Au Bangladesh, les jeunes filles se marient de plus en plus tôt, à cause... du réchauffement climatique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le réchauffement climatique a des conséquences inattendues au Bangladesh.
Le réchauffement climatique a des conséquences inattendues au Bangladesh.
©STR / AFP

Effet papillon

Le réchauffement climatique a des conséquences désastreuses sur les cultures des paysans bangladais, qui émigrent par millions dans la capitale Dacca. En raison d'un coût de la vie bien supérieur, de nombreux parents se voient obligés de marier leurs jeunes filles pour s'alléger financièrement et joindre les deux bouts.

Il s'agit d'une conséquence du réchauffement climatique que l'on ne prévoyait pas vraiment. Et c'est là où l'effet papillon prend tout son sens : d'un phénomène climatique surviennent des conséquences qui peuvent modifier des pans entiers de société, au premier abord aucunement liés à une quelconque problématique environnementale. Et dans le cas présent, ce sont les jeunes filles bangladaises qui trinquent.

Émigration forcée

Pour cause, de nombreux paysans bangladais voient leurs exploitations réduites à néant, après qu'en raison du réchauffement climatique, les terres s'érodent, les fleuves débordent, les moussons se font plus puissantes et les périodes de sécheresse, plus longues. Pour retrouver un travail rapidement, plusieurs millions d'entre eux émigrent à Dacca, la capitale du pays, en emportant leur famille avec eux. Mais la vie y est bien plus chère, et ces agriculteurs sans le sou peinent à survivre. Impossible pour eux d'envoyer leurs enfants à l'école, car la scolarité est plus coûteuse qu'en zone rurale. Faire vivre sa famille avec pour seule rentrée d'argent un petit travail trouvé dans la précipitation devient impossible. Une solution est le plus communément envisagée par les parents de jeunes filles : les marier.

Ces jeunes adolescentes sont donc mariées contre leur gré à de jeunes hommes qu'elles connaissent à peine, afin d'alléger leurs parents des dépenses financières qu'elles représentent. Pour faire la lumière sur cette pratique, la Thomson Reuters Foundation, un organisme de presse à but caritatif, et Take Part, une société de production qui œuvre pour a justice sociale, ont publié un documentaire vidéo nommé Hidden Connections, que l'organisme de lutte contre le mariage infantile Girls Not Bridesa salué dans un article. 

Des vies toutes tracées

On découvre là le destin de deux jeunes filles : Brishti et Razia, toutes les deux 14 ans. La première a été mariée à un jeune homme, avant qu'elle découvre que l'élu en question était déjà père de famille. La seconde est sur le point d'être mariée, sous les pressions de ses parents et malgré sa réticence non dissumulée. Comme elles, 30% des jeunes Bangladaises sont mariées avant l'âge de 15 ans (et 52% avant l'âge de 18 ans). Originaires de contrées rurales, leurs familles ont dû migrer à Dacca après que leurs exploitations agricoles ont été ravagées. D'après une étude l'Unité de recherches des mouvements migratoires et de réfugiés de l'Université de Dacca, entre 50 000 et 200 000 Bangladais ont déjà rejoint la capitale, une ville déjà surpeuplée de 20 millions d'habitants qui se densifie au rythme effréné de 5% par an, rapporte The Huffington Post. On estime d'ailleurs que 10 millions de migrants supplémentaires devraient venir habiter Dacca d'ici 2040, poussés par le réchauffement climatique qui menace leurs emplois agricoles.

Ces familles qui viennent peupler les gigantesques bidonvilles  de Dacca (ils accueillent 3,5 millions de personnes) dépendent en majorité du seul chef de famille, le père, qui doit se débrouiller pour trouver un travail afin de subvenir aux besoins de ses proches. L'éducation des enfants, et des filles en priorité, trop coûteuse à Dacca, est mise à terme. Là où dans les campagnes, les adolescentes finissent leurs études avant de se marier, la plupart du temps au-delà de l'âge de 18 ans, les choses sont accélérées en ville, où les femmes n'ont pour destin que d'être mariées puis mères au foyer.

Tradition liberticide

Désolés, les parents au bord du gouffre financier ne voient pas d'autres alternatives que de marier leurs filles. Bien qu'interdite par les autorités, la dot continue d'être largement pratiquée, une somme d'argent assez conséquente le plus souvent assortie d'électroménager ou de bétail. Le père de la future mariée doit s'en acquitter afin que le futur foyer puisse partir  du bon pied. Un effort financier payé comptant que les familles les plus pauvres préfèrent aux dépenses qu'engendre une bouche de plus à nourrir, à habiller et à soigner en cas de maladie (le Bangladesh est particulièrement exposé aux pathologies liées à l'absence d'eau potable ou à la pollution des eaux). Un système vicieux compte tenu du fait que plus la fille à marier est jeune, moins la dot est élevée. En effet, dans cette société profondément religieuse dont plus de 88% de la population est musulmane, les jeunes filles perdent de la valeur aux yeux de la famille du futur mari, considérée de plus en plus "impure" au fil du temps qui passe et implicitement, du nombre de garçons qu'elles auraient déjà côtoyés.

C'est là l'honneur de la famille de la jeune fille qui est également en jeu. Très liée au statut social de la famille, l'honneur est au Bangladesh une idée centrale, une sorte de réputation à tenir aux yeux du monde qui les entoure, qui si elle est mise à mal, assure une vie de misère financière et sociale. Les filles jugées impures sont souvent l'objet de harcèlement sexuel et de violences, dans les zones urbaines (90% des Bangladaises disent en être victimes). Pire, certaines sont la cible d'attaques à la cible, afin que leur manque d'honneur soit visible. Depuis 1999, 1 800 femmes et 877 enfants (dont une grande majorité de filles) ont été victimes de ces attaques ignobles qui les défigurent de manière irréversible, indique Paris Match.

Un destin tragique pour ces filles qui n'entraient pas dans le moule archaïque d'une société plongée dans une misère sociale où les femmes ont bien du mal à s'émanciper. Bien évidemment, il serait réducteur de tout attribuer au réchauffement climatique, qui accentue toutefois cette tendance. Il n'est pas certain cependant que les États qui se sont rassemblés à Marrakech pour la COP22 n'aient songé aux conséquences lointaines mais bien existantes que leurs décisions engendrent. 

Voici le documentaire vidéo : 

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