Attaques au couteau : derrière la psychiatrie, les ravages des discours de haine sur l’Occident<!-- --> | Atlantico.fr
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L'auteur de l'attaque qui a fait trois victimes à la gare de Lyon, dont l'une a son pronostic vital engagé, s'appelle Kassogue S. ; il s'agit d'un Malien de 32 ans présent en situation régulière en France.
L'auteur de l'attaque qui a fait trois victimes à la gare de Lyon, dont l'une a son pronostic vital engagé, s'appelle Kassogue S. ; il s'agit d'un Malien de 32 ans présent en situation régulière en France.
©Thomas SAMSON / AFP

Discours de haine

Sur son compte Tiktok, l’auteur de l'attaque indique que « l’Afrique ne doit jamais pardonner à la France » et que « la France est devenue le pire ennemi des Maliens ».

Gabriel Robin

Gabriel Robin

Gabriel Robin est journaliste et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019).

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Atlantico : L'auteur de l'attaque qui a fait trois victimes à la gare de Lyon, dont l'une a son pronostic vital engagé, s'appelle Kassogue S. ; il s'agit d'un Malien de 32 ans présent en situation régulière en France. L’existence d’une chaîne TikTok au nom de l’auteur présumé de l’attaque interpelle les enquêteurs. Sur ce compte, l’auteur des vidéos indique que « l’Afrique ne doit jamais pardonner à la France » et que « la France est devenue le pire ennemi des Maliens ». Que faire face au poison que nous avons laissé s’installer sur la haine de l’Occident et de la France ?

Gabriel Robin : Vaste question. Nous pouvons commencer par nous prémunir contre ce poison quand il vient de l’extérieur en dotant non seulement la France mais aussi l’Union européenne d’une politique migratoire défensive digne de ce nom. Car, selon les dernières révélations de l’enquête, monsieur Kassogue S. n’est arrivé en France qu’au début du mois de février via l’Italie où il résidait. Il a pu facilement se déplacer en France grâce aux mafias de passeurs qui pratiquent le trafic d’êtres humains depuis l’Afrique, avant de profiter des facilités de déplacement offertes par l’espace Schengen … dans l’unique objectif d’assassiner des Français.

Sur TikTok, sa chaîne comptait plus de 40.000 abonnés, ce qui est tout de même considérable pour un individu qui nous est présenté comme étant un déséquilibré ou un malade psychiatrique. Il y tenait des propos politiques sans ambiguïté, manifestant une haine viscérale de la France et de son peuple, une obsession maladive pour la personnalité d’Emmanuel Macron et une profonde admiration de celle de Vladimir Poutine, décrit comme « un homme intelligent, un homme de parole, un homme respectueux ». La portée de la désinformation et de la propagande russes anti-française au Sahel peut être mesurée à l’aune du compte TikTok de monsieur Kassogue S., un parmi tant d’autres au Sahel mais aussi dans la diaspora installée en France qui croient mordicus en des histoires littéralement abracadabrantesques. Rappelons qu’en avril 2022, l’armée française a dû diffuser des images captées par drones pour se dédouaner d’un faux massacre à Gossi mis en scène par la société militaire Wagner pour mettre en danger les intérêts français et alimenter la défiance à notre égard.

Cette propagande a trouvé un terreau fertile dans certaines populations urbaines africaines déjà biberonnées au « panafricanisme » conspirationniste et révisionniste, incarné par des figures publiques telles que Kemi Seba ou Nathalie Yamb, et parfois à une vision sommaire de l’islam de combat. Malheureusement, la France n’ose pas répondre comme il se doit à ces idéologies et ces calomnies. Ajoutons en outre qu’elles trouvent parfois des complices actifs ou passifs au sein de l’extrême gauche comme de certains courants dits « dissidents ». Le cas de la Gare de Lyon est le premier passage à l’acte terroriste pour cette idéologie sur le sol français, du moins le plus explicite.

Comment la France peut-elle lutter face aux puissances étrangères qui aggravent les fractures ?

La France doit rendre coup pour coup. Elle doit aussi s’adapter. Nos ennemis travaillent de manière très souple et ne reculent devant rien : créations de faux comptes sur les réseaux sociaux, diffusions de faux grossiers, utilisation de la viralité, recrutements d’influenceurs, etc. Cela ne leur demande pas beaucoup d’argent mais une masse critique. Pour lutter contre des pirates, il faut avoir des équipes de corsaires. Peut-être sommes nous trop rigides et insuffisamment imaginatifs – comme dans d’autres secteurs  du reste -. Par ailleurs, la France doit donner envie, retrouver la fierté de son histoire et l’affirmer sans honte.

Très concrètement, nous devons retravailler nos réseaux extérieurs et rompre avec une diplomatie « moraliste ». Ayons une approche pro-business plutôt que paternaliste. Nouons des partenariats économiques plutôt que d’envoyer des aides directes. Nous avons encore beaucoup d’atouts à faire valoir, à commencer par des capitaux et un grand savoir-faire. Notons d’ailleurs que le Mali qui a quitté la CEDEAO et prétend s’émanciper de notre tutelle continue d’utiliser le Franc CFA « colonial ». Et pour cause, il leur est plus utile que le rouble. Si nous n’avons pas à dicter à des Etats souverains la conduite qu’ils ont à adopter chez eux, nous devons en revanche refuser qu’eux-mêmes se permettent de juger nos décisions ou de s’ingérer dans notre vie politico-médiatiques. Rappelez-vous notamment de l’attitude algérienne après le décès de Nahel qui a entraîné un cycle d’émeutes. Ils nous ont officiellement accusé d’assassiner leurs ressortissants. Qu’avons-nous fait ? Rien. Quand Erdogan ou Poutine nous attaquent directement, nous ne réagissons qu’avec mollesse. Nos antagonistes comprennent que nos réactions manquent de force et s’enhardissent.

Cette attaque est-elle alimentée par une forme de haine de la France et par notre repentance ? Les fondements de notre modèle sont-ils attaqués ?

Oui, il s’agit de haine de la France. Monsieur Kassoge S. le dit explicitement dans ses vidéos. Il a peut-être des troubles psychiatriques. Reste que ses idées sont construites et courantes parmi une partie de la jeunesse africaine, singulièrement sahélienne. La France est vue en mauvais objet, accusée de les avoir ruinés et humiliés, exploités même. Il faut dire que nous n’avons pas fait grand-chose pour déconstruire cette petite musique post-coloniale déjà chuchotée par l’URSS après la Seconde Guerre mondiale. En 2017, Emmanuel Macron se rendait en Algérie en déclarant que la France devait faire son aggiornamento et qu’elle avait commis des « crimes contre l’humanité ». Sous François Hollande, madame Taubira n’a cessé de porter le sujet de la traite sur le devant de la scène, omettant au passage les traites arabes et surtout les nombreuses traites intra-africaines. Je recommande d’ailleurs à ce sujet la lecture de l’excellent ouvrage Le Génocide Voilé (Gallimar-2008) par l’anthropologue sénégalais Tidiane N’Diaye, démontrant preuves à l’appui que les grands royaumes africains se sont enrichis grâce à la traite qu’ils pratiquaient déjà avant l’arrivée des Européens. Reconnaître nos torts, ce n’est pas les exagérer ni donner des motifs pour nous haïr, surtout quand des concurrents tels que la Russie s’en chargent à notre place.

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