AstraZeneca et thromboses : la preuve paradoxale que le système de vaccination fonctionne parfaitement d’un point de vue médical<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
AstraZeneca et thromboses : la preuve paradoxale que le système de vaccination fonctionne parfaitement d’un point de vue médical
AstraZeneca et thromboses : la preuve paradoxale que le système de vaccination fonctionne parfaitement d’un point de vue médical
©JOEL SAGET / AFP

Vaccin

L’Agence européenne du médicament a reconnu, pour la première fois, un lien possible entre des cas de thromboses et le vaccin AstraZeneca contre la Covid-19. Elle assure cependant que les bénéfices restent supérieurs aux risques. L'utilisation des données de soin pourrait être la clé pour gagner en efficacité et rassurer les candidats aux vaccins.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

Voir la bio »

Atlantico : L’agence européenne du médicament semble reconnaître que les thromboses sont un effet secondaire du vaccin AstraZeneca existant bien que rare. Cela doit-il nous inquiéter ?

Guy-André Pelouze : Il n’y a en effet plus beaucoup de doutes sur le lien, qu’il soit direct ou indirect. Reste à déterminer quels sont les composants du vaccin qui sont responsables. Le vaccin AstraZeneca est à vecteur viral, le virus est non répliquant et contient plusieurs antigènes; l’antigène de la protéine Spike est inclus dans son ADN. Déterminer quel est le mécanisme qui crée ces problèmes pourrait ouvrir la voie à une version modifiée de ce vaccin. Ensuite, la question n’est pas tant de savoir si le phénomène est rare, même si c’est important dans l’équation du risque, mais surtout de savoir quelle est sa gravité. Qu’il s’agisse des thromboses cérébrales ou de veine intestinale, ou d’autres manifestations thrombotiques, elles sont assez graves et relativement mortelles. Et l’on tombe dans un écueil classique. La gravité d’un évènement exceptionnel est perçue par la population comme étant d’abord un évènement grave et secondairement exceptionnel. Avoir une idée du risque de mort ou de séquelles d’AVC est aisé alors que réaliser ce qu’est un cas sur 100 000 pendant les deux semaines qui suivent l’injection est beaucoup plus abstrait. Cela est lié à la représentation collective et individuelle du risque. Un risque beaucoup plus fréquent mais moins mortel serait ainsi considéré comme moins dangereux. Or ce qui est important c’est le risque de mortalité absolue, et ce risque est très faible. On peut donc utiliser ce vaccin. La meilleure solution est sans doute de la réserver à des personnes qui vont avoir une réaction immunitaire plus faible. Par exemple, les personnes de plus de 50 ans, en attendant d’avoir des données plus pertinentes. Un suivi biologique pourrait aussi être intéressant dans la mesure où ces très rares complications s’accompagnent d’une chute des plaquettes et d’une élévation importante des D-dimères.

À Lire Aussi

Faut-il avoir peur du vaccin AstraZeneca ? Petits repères scientifiques pour y voir plus clair

Atlantico : Est-il possible de limiter l’importance des réactions au vaccin et donc sécuriser la prise du vaccin ?

Guy-André Pelouze : Oui et nous allons progresser dans les prochaines semaines. Le fait d’avoir identifié ce signal très faible comme un carton jaune dans la pharmacovigilance a des conséquences bénéfiques. Il est d’ailleurs important de préciser que l’analyse des données par les humains ou l’intelligence artificielle est absolument incontournable dans l’avenir de tout système de soin. Aujourd’hui, c’est grâce aux données du système de soin et à leur analyse qu’on est allé aussi vite dans le repérage des cas. En Israël, des critiques, sans fondement, ont dénoncé l’accord entre le gouvernement et Pfizer pour que le géant pharmaceutique ait accès aux données anonymisées afin de mieux gérer la pandémie. C’est pourtant manifestement le choix gagnant et on devrait s’en inspirer. Ce qui va se passer au sujet d’AstraZeneca, c’est que nous allons être extrêmement vigilants si des signes évocateurs d’une telle complication surviennent. Nous avons les moyens de l’être sur le plan clinique, il y a des signes d’appel. Depuis le scanner et l’IRM, nous avons aussi des moyens de diagnostiquer rapidement ce genre de complications. Le diagnostic sera donc beaucoup plus précoce et anticipatif. Or, aller rapidement, c’est gagner des chances de guérison dans la plupart des pathologies aiguës. Les recommandations des pays nordiques ou de la société britannique d’hématologie préconisent des traitements anticoagulants, qui pourraient être mis en place avant même un diagnostic définitif, le traitement par des immunoglobulines, etc.  Nous avons beaucoup progressé grâce au travail acharné de ceux qui ont compris qu’il y avait quelque chose de spécifique à ces thromboses, c'est-à-dire une probable origine immunologique. Car les thromboses en général (comme une phlébite du mollet) ne sont pas plus fréquentes avec le vaccin. Il est possible qu’en Grande Bretagne, la catégorisation de thrombose en général pour tout caillot survenant dans une veine, ait pu cacher dans cet ensemble un sous ensemble beaucoup plus petit mais qui lui était l’objet d’une fréquence plus élevée. Sans utilisation intelligente des données de soin (vaccination, médicaments, établissements de soin, résultats, procédures ou techniques) on condamne un certain nombre de patients à subir des complications parce qu’on est trop tardif dans le diagnostic. On ne peut pas se contenter de piloter un système aussi complexe que le système de soin en faisant des sondages ou en ayant des données approximatives. Il faut avoir accès aux données en totalité et nous avons la chance de les avoir, mais il est difficile d’y accéder. Je rappelle souvent que François Fillon avait essayé de faire progresser l’open data de ces données mais il s’est heurté à divers obstacles et nous en payons le prix. Par exemple, nous avons besoin du nombre de malades sous respirateur en France, par région, départements et établissements ayant une unité Covid; nous avons besoin des taux de vaccination par canton, car il y a de grandes disparités socio-économiques et géographiques.

Nous n’échapperons pas à l’utilisation des données, car nous y gagnerons, individuellement et collectivement. L’après covid-19 est un monde plus certain, où la décision politique se fera de manière rationnelle et pas sur les réactions approximatives d’un gouvernement.

A lire aussi : Faut-il encore se faire vacciner avec AstraZeneca ?

À Lire Aussi

Faut-il encore se faire vacciner avec AstraZeneca ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !