Augmentation et création d’impôts à jet continu : et boum 40 milliards d’euros pour le bilan fiscalité de la 1ère moitié du quinquennat Hollande<!-- --> | Atlantico.fr
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Et boum, 40 milliards d’euros pour le bilan fiscalité de la 1ère moitié du quinquennat Hollande.
Et boum, 40 milliards d’euros pour le bilan fiscalité de la 1ère moitié du quinquennat Hollande.
©freepik.com

La liste de Hollande

Le gouvernement qui annonce de futures baisses d'impôts a rivalisé d'inventivité pour en créer de nouveaux lors des deux ans et demi qui viennent de passer. Petit rappel des principaux dispositifs (et ceux auxquels nous avons échappé grâce au Conseil constitutionnel...) d'un secteur qui n'a pas de problème de croissance : la fiscalité.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol est avocat, essayiste et président de l’IREF, l'Institut de Recherches Economiques et Fiscale. Il est l'auteur de Civilisation et libre arbitre, (Desclée de Brouwer, 2022).

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Selon les fiscalistes, c'est quasiment une centaine de nouveaux dispositifs fiscaux qui ont été adoptés depuis l'arrivée de la majorité en 2012.

Même si nombre d'entre eux sont peu connus et très spécialisés, les impôts touchant un nombre important de contribuables se sont multipliés. Petite rétrospective des plus rentables, des plus marquants... et de ceux auxquels nous avons échappé.

La hausse des prélèvements depuis 2012 s’élève à une quarantaine de milliards d’euros. Dès l’été 2012, François Hollande a accru les impôts et les prélèvements de 7 milliards d’euros. En 2013 comme en 2014, les prélèvements augmentent à un rythme de 15 milliards par an. Les ménages et les entreprises ont été mis à parité à contribution même si le CICE devrait faire peser à terme l’essentiel de l’effort sur les ménages. A ce titre, cette distinction est assez artificielle, un impôt sur une entreprise est un impôt déguisé sur le salarié, l’actionnaire ou le consommateur.

Les impôts dont la ponction sur les contribuables représente un montant supérieur à 1 milliard d'euros.

1 - Hausse de la TVA à 20% pour le taux principal et à 10% pour le taux intermédiaire

En vigueur depuis début 2014, cette mesure simple et souvent considérée comme "indolore" devrait rapporter environ 6 milliards d'euros est de loin la disposition fiscale qui rapportera le plus aux caisses de l'Etat.

Jean-Philippe Delsol : L'impôt indirect qu'est la TVA n'est pas forcément mauvais. Il est le plus facile à récolter. Il est globalement ce qui se rapproche le plus d'une "flat tax" plus juste qu'un impôt progressif. Il rapporte évidemment beaucoup, mais les nouveaux ont sans doute pesé sur la consommation. La TVA a rapporté ces dernières années moins que ce qui était attendu. Mécaniquement, l'augmentation des prix qu'entraine la TVA a incité certains ménages à consommer moins. En France, depuis un an, la consommation des ménages est à la peine alors qu'elle soutenait jusque-là la croissance.

Philippe Crevel : La hausse de la TVA devait rapporter un peu plus de 6 milliards d’euros dont 3,8 milliards d’euros pour le passage du taux intermédiaire de 7 à 10 %. Cette hausse est intervenue en plein ralentissement. Du fait de la stagnation de la consommation et de la non-répercussion de la TVA sur les prix, le gain fiscal a été moindre. Les recettes de TVA augmentent moins vites que prévu. Le relèvement de la TVA favorise le développement du travail au noir et des pratiques de partage ou de ventes hors marché (le bon coin, co-voiturage, airbnb…)

2 - Hausse des cotisations sociales pour la retraite

L'augmentation annoncée des cotisations sur la feuille de paie des salariés fait espérer 2,2 milliards d'euros de recettes en plus.

Jean-Philippe Delsol : Les salariés français bénéficiaient, pour la majorité d'entre eux, d'augmentations modestes, mais un peu supérieures à l'inflation, néanmoins le net sur leur feuille de paie restait stable voire baissait. Pourquoi ? Parce qu'on augmentait les cotisations sociales. A cela s'ajoute l'obligation de cotiser parfois à des retraites complémentaires.

Philippe Crevel : Deux hausses de cotisations sociales pour les retraites sont intervenues. La première, décidée en 2012, vise à financer l’élargissement du dispositif de carrière longue. La deuxième est intervenue dans le cadre de la réforme des retraites pour 2014. Aux hausses concernant les régimes de base, il faut ajouter les augmentations de cotisations pour les régimes complémentaires, Agirc et Arrco. Au total, c’est plus de 3 milliards d’euros qui ont été porté à la charge des salariés et des employeurs pour financer la retraite. Logiquement, en 2015, les entreprises auraient du acquitter une cotisation pénibilité qui a été reporté à 2016. Sur les charges sociales, avec le pacte de responsabilité, un grand jeu de bonneteau s’est engagé.

3 - Fin du prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes, qui seront dorénavant taxés sur le barème de l'impôt sur le revenu

La volonté "d'imposer le capital au même niveau que le travail" empêche les possibilités de prélèvement libératoire, et gonfle donc les recettes de l'impôt sur le revenu qui se retrouvent majorées de 3 milliards d'euros.

Jean-Philippe Delsol : On est là dans la pure idéologie. Dans bien des cas, les revenus du capital étaient déjà largement surtaxés. Les dividendes n'étaient imposés que sur 60% de leur montant, mais on oublie de dire que le dividende vient d'un bénéfice imposé en amont au niveau de la société, au taux de basse de 33,33% ! Il est donc plus imposé que le salaire qui bénéficie, lui, de quelques abattements. Ils le sont donc plus encore aujourd'hui… Et le prélèvement libératoire, n'était qu'une modalité qui anticipait le paiement de l'impôt, pour le payer au moment où le dividende est versé au lieu d'attendre l'année suivante. Et pour prendre un exemple actuel de taxation du capital, on parle de la possibilité de surtaxer les résidences secondaires (qui sont du capital, donc) mais le capital immobilier/foncier est déjà surtaxé puisqu'il existe 36 impôts qui frappent la propriété immobilière.

Philippe Crevel : Le Gouvernement a fortement accru la pression fiscale sur l’épargne en supprimant le prélèvement forfaitaire sur presque tous les produits d’épargne. Cette mesure a tué les comptes titres et les livrets bancaires fortement fiscalisés. En revanche, cela a conforté dans un premier temps le Livret A puis depuis la baisse de son rendement l’assurance-vie dont la collecte nette dépasse sur les neuf premiers mois de l’année 17 milliards d’euros.

4 - Relèvement des plafonds d'exonération pour les transmissions à ses enfants

Alors que l'on pouvait jusque-là transmettre à ses enfants 159 500 euros nets de prélèvements, tous les dix ans, ce plafond a été rabaissé à 100 000 euros, et sur une durée de 15 ans. Cette mesure rapporterait 1,4 milliard d'euros.

Jean-Philippe Delsol : L'effet est très net en allant demander aux études de notaires. Les donations sont en baisse sensible. Je rappelle que pour les transmission, on a un taux qui peut s'élever à 45% ce qui est énorme, surtout quand on a de plus un impôt sur la fortune, l'usage dans la plupart des pays étant d'avoir soit l'un, soit l'autre.  Et cette situation est dommageable car les donations sont souvent le moyen d'apaiser les problèmes familiaux avant le décès, elles sont aussi la possibilité de favoriser la transmission aux générations qui veulent investir. En les freinant, on impacte toute l'économie.

Philippe Crevel : Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a réduit les abattements en ligne directe pour le calcul des droits de donation et succession à 100 000 euros. Le délai entre chaque donation exonérée a été porté de 10 à 15 ans. La mesure doit rapporter plus de 1,2 milliard d'euros. Cette mesure est anti-économique car elle ne favorise pas la mobilité du patrimoine qui est freiné par le vieillissement de la population.

5 - Gel du barème de l'impôt sur le revenu pour les tranches au-delà de la deuxième

C'est ma mesure qui a fait plonger de nombreux petits revenus dans l'impôt sur le revenu. La décision du maintien du gel, sauf pour les deux premières tranches, rapporterait 1,3 milliard supplémentaire à l'impôt sur le revenu.   

Jean-Philippe Delsol : On était auparavant dans une situation où 51% de contribuables étaient exonérés. On est passé maintenant à "seulement" 48/% de personnes exonérées. Pour moi, tout le monde devrait payer l'impôt sur le revenu. Ne pas le payer, c'est être exonéré, au moins en partie, de la taxe d'habitation. Cela veut dire pour ceux qui ne sont pas propriétaires d'être sans lien avec l'imposition directe, et donc un peu du coût de l'Etat.

Philippe Crevel : Le gel du barème de l’IR de 2012 à 2014 a abouti à faire entrer près de trois millions de ménages. Le gain annuel de cette mesure en 2012 et 2013 a été supérieur à 1,7 milliards d’euros. Ce gel a contraint le gouvernement à pratiquer un tête à queue fiscale en supprimant la première tranche du barème.

6 - Changement du barème de l'ISF

Le barème de l'ISF intègre une part de progressivité, qui rapporte aux caisses de l'Etat

Les "emblématiques"...


1 - Refiscalisation des heures supplémentaires

Jean-Philippe Delsol : L'exonération des heures supplémentaires était d'un point de vue pratique une bonne mesure. Elle permettait de récompenser ceux qui travaille, d'autant que le fait de travailler plus ne vous pousse pas à plus vous soigner, il n'y avait donc aucune raison de payer plus de cotisations en travaillant plus. Après, ce n'était put-être pas "la" bonne mesure pour faire changer les mentalités. Sans doute aurait-il mieux valu lancer une vraie réflexion sur l'assurance privée.

Philippe Crevel : Le gain pour les régimes sociaux se situerait autour de 900 millions d’euros. Au moment de sa suppression, le Gouvernement avait évalué le coût de la défiscalisation entre 4 et 5 milliards d’euros. Censée favoriser l’emploi, cette mesure a été contreproductive.

2 - Contribution exceptionnelle à l'ISF en 2012

Payable uniquement en 2012, elle a touché les contribuable assujetti à l'ISF

Philippe Crevel : En 2012, l’ISF a rapporté 5,1 milliards d’euros dont 2,3 milliards au titre de la contribution exceptionnelle. Cette mesure visait à corriger l’allègement décidé par le précédent gouvernement. Elle a contribué à accroître l’exil fiscal vers la Belgique.

3 - Création de la tranche à 45%

Concernant environ 50 000 contribuables, elle rapporterait environ 320 millions d'euros

Jean-Philippe Delsol : Cette tranche n'est pas "stricto sensu" à 45% puisqu'il faut y ajouter la "surtaxe Fillon", ainsi que la CSG-CRDS qui amène ce le taux d'imposition le plus élevé autour de 64,5%. C'est de loin un record absolu au monde, bien plus qu'en Scandinavie où on ne compte pas de CSG-CRDS. Ce taux est donc décourageant, il pousse certains contribuables à moins travailler, à travailler au noir, ou à partir à l'étranger.

Philippe Crevel : 57 000 foyers ont été assujettis à la tranche de 45 % pour un surcoût fiscal moyen de 6000 euros. Le gain pour l’Etat a été de 344 millions d’euros quand le gouvernement en espérait 320 millions.

4 - Plafonnement du quotient familial

Il est passé de 2000 euros à 1500 euros par demi-part. Cela pourrait rapporter jusqu'à un milliard d'euro.

Jean-Philippe Delsol : Il y a dans toutes les mesures que prend le gouvernement un mélange de budget et d'idéologie. Les mesures fiscales sont voulues pour augmenter le produit de l'impôt. La réalité est qu'il faudrait mieux faire des économies sur la dépense… Mais il y a là un motif caché évident : cette majorité n'aime que les gens solitaires et célibataires, qui ont le moins d'enfants possibles… et qui sont accessoirement ceux qui paient le plus d'impôts.

Philippe Crevel : Le quotient familial est désormais plafonné à 1500 euros contre 2300 en 2012. Le gain pour l’Etat a été de 1,5 milliard d’euros. Plus de 1,5 million de familles ont été touchés.

5 - Suppression de la réduction d'impôt pour ceux ayant un enfant dans le secondaire

La réduction était de 61 euros pour un enfant au collège, et de 153 euros pour un enfant au lycée. Elle a été supprimée. 2,4 millions de foyers ont été touchés. Cette mesure a coûté 440 millions d’euros. Elle s’intègre dans les mesures jugées anti-familles.

6 - Fin de l'exonération des retraites majorées pour ceux ayant eu au moins trois enfants

Les 10% de majoration de la retraite pour ceux ayant eu trois enfants étaient exonérés d'impôts. Ils ne le sont plus. Cette mesure a rapporté à l'Etat 1,2 milliard d’euros.  

7 - Hausse de la TVA sur les services à la personne, sauf dépendance handicap ou âge

Jean-Philippe Delsol : On est là encore dans l'idéologie. On n'aime pas les familles, on n'aime pas les riches, l'objectif est donc d'avoir des célibataires plutôt pauvres avec un Etat tout puissant qui les prend en main. La volonté de rendre l'accès au service aux particuliers plus difficile participe de cette volonté.

Philippe Crevel : La Commission européenne a  demandé à la France  de porter la TVA applicable à certains services à la personne du taux réduit au taux normal. Le Gouvernement a ainsi relevé la TVA sur cinq catégories de prestations : les petits travaux de jardinage, les cours à domicile (hors soutien scolaire), l’assistance informatique et Internet à domicile, la maintenance, l’entretien et la vigilance temporaires, à domicile, de la résidence principale et secondaire, les activités qui concourent directement et exclusivement à coordonner et délivrer les services à la personne (c’est-à-dire l’activité du mandataire qui met en relation un client et un prestataire de services à la personne). Cette mesure aurait rapporté moins de 14 millions d’euros. Il est fort possible que le travail  a du augmenter avec cette mesure surtout si on la relie au durcissement du régime des auto-entrepreneurs.

8 - Hausse de la taxe sur les logements vacants en zone "tendue"

La taxe sur le logement va passer à 25% de la valeur locative dès la deuxième année de vacance

Philippe Crevel : L’augmentation de la taxe sur les logements vacants de 200 millions d’euros en 2012 n’a pas eu d’effet majeur sur la remise sur le marché des 2,6 millions de logements potentiellement concernés.

9 - Fin de l'exonération des retraites majorées pour ceux ayant eu au moins trois enfants

Philippe Crevel : La suppression de l’exonération de la majoration de 10 % pour les retraités ayant eu trois enfants rapporte 1,2 milliard d’euros.  

Les autres principaux impôts

1 - Plafonnement de la déductibilité des frais professionnels sur l'IR

2 - Plafonnement à 10 000 euros de l'avantage des niches fiscales (18 000 pour la culture et l'outre-mer)

3 - Taxe sur la bière

4 - Plusieurs hausses de la taxe sur le tabac

5 - Hausse du malus auto pour les voitures polluantes

6 - Hausse des taxes sur l'électricité et le gaz

7 - Taxe sur les "rémunérations exceptionnelles" dans les entreprises 

Mais le Conseil constitutionnel nous a sauvé de...

1 - La taxe à 75% (inégalité devant l'impôt)

2 - Nouvelle taxation des plus-values immobilières (pour cause d'imposition excessive)

3 - Surtaxation des retraites complémentaires (pour cause d'imposition excessive)

4 - Rejet de l'intégration dans le calcul de l'ISF des revenus "non encore perçus"

5 - Rejet de l'obligation de fournir à l'administration son "schéma d'optimisation fiscale"

6 - Hausse de la CFE pour les professions libérales (rupture d'égalité devant les charges publiques)

Jean-Philippe Delsol : Jusqu'à ces deux dernières années, le Conseil constitutionnel était un peu une assemblée "béni oui-oui" qui donnait systématiquement raison au gouvernement. Depuis, il a eu un certain courage en rappelant que "trop c'est trop" en faisant obstacle à l'excès de certains taux d'imposition.  Il s'oppose à l'atteinte qu'est la confusion revenus réels/revenus latents. Il n'a pas été jusqu'au bout de sa logique, notamment en matière d'ISF, mais il a très clairement eu des décisions permettant de retrouver le sens de l'Etat de droit.

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