Arabie Saoudite - Yémen : La guerre se poursuit <!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres des forces de sécurité affiliées aux Houthis montent la garde alors que des partisans du mouvement rebelle du Yémen descendent dans les rues de Sanaa. 7 mars 2022
Des membres des forces de sécurité affiliées aux Houthis montent la garde alors que des partisans du mouvement rebelle du Yémen descendent dans les rues de Sanaa. 7 mars 2022
©MOHAMMED HUWAIS / AFP

Indifférence générale

La guerre qui déchire le Yémen depuis bientôt huit ans se poursuit dans l’indifférence générale. Il faut dire qu’à la différence de celle qui se déroule en Ukraine, au Yémen il est difficile pour l’opinion publique de distinguer les « gentils » des « méchants »

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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La dernière action importante a été déclenchée par les rebelles Houthis (Ansar Allah) qui ne sont pas des « gentils » étant anti-américains, anti-israéliens et antisémites. Le slogan de ce mouvement politico-religieux nationaliste (à l’image du régime iranien qui le sponsorise) est : «  Allah est plus grand, mort à l’Amérique, mort à Israël, malédiction aux juifs, victoire à l’islam ». Ces propos les classent d’ailleurs résolument dans le camp des  « méchants ». De plus, ils ont démis le président Abdrabbo Mansour Hadi « démocratiquement » élu le 21 février 2012 avec 99,8% des suffrages étant le seul candidat… Ce dernier réside actuellement à Riyad.

Le problème vis-à-vis d’une partie de l’Occident est que le régime saoudien aujourd’hui dirigé de facto par le prince héritier Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud (MBS) ne fait plus vraiment partie des « gentils » depuis le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat général saoudien d’Istanbul le 2 octobre 2018. En plus, les exécutions « pour terrorisme » de 81 détenus le 11 mars (qui sont venues s’ajouter aux 11 décapitations depuis le début de l’année) ont interpellé dans les chancelleries – mais sans de réaction audible –. Mais le régime saoudien ne fait pas non plus partie des « méchants », ce qui lui interdirait d’acquérir les armes et munitions avec lesquelles il pilonne le Yémen. Étant donnée la puissance financière de Riyad, tous les marchands d’armes de la planète sont présents (Russes y compris) pour proposer leurs produits.

Le 20 mars, les Houthis ont lancé deux salves successives de missiles balistiques, de croisière et de drones contre différents objectifs situés en Arabie Saoudite. Selon les  déclarations de leur porte-parole Yehia Sarie : « la première phase comprenait le bombardement de plusieurs installations vitales et sensibles d’Aramco à Riyad et la région de Yanbu (au nord de Djeddah le long de la mer Rouge) et d’autres zones avec en Arabie saoudite des avancées des missiles de croisière, balistiques & de drones […] Immédiatement après la première phase, les forces armées ont mené la deuxième phase en bombardant plusieurs cibles vitales et importantes dans les régions d’Abha, Khamis Mushait, Jizan, Samtah et Dhahran Al Janub avec un lot de missiles de croisière, balistiques et de drones (plus proche de la frontière). ».

Selon Riyad, les objectifs étaient des installations de gaz liquéfié, de désalinisation de l’eau de mer, pétrolières et une centrale électrique. Il n’y aucune victime à déplorer. La défense aérienne serait parvenue à bloquer l’attaque sur Yanbu qui visait un site de pétrole liquéfié de Aramco.

Cette opération survient après que le Conseil de Coopération du Golfe ait invité les différents protagonistes à des négociations à Riyad. Les Houthis ont répondu qu’ils ne participeraient (comme dans le passé) à des négociations se tenant dans un pays neutre et que leur première exigence est la levée du blocus dont le Yémen est l’objet.

La guerre a causé des centaines de milliers de victimes (377.000 dont 223.000 indirectes en raison de malnutrition et de maladies) et quatre millions de déplacés intérieurs. Les Nations Unies ont qualifié cette situation de « pire crise humanitaire mondiale » et a organisé une souscription qui devait atteindre 4,27 milliards de dollars. Elle n’a reçu que 1,3 milliards de dollars.

Les Houthis ciblent régulièrement les installations en Arabie saoudite et celles des Émirats arabes unis (EAU) qui eux sont considérés comme « très gentils » (après l’accord du 13 août 2020 normalisant les relations avec Israël) et surtout totalement solvables. Riyad et Abu Dhabi sont les pays leaders de la coalition militaire impliquée dans la guerre yéménite depuis que les rebelles se sont emparés de la capitale Sanaa en 2014/15 puis d’une partie nord et ouest du pays. Les EAU se ont retiré les troupes au sol en 2019 mais restent extrêmement actifs sur ce sujet. L’Arabie saoudite serait, elle, en train de se redéployer. 

Ces frappes sont survenues au moment où Aramco a annoncé avoir augmenté ses ventes de 124% en 2021 avec (110 milliards de dollars contre « seulement » 49 milliards de dollars en 2020). Personne ne sait quelles vont être les répercutions sur l’approvisionnement en hydrocarbures de l’Occident alors que la guerre en Ukraine rebat complètement les cartes. 

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