauder et annoncer avec une boursouflure extrême de l’égo Eureka! Pourtant les Chinois avaient flairé l’embrouille, le journal de publication est en 4ème division mais qu’à cela ne tienne la mayonnaise prend surtout chez les esprits préparés à accueillir la nouvelle mémoire de l’eau. Le président, mal conseillé à cette occasion, s’est même déplacé pour voir. Il aurait mieux fait de traverser la rue pour acheter un tube d’hydroxychloroquine… L’imposture va durer deux ans. Elle va couter des vies, accréditer le complotisme, renforcer le relativisme et créer une tension extrême dans la société.


Dans leur série sur la pandémie les journalistes du Point pointent plutôt les affirmations dangereuses de certains médecins ou scientifiques plutôt qu’une quelconque censure. “La grosse grippe”, “l’éternuement chinois”, “Ce n’est pas une gripette, mais ça reste une maladie virale comme on en a tous les ans”, “Le risque d'introduction en France de cas liés à cet épisode est faible mais il ne peut pas être exclu", ces perles sont mis en face des prédictions de Neil Ferguson. L’histoire a tranché. Il vaut mieux élaborer des modèles et les perfectionner que passer son temps à la télé.
Ensuite ils font l’inventaire de l’incurie organisationnelle.
En réalité ils décrivent très bien que nous avons subi une profusion d’opinions sans aucune censure.
Ce qui caractérise cette période c’est plutôt un refus de décrire l’incertitude, la préférence pour l’opinion d’autorité sans preuve rationnelle et surtout sans la responsabilité qui va avec. La plupart des tonitruants experts à vie n’ont présenté aucune excuse pour leurs commentaires erronés à revers de la réalité qui empirait chaque jour.


Que s’est il passé chez les médecins et les scientifiques pendant ce temps là?

Guy-André Pelouze : Le principal problème a été la peur mais pas celle de l’état. Des médecins, des scientifiques menacés de mort. Des médecins agressés, insultés, des sabotages multiples dans les centres de vaccination et une campagne de désinformation d’une violence jamais vue et d’une durée surprenante. Il y eut des complices. Certains médias devant la chute des recettes publicitaires ont cherché à booster l’audimat. Le complot est un supercarburant. Les chercheurs se taisent, les cliniciens prescrivent sous pression à des patients apeurés l’hydroxychloroquine, les mieux désinformés exigeront aussi l'azithromycine. La sécu rembourse. C’est cette peur qui va provoquer un silence pendant cette campagne de violence et l’état qui n’était pour rien dans son déclenchement ne va rien faire de très significatif pour l’entraver. Ni lui, ni ses courroies de transmission comme les corps académiques qui ont failli dans leur mission d’éclairer le chemin pour sauver des vies. Les défilés télévisuels se multiplient et ceux qui abordent avec rationalité cette pandémie grave sont tour à tour traités de menteurs, de collabos, de complices du grand complot et de Big Pharma. La France déjà fermée au dialogue intra-européen se referme un peu plus et plus rien ne filtre, la vérité c’est la Pravda des petites lucarnes de BFM ou CNews en déplacement exceptionnel dans le bureau du sachant.

Voilà pourquoi je doute que l’état ait censuré les “scientifiques”. Et je suis certain que les revues Nature, Science, où le NEJM ont été consultées régulièrement pour savoir ce que les autres cliniciens et biologistes observent, expérimentent et trouvent. Surtout que dès le début le capitalisme sauvage anglo-saxon a mis à disposition gratuitement tous les articles sur la Covid-19 jusqu’à ce jour.

Voilà pourquoi au lieu d’une censure j’ai observé un recul sociétal de la rationalité nourri de longues années de relativisme scientifique. Il est probable que notre communauté scientifique, à quelques exceptions remarquables près, ait elle-même déclenché un locked in syndrome.

Y a-t-il une peur de la part des scientifiques et des institutions à paraître décrédibilisés en dévoilant des informations sur leurs recherches ?

Guy-André Pelouze : La rhétorique de la peur est dangereuse. Ce qui peut être apeurant pour un scientifique c’est de ne pas être reconnu par ses pairs dans ses publications, c'est-à-dire d’essuyer refus après refus dans des journaux majeurs. Ce qui décrédibilise c’est de ne pas avoir d’articles acceptés dans les journaux majeurs. L’excellence est reconnue aujourd’hui plus que jamais car le monde scientifique est ouvert, collaboratif et très concurrentiel. Là où la question se pose en France c’est dans les recherches sur des sujets où le politiquement correct a tracé une ligne dans le sable… Exemple, la génétique de l’intelligence, le dimorphisme sexuel, l’inné et l’acquis, la théorie de l’évolution, l’économie de marché etc. L’explication est simple, l’argent vient de l'État et le pouvoir contrôle où il va. La solution est simple: il faut des financements privés de la recherche par des institutions indépendantes comme des universités privées, des centres de recherche dépendant de fondations privées etc. C’est ce tissu d’organisations indépendantes qui fait défaut en France. C’est ce qui fait la force du Royaume Uni et des USA.


“Ils sont payés pour mentir sur les plateaux TV, entretenir la peur, vendre du vaccin, du#Remdesivir, du#Paxlovid ou des anticorps monoclonaux...#BigPharma arrose le monde médical pour s'assurer de gigantesques profits. Ils devront rendre des comptes !”
Quand vous êtes en face d’un de ces individus et qu’il vous dicte l’ordo qu’il veut tout de suite (chloro, azithro, vitamine A,D, C le tout à 100%) vous devez peser plus de 50 kg et avoir des arguments frappants. Arrêtons l’hypocrisie et les commémorations ou bien les observatoires de la violence.
Le résultat malheureux de cette violence c’est que nous n’utilisons pas assez les antiviraux qui marchent très bien dans la Covid.


Des éléments de l'enquête confirment-ils que l'État a minimisé les appels de scientifiques sur la gravité de la situation sanitaire ?

Guy-André Pelouze : La réponse à cette question peut avoir un contenu à portée judiciaire. Des instructions sont en cours et la Justice dira le droit. Toutefois il était facile à l’époque, pour chaque Français de consulter les simulations d’Oxford et de suivre la progression exponentielle de la pandémie sur des sites dédiés comme celui de l’Université John Hopkins. La planète est globalisée et l’information circule en temps réel.

Quelles leçons tirer de ces investigations? Comme souvent les Français se plaignent des conséquences des causes qu’ils chérissent. En écrivant cela je pense à JF Revel. L’absence de subsidiarité un danger. La société civile une richesse bridée dans notre pays. L’étatisation de la recherche, de la médecine et de l’innovation biologique est une impasse. Nous nous sommes beaucoup avancés dans cette impasse ce qui n’améliore pas notre possibilité de sortie. Le traumatisme des menaces issues d’une petite minorité explique une partie des auto-censures dans la communauté scientifique. Le reste est un déclin qui a débuté bien avant la Covid-19. Ce déclin a des causes structurelles. Les équipes d’excellence sont peu sensibles à ces causes structurelles comme en classe les meilleurs élèves s’en sortent toujours. Il est illusoire d’invoquer ces équipes pour cacher la forêt. La France est à l’heure des solutions structurelles profondes. Elle sont connues.
Cette pandémie fut un test. L’incertitude n’est pas un une faiblesse c’est le préalable à la rationalité. L’état a refusé d’en faire la pédagogie aux Français notamment jusqu’au vaccin. Certains cliniciens et biologistes se sont naufragés dans leurs certitudes auto-proclamées et les investigations du Point le rappellent. Ce ne sont pas des procès qui vont éviter la récidive ce sont des changements structurels. Enfin, sur un plan individuel, il ne faut céder à aucun chantage et tranquillement exposer les faits sans jamais contraindre mais en étant ferme sur le principe de ne pas nuire à autrui.

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