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Interdisons aux hauts 
fonctionnaires d'être députés !
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Représentativité nationale

Les parlementaires sont loin d'être représentatifs de la population française. Ainsi les hauts fonctionnaires sont sur représentés à l'assemblée, notamment parce qu'ils peuvent se mettre en disponibilité, et retrouver leur poste après leur mandat... contrairement à un chef d'entreprise, un salarié, ou même une profession libérale. Faut-il que tous les élus prennent les mêmes risque ?

Jean-Michel  Fourgous

Jean-Michel Fourgous

Député-maire d'Elancourt, il est également le fondateur d'un groupe de cent députés : Génération Entreprise.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont  L'élite incompétente : comment les haut fonctionnaires mènent la France à la faillite.

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Renforcer l’égalité d’accès à la fonction de député est un impératif démocratique. Encore faudrait-il se donner les moyens d’atteindre cet objectif. Or les catégories socioprofessionnelles dont les membres de l’Assemblée nationale sont issus, ne résistent pas à l’examen statistique. A ce jour près d’un tiers des députés (190 sur 577)[1] sont issus de la fonction publique territoriale, d’Etat ou hospitalière. Une surreprésentation flagrante en comparaison du poids des fonctionnaires dans la population active : 19%. Encore ce chiffre (33%) ne tient-ils pas compte des retraités, pensionnés sur des fonds publics. Certes, d’autres corps de métiers, y compris du secteur privé sont concernés par une surreprésentation en particulier les avocats[2] et les médecins[3].

Discours antiparlementaire

Reste que cette présence d’un trop grand nombre de députés-fonctionnaires peut s’avérer gênante, voire préjudiciable. A plusieurs titres : Tout d’abord, leur nombre au sein de l’Hémicycle n’a cessé de croître depuis 1946. De manière considérable qui plus est. Le rapport n’était à cette date que de un sur sept ! Les hauts-fonctionnaires qui ne représentaient que 4% des effectifs à l’époque sont maintenant plus de 7%. Quant aux enseignants, leur population a doublé passant de 8% des effectifs en 1945 à 15% aujourd’hui. Par ailleurs, cette présence importante des fonctionnaires alimente le discours antiparlementaire, nos compatriotes estimant que l’Assemblée nationale n’est pas assez représentative de la population.  

Réseaux et métalangage

Plus dommageable encore est la mentalité « fonction publique » qui imprègne souvent les débats, les amendements et les actes législatifs. Souvent coupés des réalités économiques, trop peu sinon pas formés à l’esprit d’entreprise, les députés-fonctionnaires se révèlent conditionnés par le réflexe de l’économie administrée, voire dirigée, par le culture de la protection, par le refus et la peur de l’économie de marché et enfin par une pensée corporatiste très affirmée. Ce phénomène est encore plus prégnant au sein de l’élite des hauts-fonctionnaires qui siège sur les bancs de l’Assemblée. Leurs réseaux d’anciens, leur connaissance des puissantes directions d’administration centrale, leur présence dans les postes-clés et les commissions ad hoc ainsi que leur métalangage (accessible d’eux seuls) non seulement décuplent leur (néfaste ?) influence mais aussi alimentent et cultivent l’opacité des lois qu’ils examinent et approuvent. L’écrasante majorité des députés qui n’ose pas remettre en cause l’« autorité »  dont se pare cette micro-élite, vote la loi  sans avoir pu se l’approprier, faute d’avoir été comprise !

Avantages

Surtout le statut général de la fonction publique confère un avantage supplémentaire aux fonctionnaires élus députés parce qu’il leur accorde des privilèges d’un autre temps. Est-il en effet normal qu’à la fin de son mandat, tout député-fonctionnaire retrouve automatiquement son poste quand ceux du privé pointent au chômage ou peinent à reconquérir leur clientèle ? Pour éviter tout conflit d’intérêt, les députés issus du secteur privé ne sont-ils pas obligés de vendre les parts qu’ils pourraient détenir dans des sociétés quand ils sont chefs d’entreprise et contraints de démissionner de leur poste quand ils sont salariés ? Est-il normal que les députés-fonctionnaires continuent à percevoir certains avantages liés à leur fonction, notamment l’avancement ? Fort heureusement, depuis 2008, ils ne peuvent plus cotiser à leur régime de retraite d’origine en plus de celui de l’Assemblée nationale. Enfin, ne serait-il pas logique que le Parlement, organe de contrôle du Gouvernement, ne soit pas composé de membres subordonnés à ce dernier par un lien économique et/ou professionnel ?

Bon sens

Dans ces conditions, il n’est pas scandaleux que le fonctionnaire français élu pour la troisième fois à l’Assemblée nationale doive choisir entre son mandat et  son statut de fonctionnaire. Cette proposition, qui a offusqué nombre de représentants syndicaux, est, en réalité, mesurée au regard des pratiques étrangères. Sans aller jusqu’à l’incompatibilité qui oblige les fonctionnaires à démissionner quand ils se déclarent candidats (Grande-Bretagne) ou quand ils deviennent députés (Allemagne, Australie, Japon, Mexique…), la proposition de loi organique de ma collègue Muriel Marland-Militello[4] semble frappée du coin du bon sens. Car les fonctionnaires, partie intégrante du corps social français, ont aussi le droit d’être représentés. Comme toutes les catégories de Français. Ni plus, ni moins.

(Titre et chapô sont de la rédaction d'Atlantico).



[1] Source : Assemblée nationale

[2] 6,76% de l’AN alors qu’ils ne pèsent que 0,1% de la population active

[3] 7,63% de l’AN contre 0,7% de la population active

[4] Proposition de loi organique de Mme Muriel MARLAND-MILITELLO visant à renforcer l'égalité entre salariés issus du privé et fonctionnaires dans l'accès au mandat de député, n° 3244, déposée le 14 mars 2011

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