BCE : la réunion de tous les dangers<!-- --> | Atlantico.fr
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La réunion de la BCE ce jeudi est capitale au regard de la situation économique en Europe.
La réunion de la BCE ce jeudi est capitale au regard de la situation économique en Europe.
©Fabrice COFFRINI / AFP

Tout le monde s’en fout et pourtant…

La Banque centrale européenne a débuté sa réunion de politique monétaire dans un contexte difficile avec la chute de la banque américaine SVB et les inquiétudes pour Crédit Suisse. La décision de relever ou non ses taux s'annonce très difficile.

Eric Dor

Eric Dor

Eric Dor est docteur en sciences économiques. Il est directeur des études économiques à l'IESEG School of Management qui a des campus à Paris et Lille. Ses travaux portent sur la macroéconomie monétaire et financière, ainsi que sur l'analyse conjoncturelle et l'économie internationale

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Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Eric Dor : Qu'attendre de la réunion de la BCE ce jeudi ? Normalement la BCE s'était déjà presque pré engagée à une nouvelle hausse des taux de 0,5% jeudi. Mais la crise bancaire liée à SVB a induit l'hypothèse qu'elle changer d'avis de crainte d'intensifier l'instabilité financière.

Toutefois le scénario qui a la meilleure probabilité est que le conseil des gouverneurs s'en tienne à une augmentation de 0,5% jeudi, pour éviter de compromettre la crédibilité de la BCE.

Les nouvelles projections du staff de la BCE vont presque certainement indiquer la persistance d'une inflation sous-jacente au-dessus de l'objectif de 2% jusqu'en 2025, ce qui renforcerait les arguments pour le maintien d'une hausse de 0,5%.
Aussi, les marchés financiers se calment un peu, et après leur forte diminution, les taux d'intérêt remontent sur les marchés obligataires de la zone euro.



Par contre la BCE pourrait bien avoir un discours très prudent en ce qui concerne l'orientation ultérieure des taux directeurs, lors des prochaines réunions, et éviter de déclarer qu'il serait presque certain que plusieurs hausses auraient encore lieu.
La tactique prudente de la BCE pourrait bien d'indiquer simplement que les prochaines décisions sur les taux dépendront des indications fournies par les statistiques disponibles sur l'orientation de l'inflation.

La BCE pourrait également rester très prudente au sujet de ses intentions concernant le QT, qui commence maintenant timidement pour 15 milliards par mois jusqu'en juin, ce qui est très peu au vu des énormes acquisitions passées d'obligations.


La BCE pourrait être questionnée sur l'efficacité de la politique monétaire contre une inflation dont les statistiques montrent qu'elle est en partie alimentée par la hausse des marges des entreprises plutôt que simplement par la hausse des prix de l'énergie et des salaires.

La BCE pourrait aussi être invitée à se positionner à propos de l'initiative de la Fed de s'engager à couvrir la totalité des dépôts bancaires par des prêts, avec prise en compte de la valeur nominale des obligations apportées en collatéral, plutôt que leurs prix de marché. Évidemment, la reprise de la crise bancaire ce matin avec Crédit Suisse, et la rediminution associée des taux de marché depuis ce matin, réalimente le suspense, et implique que les marchés croient encore que la BCE soit obligée de moins hausser les taux ce jeudi.

A quel point la réunion de ce jeudi est-elle importante ?

Don Diego de la Vega : La réunion de la BCE est importante car toutes les réunions de la BCE sont importantes, car nous leur avons transféré le pouvoir sur la politique monétaire. Une réunion de la BCE, même une sous réunion, est plus importante que n’importe quel conseil des ministres depuis 30 ans. Et vu la catastrophe qu’on observe sur les marchés depuis jeudi, ses annonces vont être particulièrement décisives. Il faudrait idéalement qu’elle dise et fasse quelque chose. A minima, qu’elle évite de rajouter des problèmes sur les problèmes. Elle va probablement faire la hausse des taux qu’elle avait prévue, en raison de sa  tendance jusqu’au-boutiste et indépendantiste. Mais les marchés espèrent que ce sera accompagné d’un petit discours visant à aborder la question des banques runs, colle celui de SVB ou du Crédit Suisse. Idéalement, pas simplement de la langue de bois pour dire « circulez, il n’y a rien à voir ». Mais plutôt rassurer et dire qu’en cas de problème elle sera là pour régler la situation en fournissant la liquidité nécessaire. Le problème, c’est que comme elle va probablement monter ses taux de 50 points de base et que le comité est très dirigé par le clan germanique et les faucons, il est compliqué d’avoir, au moment où l’on monte les taux et où il y a une vraie hystérie sur l’inflation, une annonce qui reviendrait à une baisse des taux. Ce serait assez similaire à du Mario Draghi et si c’est le cas, c’est un canon à un coup et derrière la BCE est obligé d’arrêter sa hausse de taux, ce qui n’est pas du tout prévu actuellement.

Pourquoi est-ce que, alors que les enjeux sont importants, il semble que personne ne s’en préoccupe ?

Don Diego de la Vega :D’abord, parce qu’il n’y a aucune culture monétaire au sein du grand public. Aujourd’hui, même si on sait bien dans les salles de marchés que c’est ça qui dirige tout, il y a une forte méconnaissance, y compris parmi les professionnels de la profession. Le grand public lui est encouragé à ne voir tout que par le prisme fiscal et structurel. Cela arrange bien les banques centrales que le public ignore l’importance de leur pouvoir. Les politiques ne peuvent pas le reconnaître car ce serait admettre qu’ils ont transféré un pouvoir colossal à des gens non élus. Il faut admettre que la politique monétaire est un sujet ardu à appréhender. C’est souvent contre-intuitif. Et ce n’est pas parce simplement parce que l’offre de monnaie a augmenté que l’inflation a suivi. C’est aussi que la demande de monnaie a augmenté, et, pour le coup, c’est un concept très difficile à cerner et mesurer. A l’inverse, tout le monde a entendu parler de politique budgétaire : les impôts c’est une expérience vécue, la dette, le déficit, les gens voient ce que c’est. Il y a encore des débats sur la responsabilité de la politique monétaire pendant la crise de 1929. Comme c’est difficile, il peut y avoir des erreurs. Mais l’important, c’est que les erreurs ne deviennent pas des fautes. Et c’est ce qu’on peut craindre de la réunion de jeudi.

Pour retrouver le Thread original d'Eric Dor : cliquez ICI

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