L'avenir intéresse-t-il encore quelqu'un ? Inventaire des mesures folles et nécessaires pour sauver la France<!-- --> | Atlantico.fr
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"Certains concours ne seront peut être jamais remportés : l'ambition sera posée, des gens tenteront, quelque chose restera."
"Certains concours ne seront peut être jamais remportés : l'ambition sera posée, des gens tenteront, quelque chose restera."
©Reuters

Le nettoyeur

Cette semaine, le "nettoyeur" Pascal Emmanuel Gobry, propose au prochain Président un programme national de concours d'inventions pour relever les défis de demain.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Parfois, je me dis que j'aurais dû voter pour Cheminade. Bien sûr, je ne pouvais pas : Cheminade est le représentant en France du mouvement Larouchiste qui défend des propositions extrêmes et anti-républicaines. Mais voilà : comment ne pas être frappé par le fait que de tous les candidats du premier tour, ce petit candidat extrême et foldingue était le seul à parler... de l'avenir.

Il était le seul à parler de l'avenir et on s'est moqué de lui : il veut relancer la conquête spatiale, et on a répondu avec dérision que c'est un extraterrestre. Pourtant souvenons-nous : il n'y a pas si longtemps, la conquête spatiale était une grande source de fierté. L'agence spatiale européenne est une de ces grandes réussites européennes menées par la France.

Quel symbole ! Quel symptôme ! Parlez de l'avenir, ayez de l'ambition pour l'avenir, et on se moquera de vous. Les candidats “sérieux”, eux, veulent tous soit défendre l'existant soit revenir au passé.

Pourtant, aujourd'hui plus que jamais, c'est vers l'avenir qu'il faut orienter la politique de la France. Pour des raisons économiques : le problème central de la France est celui d'un manque de productivité (la perte de “compétitivité” étant un symptôme, pas une cause). Pour des raisons politiques et morales, surtout : la France dont le tissu social se déchire a besoin de retrouver un projet et une aspiration commune. La France n'est pas la France sans la grandeur, disait de Gaulle, et tout est devenu petit.

Alors, que faire ? En cette veille de second tour, voici ma proposition de programme au prochain président de la République - ça tombe bien, aucun des deux candidats n'a de programme. C'est un programme qui n'est ni de gauche ni de droite, donc il ira bien aux deux, s'ils veulent faire le pari de l'ambition et de l'avenir. C'est un programme grandiose, qui a l'audace du désespoir qui nous étreint, mais justement, c'est parce que cette proposition est si hors-norme qu'il faut la saisir.

De quoi s'agit-il ? Un programme national de concours d'inventions pour relever les défis de demain.

C'est-à-dire ? C'est-à-dire que l'Etat annoncera, après consultation nationale, une vingtaine ou cinquantaine de grands concours nationaux qui récompenseront des inventions relevant les défis de l'avenir. Le modèle est qui a notamment permis le lancement du premier véhicule spatial privé réutilisable.

Pourquoi ? Parce que le 21ème siècle présente des défis considérables, et que la France a clairement les ressources — scientifiques, humaines — pour apporter des réponses, mais ne sait pas les organiser. Parce que si la France doit relancer sa productivité (et donc l'emploi et le pouvoir d'achat) c'est par l'innovation que ça se fera. Parce que la France a besoin de projets d'avenir et d'orienter sa société vers l'avenir, pas vers la protection à tout prix du statu quo. Parce que le modèle du concours a montré son efficacité pour promouvoir des innovations en court-circuitant les institutions existantes et est particulièrement adapté pour libérer les énergies d'une France paralysée.

Quelques exemples d'objets de concours qui pourraient être retenus : la création d'une fusée orbitale dix fois moins chère que les modèles existant ; une voiture volante pratique ; une plateforme en ligne d'enseignement utilisable et disponible pour tous ; des traitements radicalement efficaces pour le cancer ou le SIDA ; une plateforme en ligne permettant à chacun de travailler autour de lui ; un avion de transport supersonique et consommant peu en carburant ; une plateforme en ligne permettant à chacun d'accéder à tous ses services publics en ligne de manière pratique et facile ; des énergies renouvelables abondantes et moins chères que le charbon ; des robots pouvant imiter le comportement humain ; des coopératives ouvrières avec plus de 1000 salariés ; une nouvelle organisation hospitalière ; des imprimantes en 3D peu chères et efficaces ; internet à très haut débit sans fil disponible partout.

Bref, une très grande ambition est nécessaire. Certains concours ne seront peut être jamais remportés : l'ambition sera posée, des gens tenteront, quelque chose restera. Mais beaucoup de ces inventions sont possibles ; beaucoup y travaillent déjà, notamment à la Silicon Valley, et elles sont nécessaires pour l'avenir de l'humanité. La France peut apporter sa pierre de manière décisive tout en retrouvant son âme.

Quelques règles importantes pour ce concours :

  • Les prix seront à la mesure de l'ambition et des investissements nécessaires. Les prix seront mesurés en milliards et centaines de millions d'euros. Le premier au concours gagnera dix fois plus que le deuxième, encourageant ainsi des innovations radicalement meilleures. Si ça devient un “gimmick” avec des prix de consolation, tout est perdu. Les prix attireront les capitaux privés nécessaires pour financer les investissements en amont. (Comment  financer le prix ? Par la dette, bien sûr. S'il y a une utilité de la dette publique, c'est bien l'investissement ; par définition les prix ne seront versés que si l'innovation est réalisée, donc le rendement est garanti.)
  • Les règles seront clairement définies. Assez précises et objectives pour n'être pas contestables et, étant données les sommes, éviter toute perception de parti-pris dans l'attribution des prix, mais assez ouvertes pour permettre à de nombreuses approches de concourir. Equilibre délicat, mais faisable.
  • Le concours sera ouvert à tous. Rien ne serait pire que de réserver ce concours à des institutions existantes. Si le CNES, EADS et Polytechnique veulent concourir pour créer une nouvelle fusée, tant mieux pour eux, mais une équipe dans un garage devra aussi (surtout) pouvoir le faire. Chacun pourra prendre un an renouvelable de congé, sans perte de droits, pour participer à un concours ; les étrangers qualifiés seront plus qu'invités à venir participer.
  • Il ne s'agira pas d'innovations technologiques, mais aussi humaines. Beaucoup d'innovations seront de nature scientifique, mais il ne faut pas que seuls des ingénieurs puissent participer : chacun est concerné. Créer de nouveaux modèles d'enseignement, ou d'agriculture, ou de fourniture de services sont des défis humains. Il faut que chacun sache que le progrès ne viendra pas des autres et qu'il peut participer.

Ces concours nationaux s'accompagneront d'une exposition universelle, chaque année, pendant un mois autour du 14 juillet. Chaque année, la France (et le reste du monde) sera invitée à venir mesurer le progrès (ainsi que d'autres tentatives hors-concours), et aussi à prendre conscience de cette ambition qui nous concernera tous. Le cœur de l'exposition sera Paris, mais il faut des expositions dans chaque ville (d'ailleurs, pourquoi pas, en lien avec des concours régionaux, qui seront naturellement plus modestes mais devront toujours être ambitieux).

Programme fou ? Peut être. Mais y a-t-il pire folie que celle de persévérer toujours dans le chemin actuel et, au troisième millénaire, de ne pas saisir l'ambition de l'avenir ? Le prochain président, qui qu'il soit, sera évidemment raillé la première année s'il choisit ce programme. Mais je suis sûr qu'au bout de cinq ans, il aura transfiguré la France et assuré sa place dans les livres d'histoire.

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