Bernard Tapie : le combattant face à l’acharnement judiciaire<!-- --> | Atlantico.fr
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Bernard Tapie lors d'une conférence à la Chambre de commerce de Liège, le 27 septembre 2018.
Bernard Tapie lors d'une conférence à la Chambre de commerce de Liège, le 27 septembre 2018.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Justice

Pendant trois décennies, Bernard Tapie et ses avocats ont fait face à une trentaine de procédures judiciaires. Le décès de Bernard Tapie a éteint toute poursuite à son encontre. Le prononcé du délibéré de la cour d’appel était prévu le mercredi 6 octobre dans le cadre de l’affaire de l’arbitrage rendu en 2008 pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Au moment où Bernard Tapie disparaît ainsi que les poursuites judiciaires contre lui, il ne me paraît pas juste de ne pas évoquer le poids de l’acharnement judiciaire sur sa fin de vie.

Car celui qui a passé des centaines d’heures dans les prétoires, qui a subi une attaque en règle de multiples juridictions, des articles de presse et des unes ravageuses, c’est aussi celui que les relais cathodiques vont désormais qualifier de courageux, symbole, patron, et dont la disparition émeut en profondeur tout un peuple. Au-delà de procédures complexes dans des affaires compliquées il y a eu une chasse à l’homme qui ne grandit pas juges et journalistes qui s’en sont mêlés avec une unité de pensée troublante : il y a des moments où la vertu poursuivant le vice perd sa vertu et le « dernier » rendez-vous, depuis des années le dernier a toujours été suivi d’un autre… du 6 Octobre 2021 avait des allures de vengeance finale qui faisait froid dans le dos.

L’affaire commence en Avril 1992 lorsque François Mitterrand appelle Bernard Tapie comme Ministre de la Ville et lui demande de se séparer de ses entreprises , en particulier Adidas. La vente, confiée au Crédit Lyonnais, est effectuée en 1993 et Bernard Tapie constate une différence importante entre la vente et ce qu’il reçoit. Depuis 1995 les procédures se succèdent, mais Bernard Tapie se retrouve face à l’Etat, propriétaire de la Banque, alternant jugements favorables et défavorables entre 1995 et 2007. Pour mettre un terme à un feuilleton qui salissait la République alors que l’affaire devenait de plus en plus opaque, il est décidé un arbitrage en 2008. Cet arbitrage, favorable à Bernard Tapie, déchaine les passions et suivent enquête parlementaire, enquête de la Cour des Comptes, recours administratifs, révision de liquidation, Cour de Justice de la République, recours judiciaires, rétraction du jugement arbitral de 2015, Cour de Cassation en 2016 et retour au jugement devant une nouvelle Cour, avec toujours appel du Parquet dès qu’un jugement favorable apparaît : 26 ans pour prouver que Bernard Tapie avait tort et qu’il fallait le ruiner. Chacun peut avoir son opinion, mais 26 ans de procédure, c’est de l’acharnement.

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Les éloges funèbres qui ne vont pas manquer dans les heures et les jours qui viennent ne doivent pas masquer que ce qui est arrivé à Bernard Tapie, ce qui arrive aujourd’hui à Nicolas Sarkozy et qui arrivera à d’autres qui s’en réjouissent maintenant, doit interroger sur le fonctionnement de la Justice dans notre pays. La justice des hommes sera toujours imparfaite, et toute notre littérature est pleine des interrogations de nos grands anciens, mais quand les dysfonctionnements atteignent un certain niveau d’incongruité, la population, interdite, ne comprend plus rien et les mots « je fais confiance à la justice de mon pays » deviennent des mensonges.

Au cours des dernières années j’ai essayé de faire  réfléchir aux concomitances de procédures accélérées et d’échéances électorales , en évoquant en particulier l’invitation surprise du Parquet National Financier à l’élection Présidentielle de 2017, j’ai tenté d’expliquer que la prison telle que je l’ai connue n’est pas la réponse à la délinquance actuelle, en particulier terroriste, j’ai dénoncé la justice spectacle qui oublie la dignité des humains et de leurs familles, et j’ai eu la surprise de voir un avocat talentueux devenu Ministre se prendre les pieds dans le tapis de notre droit jadis respecté et aujourd’hui tortueux et « à la gueule du client ».

A l’aube d’un combat électoral qui prend des allures de bataille quinquennale, il serait sans doute sage, puisque chacun veut désormais honorer la mémoire de Bernard Tapie, de nous mettre d’accord sur la nécessité de remettre de l’ordre dans la justice française en la tenant cette fois-ci pendant 7 mois au moins à l’écart de toute intrusion dans le processus électoral. On pourrait, à cette occasion faire ce que les industriels font après chaque échec, un retour d’expérience, (dit REX), c’est-à-dire un examen attentif de ce qui a dérapé pour ne pas refaire les mêmes erreurs. On se souvient de la Une d’un journal de Bernard Tapie en Habit de Président de la République, ses ennuis judiciaires ont alors commencé.

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