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« Augmenter la TVA, c'est accroître l'injustice et les inégalités »
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Renflouer les caisses

Selon une récente étude d'Eurostat, la moitié des pays européens ont augmenté leur taux de TVA depuis la crise. Si les déficits publics abyssaux semblent guider ces décisions, cet impôt non-progressif sur la consommation impacte n'est peut-être pas le meilleur levier d'action, car il impacte avant tout les plus démunis.

Jacques Sapir

Jacques Sapir

Jacques Sapir est directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), où il dirige le Centre d'Études des Modes d'Industrialisation (CEMI-EHESS). Il est l'auteur de La Démondialisation (Seuil, 2011).

Il tient également son Carnet dédié à l'économie, l'Europe et la Russie.

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Atlantico : La tendance à l'augmentation de la TVA observée en Europe vous surprend-t-elle ?

Jacques Sapir : Absolument pas : il y a une dérive des dettes dans tous les pays européens, et quand un Etat cherche de l'argent, la TVA est la première chose à laquelle il pense. Toutefois, plus on augmente la TVA, plus on accroît l'injustice et les inégalités dans le système fiscal : en effet, c'est un impôt à la consommation, et même si les riches consomment plus que les pauvres, certaines consommations sont inélastiques - les produits de première nécessité ; par ailleurs, la TVA n'est pas progressive, et touche indifféremment les aisés et les défavorisés.

Cela peut être accepté jusqu'à un certain point, mais cela peut avoir des effets directs sur la redistribution à partir d'un certain niveau. En France, les inégalités sont plutôt moins fortes qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne, ce qui nous laisse une plus grande marge de manoeuvre sur la TVA. Mais il n'en demeure pas moins que l'utiliser comme principal levier pose problème.

Ce qu'il faut, c'est remettre à plat notre système fiscal. Il est constitué d'une addition de strates accumulées depuis 30 ou 40 ans sans jamais que l'on retranche les strates en-deça. Par ailleurs, nous avons beaucoup de niches fiscales dont l'utilité est aujourd'hui remise en cause par beaucoup d'études, en particulier celles qui sont censées favoriser l'investissement.

Doit-on saisir les revenus des ménages, ou prélever une partie à la source, sur l'entreprise, avant qu'ils ne soient distribués aux ménages ? Cela pose la question du pouvoir fiscal actuel des Etats.

La remise à plat que vous appelez de vos vœux pourrait-elle réduire notre pression fiscale, en se rapprochant de celle de l'Allemagne ?

Il faut se méfier des comparaisons de pression fiscale, car les choses qui sont fiscalisées ou qui ne le sont pas diffèrent d'un système à un autre. En Allemagne, par exemple, il y a une parafiscalité très importante, avec des prélèvements à la source, comme les cotisations.

Après, quand les divergences sont massives, de 25 à 40% du PIB, par exemple, il est évident que cela joue. Mais même au Japon ou aux Etats-Unis, où la pression est inférieure d'un tiers à l'Europe, un certain nombre de choses sont payées à des sociétés privées au lieu d'être payées à l'Etat : la différence est donc logique.

Une forte pression fiscale ne risque-t-elle pas de désavantager l'Europe ou la France dans la mondialisation ?

Le problème, pour les entreprises, n'est pas le taux global d'imposition, mais l'équilibre entre imposition des entreprises et infrastructures fournies en contrepartie par l'Etat : dans les entreprises à haute valeur ajoutée, les ingénieurs n'iront pas s'installer dans un pays où le système de santé n'est pas efficace ! Par ailleurs, il ne suffit pas d'alléger l'imposition des entreprises pour les attirer, si on contrepartie on charge la barque pour les ménages.

En Europe, les délocalisations ne sont pas du tout liées à la fiscalité. Le seul endroit où il y a eu un détournement d'activité dû à la fiscalité est un pays de la zone euro, l'Irlande : c'est très symbolique. On peut donc se demander s'il ne faudrait pas qu'il y ait des règles fiscales homogènes en Europe.

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