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Après l’apologie du terrorisme, l’attaque de YouTube: existe-t-il une menace végan ?
©Pixabay

Vert de peur

Un mouvement de contestation apparemment non-violent comme le véganisme porte-t-il en germe une contestation violente de notre société ? Les récents événements (attaque de Youtube et condamnation pour apologie de terrorisme) lance ce débat inédit.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Après qu'une militante végan ait été jugée en comparution immédiate la semaine passée pour apologie du terrorisme en France, suite à l'attaque de Trèbes​, une autre militante végan s'est suicidée au siège de YouTube, en Californie après avoir blessé plusieurs personnes. Comment expliquer ce radicalisme végan ? 

Eddy Fougier : Y-a-t-il un lien entre cette idéologie, parce qu'il s'agit d'une idéologie, et l'apologie du terrorisme ? Oui, puisqu'en l'occurrence cette personne a mis sur le même pied le terroriste et le boucher qui a été tué par le terroriste à Trèbes. Nous sommes ici dans une vision radicale et intégriste qui aboutit à assimiler un boucher à un terroriste tout en se réjouissant du décès. En ce qui concerne les Etats-Unis, et il faut encore être prudent dans l'analyse, ce que l'on sait, c'est que la femme qui a attaqué le siège de YouTube était une "artiste végan" , la question est donc de savoir si l'attaque est liée à une action de type militante. Il se trouve que cela pourrait être le cas puisqu'à priori YouTube avait refusé des vidéos sur la maltraitance animale que l'auteur voulait diffuser sur la plateforme. Il s'agirait d'une action de vengeance et de haine contre cette plateforme. On peut en conclure à une forme de radicalisation de ce mouvement, ce qui peut paraître aussi étonnant que finalement peu surprenant. Étonnant lorsque l'on connait l'origine de ce mouvement puisqu'il a été créé par Donald Watson en 1944, qui était un non-violent, aussi bien pour les humains que pour les animaux. Mais en même temps, il s'agit d'une vision radicale parce que le véganisme n'est pas qu'un régime alimentaire, il s'agit d'un mode de vie qui refuse toute forme d'exploitation animale. Le refus de se nourrir de produits d'origine animale et cela va très loin, ce n'est pas que pour la viande mais aussi le poisson, les fruits de mer, le lait, les fromages, jusqu'au miel. Mais il y a aussi le refus de porter des vêtements en laine ou en soie, ou encore la vérification des produits d'hygiène, d'entretien, cosmétiques sans parler du cirque ou de tous les divertissements liés aux animaux. Et effectivement, quand on exclut tous ces éléments-là, on s'aperçoit que d'un certain point de vue, le mode de vie des végans doit être très compliqué. Un autre aspect qui semble dangereux est ce visionnage de vidéos de violences faites aux animaux qui aboutit à une forme de haine des humains voir de l'humanité, qui peut se rapprocher de ce que l'on peut voir parfois avec les djihadistes, même si l'amalgame est difficile à faire. Dans certains cas, cela peut conduire à perdre pieds par rapport à certaines normes pour en arriver à traiter un boucher de terroriste. C'est une vision que l'on peut qualifier d'intégriste, voire néo-sectaire parce que si vous êtes végan au sens strict, vous vous coupez d'une grande partie de la société. Outre cette obsession de la violence, parce que c'est ce dont on parle quand on regarde des vidéos sur les animaux , nous sommes sur un mouvement -et je ne parle pas des végétariens- et une vision assez extrême qui vise à faire en sorte de changer la façon dont les humains vont se nourrir et se comportent avec les animaux. Si vous êtes dans une telle logique radicale, vous allez être très vite offusqué par le fait que les humains ont du mal à se passer des animaux d'un point de vue économique ou alimentaire  et cela peut générer cette haine de l'humanité. On trouve aujourd'hui des végans dans des mouvements néo-nazis. Même s'il ne s'agit pas d'assimiler les végans aux djihadistes ou aux néo-nazis.

Faut-il voir ce radicalisme comme une fin pour des personnes déjà radicales, ou véritablement comme une cause de cette radicalisation ? 

Sans doute les deux. C'est tout le problème des idéologies , parce que cela en est une, qui veulent changer les hommes et l'humanité. L'avantage d'une idéologie comme le libéralisme est de partir de l'égoïsme et de la cupidité spontanées des humains pour la rationnaliser mais si vous êtes végan, vous voulez changer l'humain pour qu'il soit plus vertueux. Et si vous êtes très rigoureux dans votre respect des principes végans alors vous allez être vite déçu, ce qui vous va conduire à essayer d'imposer vite vos vues. Cela passe d'abord par un harcèlement qui existe, il suffit de voir ce qu'il se passe sur les réseaux sociaux pour les éleveurs, ou pour ceux qui parlent de chasse. Cette idéologie qui est radicale en soi peut potentiellement mener à des actions radicales.

De l'autre côté, il paraît évident aussi qu'il y a cette sorte de tentation de la pureté qui peut être un peu dangereuse, et qui peut attirer un certain nombre de radicaux avec cette vision extrême mais qui reste très marginale. On peut voir dans une série française, Clem, un personnage végan, on a pu voir Aymeric Caron, il y a une surreprésentation des végans dans l'espace médiatique par rapport à une population qui ne pèse que 0.4% de l'ensemble. 96% des Français mangent de la viande. Nous sommes donc sur des minorités qui ont une forte visibilité.

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