Biden et Poutine : le nouvel ordre mondial va imposer aux entreprises des choix stratégiques d’ordre moral et politique<!-- --> | Atlantico.fr
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D’un côté, Vladimir Poutine, qui considère que l’Occident, avec ses moyens et ses perversions, veut éliminer la Russie. De l’autre, Joe Biden, qui incarne la tête de cette coalition occidentale et qui défend la démocratie et l’économie de marche.
D’un côté, Vladimir Poutine, qui considère que l’Occident, avec ses moyens et ses perversions, veut éliminer la Russie. De l’autre, Joe Biden, qui incarne la tête de cette coalition occidentale et qui défend la démocratie et l’économie de marche.
©AFP

Atlantico Business

Entre le marché traditionnel des grandes démocraties libérales et les clients conquis dans les pays autoritaires, les grandes entreprises occidentales vont devoir choisir leur partenaire et leur camp. Choix moral et politique mais choix inévitable. Comme au temps de la guerre froide.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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La guerre en Ukraine qui, au départ, devait se résumer à une opération spéciale militaire de la Russie pour régler un problème de frontières régionales, s’est transformée en une confrontation dangereuse pour le monde entier entre deux groupes de nations porteurs de deux modèles complètement différents.

Deux conceptions de l’organisation politique, deux logiques de fonctionnement économique. Cet antagonisme entre les pays démocratiques et libéraux et des pays autoritaires, très centralisés et très collectivistes, a été réveillé. Un antagonisme entre deux idéologies qui a fait le jeu de la guerre froide pendant plus de trente ans. D’un côté, le respect de la liberté individuelle ; de l’autre, la priorité donnée à la puissance collective.

Lorsque le système soviétique s’est effondré à la fin du 20e siècle, on a cru que la géographie sous influence russe avait définitivement opté pour des organisations de marché de concurrence libre avec une propriété privée des moyens de production. Le monde entier s’est de fait, converti au capitalisme avec quelques exceptions près plutôt marginales comme la Corée du Nord et Cuba.

On a cru aussi que l’obligation de respecter les règles du marché et le développement des sociétés de consommation de masse allait tuer les régimes autoritaires qui se retrouveraient contraints et forcés de passer par des processus démocratiques respectueux de la liberté individuelle.

Et bien, on est obligé de constater aujourd’hui qu’après 20 années de mondialisation, les règles de l’OMC édictées en l’an 2000 n’ont pas été respectées par la Chine, par l’Iran ou par la Russie. Ajoutons à cela que les pays en développement, à peine sortis de la sphère coloniale, n’ont pas su se convertir rapidement à la démocratie, ce qui pose évidemment un gros problème parce qu’ils se retrouvés entre les deux blocs.

Depuis les années 2000, tous les pays de la planète ont profité de la mondialisation pour acquérir une croissance forte ou démarrer un processus de développement. Ce déploiement de la mondialisation ne s’est pas fait dans l’équilibre. Chacun a joué sa partition ; les pays émergents très peuplés ont vendu leur force de travail, d’autres ont vendu des matières premières et de l’énergie.

Quant aux pays développés, ils ont délocalisé une grande partie de leurs industries pour utiliser une main d’oeuvre pas chère et rapporter du pouvoir d’achat en Occident, en espérant par ailleurs s’ouvrir des marchés neufs pour leurs produits à valeur ajoutée et leur technologie.

Pendant toute cette période, on a fait semblant de penser que tous ces pays en développement s’organiseraient pour diffuser la formation, l’éducation et les libertés individuelles. Ce miracle-là ne s’est pas produit. La démocratie n’a pas progressé.

Et on sait maintenant que le miracle ne se produira pas.

La Chine veut continuer de profiter des marchés occidentaux pour apporter à sa population un peu de prospérité, mais pas question de lui offrir plus de liberté. L’Iran, par exemple, s’est cramponnée à son pouvoir théocratique, centralisé et autoritaire et la Russie s'est plongée dans son passé pour justifier la permanence du pouvoir poutinien dictatorial. Tout le discours de Vladimir Poutine annonce un retour vers la soviétisation de la Russie.

Chacun peut évidemment s’organiser comme le veut son histoire et sa culture. Le problème, c’est que la révolution digitale permet à tout être humain de savoir comment vivent les autres. Pour les démocraties, cette liberté et cette tolérance à l’autre font partie de son ADN.

Dans les régimes autoritaires, dictatoriaux, cette liberté de penser et surtout d’être informé est insupportable aux dirigeants parce qu’elle remet en cause leur propre pouvoir.
Les peuples ont accepté la guerre quand ils n’en voyaient pas les conséquences et la violence quotidienne et encore. Maintenant que le spectacle s’impose, et que la guerre affecte la vie quotidienne, elle est insupportable.

Aujourd‘hui, tout le monde est au courant de tout et les effets de la guerre sont désormais insupportables, notamment la violence des agressions russes auprès des civiles ukrainiens épouvantable. Les dirigeants russes réussissent à censurer les images auprès de leur opinion mais ça ne durera pas. Ils sont surtout dans l’incapacité d’apporter une justification à la guerre qui correspondent à la réalité.

Dans les pays occidentaux, c’est difficilement acceptable de continuer à gérer des liens pacifiques avec de tels régimes.

C’est d’autant moins acceptable que les contrats et les traités ne sont pas respectés, or ils sont à la base de toute l’organisation mondialisée et surtout, ils sont la condition sine qua none du bon fonctionnement des échanges commerciaux. Les rapports de confiance sont brisés.

Cette radicalisation entre les deux blocs pose d’ores et déjà trois séries de problèmes aux entreprises.

Des problèmes juridiques qui bloquent les initiatives. Comment investir dans un pays qui ne respecte pas la vie humaine des collaborateurs, comment faire des affaires avec un pays qui ne respecte pas les contrats qu’il signe ? Impossible, l'activité économique passe par la confiance. Si cette confiance est trahie, tout s’arrête. Comment faire du business loyal et honnête dans des pays qui sont pourris par la corruption à tous les étages de la société. On les a bien vus : ni les Chinois, ni les Russes ont abandonné leurs vieilles habitudes.

Des problèmes financiers parce que faire des affaires avec des pays sans avoir la certitude d’être payés ne va pas très loin. Comment investir quand la confiance est brisée ?

Enfin, des problèmes moraux. Comment l’entreprise occidentale peut-elle expliquer à ses actionnaires, expliquer à ses clients et même à ses salariés pourquoi elle va continuer affaire du business avec des partenaires aussi violents, et irrespectueux de la vie humaine et de engagements pris ?

La confrontation entre Joe Biden et Vladimir Poutine a mis en évidence cet antagonisme. D’un côté, Vladimir Poutine, qui considère que l’Occident, avec ses moyens et ses perversions, veut éliminer la Russie. De l’autre, Joe Biden, qui incarne la tête de cette coalition occidentale et qui défend la démocratie et l’économie de marche.

Alors il n’y a pas de mur infranchissable comme autrefois pendant la guerre froide, mais il y a encore des liens economiques, commerciaux et financiers. Ces liens vont finir par se rompre … à moins que les acteurs majeurs de la mondialisation aient appris à diner avec le diable. Il leur faudra une longue cuillère parce que leurs clients, leurs salariés et leurs actionnaires peuvent leur demander des comptes. 

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