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"Bienvenue place Beauvau", le livre du scandale : la préfecture de police de Paris, cet "Etat dans l'Etat", épicentre de toutes les guerres de pouvoir
©Reuters

Bonnes feuilles

La machine policière française est opaque et sclérosée. Hollande et ses ministres, faute de vouloir et de pouvoir la transformer en profondeur, ont tenté de s'en servir à des fins politiques. Pour qui veut contrôler les affaires, le ministère de l'Intérieur est en effet un lieu stratégique, grâce aux grandes oreilles des renseignements et aux yeux aguerris des flics en tous genres. Extrait de "Bienvenue place Beauvau" d'Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé, aux Editions Robert Laffont (2/2).

Christophe Labbé

Christophe Labbé

Christophe Labbé est journaliste au Point.
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Didier Hassoux

Didier Hassoux

Didier Hassoux est journaliste au Canard enchaîné, et l'auteur de Sarkozy et l'argent roi publié chez Calmann-Lévy en 2008. 

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Olivia Recasens

Olivia Recasens

Olivia Recasens est journaliste indépendante. Elle est co-auteur avec Jean Michel Décugis, du livre Place Beauvau, paru chez Robert Laffont en 2006.

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Quoi qu’il en soit, à Matignon, Valls garde une dent contre Boucault. Il débarquera ainsi lors de la cérémonie de son départ avec près d’une heure de retard, au beau milieu du discours du préfet... Ce jour-là, le Premier ministre a une autre raison de marquer sa mauvaise humeur, il connaît le nom du successeur du préfet de police de Paris... qui est encore plus proche du Château. À soixante-sept ans, Michel Cadot n’est pas seulement un pur produit de la préfectorale, il est aussi un ancien de la promotion Voltaire et a également servi la Chiraquie, ces réseaux qu’affectionne tant Hollande. N’a-t-il pas été le conseiller de Dominique de Villepin lorsqu’il était Premier ministre ? À Matignon, l’ennemi juré de Sarko l’avait appelé à ses côtés, pour remplacer un fidèle parmi les fidèles dont il venait de faire son directeur de cabinet, Bruno Le Maire. Une fois installé dans son fauteuil de PP, Cadot récupère à son tour comme chef de cab’ un jeune sous-préfet, qui, jusqu’alors œuvrait au sein d’une discrète task force montée pour Bruno Le Maire.

Lorsqu’on interroge, comme nous l’avons fait en juillet 2016, François Hollande sur ses liens avec Michel Cadot, le Président s’empresse de les minimiser : «Je le connaissais à peine, je l’ai vu une ou deux fois. On s’étonne que je nomme des gens de la promotion Voltaire et pas forcément de gauche. Mais simplement parce que nous sommes tous à un âge où nous arrivons aux plus hautes responsabilités. » Fort de cette proximité, Michel Cadot est bien décidé à ne plus céder un pouce de terrain à l’ennemi séculier : la Place Beauvau. Cependant, il a dû composer avec la maire de Paris, une proche de François Hollande, qui a repris la main sur les amendes de stationnement et les licences des débits de boissons, à l’instar des autres édiles de France.

Coup dur pour la PP. «Se montrer magnanime ou au contraire pointilleux sur une terrasse qui prend ses aises, une voiture mal garée, ou une entorse à la réglementation des établissements de nuit, a de tout temps permis à la PP de recueillir des tuyaux en tout genre à moindre frais », explique un vieux briscard du 36.

Face à Beauvau, le nouveau préfet de police de Paris s’est battu pour que les futurs locaux de la PJ parisienne, rue du Bastion, dans la ZAC des Batignolles, soient au numéro 361. Le diable se cache parfois dans les détails. Moins anecdotique, Cadot aura défendu bec et ongles la BRI, l’unité d’intervention de la PJPP, face au patron de la police nationale qui voulait en couper un morceau pour le greffer au RAID. Non seulement la BRI n’a pas été amputée, mais ses effectifs ont doublé, passant de quarante-sept à quatre-vingt-dix-huit personnes. Elle a, en prime, récupéré des IMSI-catchers, ces valises d’interception très prisées qui permettent d’aspirer discrètement tous les échanges téléphoniques alentour.

Pour pouvoir être projetée à n’importe quel coin de la capitale en cas d’attentat, la BRI est le seul service à rester au 36 lorsque tous les autres vont déménager aux Batignolles. Le PP a aussi obtenu que la BRI ait, comme le RAID, le droit de tester un incroyable camion d’assaut blindé. Huit mètres de long, trois mètres de haut, des pointes à cent kilomètre-heure, Titus, c’est son nom, résiste aux attaques balistiques, nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. Un joujou à 2,4 millions d’euros qui a fait l’objet de multiples reportages.

Christophe Molmy, le patron de la BRI (surnommé « le Scorpion» parce que, persifle un flic, «tu ne peux pas t’en faire un ami, il finit toujours par piquer»), est dans les petits papiers du préfet, qui en avait fait très vite son bras armé contre le DGPN.

Michel Cadot bénéficie d’un autre allié dans la place en la personne de Christian Sainte, à la tête du 36. Les deux hommes se sont connus à Marseille : le premier était préfet de Marseille lorsque le second était le patron de l’Évêché, le 36 phocéen. Grâce au patron du 36, le PP suit comme le lait sur le feu tous les dossiers judiciaires sensibles : lorsqu’ils concernent le monde politico-financier mais aussi des personnalités éclaboussées par les affaires de stupéfiants ou de mœurs. Le préfet de police est là aussi pour que ce genre d’histoire ne sorte pas. Ou fasse le moins de dégâts possible. Ainsi, en avril 1994, lorsque François de Grossouvre, le conseiller occulte de François Mitterrand, est retrouvé mort dans son bureau à l’Élysée, le préfet de police d’alors, le redouté Philippe Massoni, se démène pour que l’affaire ne vire pas au scandale. Sitôt alerté, il avertit : «J’arrive, ne touchez à rien.»

Son successeur Cadot ne se déplacera pas ce 17 janvier 2016. Mais il se tiendra particulièrement informé d’un tragique fait divers. Et pour cause... Vers une heure du matin, dans le quartier de Ménilmontant, un commando d’une dizaine de personnes cagoulées et armées de barres tabassent à mort un jeune homme de vingt-neuf ans. Au 2e district de la police judiciaire, chargé de l’enquête, on comprend vite que l’enquête de voisinage va être compliquée. En effet, l’agression a eu lieu à quelques mètres seulement du loft où habite... Julie Gayet. Un témoin anonyme décrit aux enquêteurs avec précision la scène du crime. En fait, le témoin en question est un policier qui a pu visionner les images de discrètes caméras placées dans l’impasse pour sécuriser les allées et venues de la comédienne et de son prestigieux amant. « Il arrive, dans les affaires criminelles ou de stups, que l’on utilise des caméras dissimulées dans du mobilier urbain, qui sont capables de faire des zooms à quatre cents mètres de distance, confie un capitaine de la PJ . Ensuite, on blanchit judiciairement les infos ainsi recueillies, en invoquant dans la procédure “un renseignement anonyme”.»

Extrait de Bienvenue place Beauvau d'Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé, aux Editions Robert Laffont

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