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Bals et guinguettes : quand le ringard se met au goût du jour
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Voulez-vous guincher grand-mère ?

La guinguette est de retour, et ce, grâce à Régine, la chanteuse mythique de 84 ans. Une fois par mois, au Balajo, une boite de nuit emblématique de Bastille, elle animera des soirées "guinguette" afin de redonner de la vie aux soirées parisiennes. Cela peut sembler ringard et pourtant, Régine est dans le vent.

Atlantico : Une fois par mois, Régine, la célèbre chanteuse de 84 ans, se produira au Balajo, boite de nuit emblématique de Bastille, Paris, afin d'animer des soirées "guinguette". Comment expliquer que ce type de soirée quelque peu désuète revienne à la mode ?

Bénédicte Fabien : On remarque aujourd’hui une grande tendance, plus particulièrement chez les jeunes à venir jouer avec tous les codes du moche, du laid, du ringard. C’est une forme d’hommage au passé, un pied de nez au présent et au futur, une manière décalée d’aborder la mode. L’idée est de bousculer l’esthétiquement correct et le fashionnement correct et de venir apporter sa touche de moche et d’incongru. L’effet pervers de ce type de tendance, c’est qu’ils deviennent eux-mêmes les néo-fashionistas, les trend setters. En voulant sortir des codes de l’esthétiquement et du fashionnement correct, ils finissent par recréer une tendance. Cette mode du ringard et du moche, ça fait déjà plusieurs années qu’elle court, mais elle est en train de devenir de plus en plus forte. Il y a quelques années, il y avait déjà le retour des soirées bingo.

C’est également une manière de sortir des carcans et d’exprimer son ras-le-bol de la mode classique. Dans les codes de silhouette, on retrouve aussi beaucoup ce côté-là. L’idée est de surprendre et cela part d’une démarche de trend setter, au sens littéral du terme, c’est-à-dire que ces personnes vont instaurer une nouvelle tendance et être à contre-courant de la mode. Par exemple, si vous me dites que la mode est de montrer son décolleté, alors je vais mettre un col roulé et montrer mon ventre. Il s’agit d’une véritable contre-culture. Le tout est d’assumer le mauvais goût. Une phrase de Diana Vreeland illustre parfaitement cet esprit : « Un peu de mauvais goût, c’est comme une pincée de paprika ». C’est le mauvais goût, l’accident créatif, qui créera le style.

Quel type de population est la plus encline à participer  à ce genre de soirée ? Quelles sont leurs motivations ?

Il s’agit majoritairement de jeunes entre 25 et 35 ans. D’une certaine manière, je dirais qu’il faut plutôt être beau pour se permettre de porter des choses moches ou d’aller dans les soirées ringardes. Ou du moins il faut avoir du recul, une sacrée confiance en soi. On ne peut pas vraiment dire qu’il s’agisse de personnes hypocrites, mais plutôt de personnes qui ont trouvé leur manière de s’amuser, de prendre les choses à la légère et d’arrêter de se prendre au sérieux.

Les motivations qui peuvent les pousser à aller à ce genre de soirées et à adopter ce type de culture sont justement le besoin d’être à contrepied de la perception qu’on nous balance à la figure en permanence, et d’être à contrepied également des codes de la mode, de la morale, de l’esthétisme, et surtout de s’amuser et prendre du plaisir.

Leur besoin de décalage se constate-t-il dans d'autres pratiques ?

Bien entendu. Le décalage est au cœur de tout ça et se retrouve dans toutes les facettes, ou presque, de leur vie. Comme dit précédemment, on le retrouve dans leur manière de s’habiller, dans le type de soirées qu’ils fréquentent, mais également, chose moins connue, dans leur manière de manger. Ils vont préférer des plats plus traditionnels, plus rustiques aux plats plus ou moins sophistiqués et exotiques que l’on mange généralement aujourd’hui.

L’idée, c’est vraiment d’être en marge. La contre-culture, actuellement est très digitale. Grâce aux réseaux sociaux notamment, les jeunes peuvent être aujourd’hui en permanence dans la contre-culture, ils ont les moyens d’aller à l’encontre de tous ces codes, notamment dans leur prise de parole. De plus, ils sont devenus beaucoup plus sensibles à ce que dit un réseau social d’une marque par exemple, plus que ce que la marque dit d’elle-même. Ils coupent la parole divine des marques, des hommes politiques, des hommes d’influence. Cela pourrait peut-être s’expliquer par la crise de la trentaine, ou surtout par le besoin de sortir d’un système.

Cette mode peut-elle durer ?

Cette mode se remarque depuis un petit moment déjà. Aujourd’hui on commence à arriver à un stade de maturité et je pense que dans quelques temps, les ressorts de cette tendance seront différents. Ils seront tout aussi décalés, mais d’une autre manière. On a pu remarquer certaines autres modes poindre le bout de leur nez, mais du côté un peu plus futuriste et cosmique. Aujourd’hui, ils sont surtout retranchés dans le passé, qui est une manière de revisiter les traditions, certes, mais j’espère qu’on revisitera le futur qu’on nous promettait dans les années 1970 par exemple. Il s’agirait alors de codes vestimentaires un peu plus spatiales : on assisterait au retour de l’irisé, du fluo, des confrontations de pastel, des matières plus volumineuses, capitonnées et scintillantes. On ne serait pas loin du look cosmonaute, finalement.

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