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Annulation de l’encadrement des loyers à Paris : les conséquences pour les locataires, les propriétaires et le marché immobilier
©Reuters

Peur sur la ville ?

Mardi 28 novembre, le tribunal administratif de Paris a annulés les trois arrêtés qui permettaient, en s'appuyant sur la Loi Alur, d'encadrer les loyers parisiens.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Par une décision du Tribunal Administratif de Paris, les arrêtés de mise en oeuvre de l'encadrement des loyers dans la capitale ont été annulés, et ce un mois après qu'une décision du TA de Lille ait pris une décision analogue pour cette ville. Quelles sont les erreurs qui ont pu être commises pour en arriver à un tel désaveu de ces politiques ? 

Philippe Crevel : Ironie de l’histoire, l’encadrement des loyers, une des créations de la loi Alur de cécile Duflot, devait concerner 28 agglomérations. Or avec la décision du Tribunal administratif de Paris qui fait suite à celle du Tribunal de Lille, plus aucune commune n’est couverte par ce dispositif. Certes, le Gouvernement a décidé de faire appel de cette décision mais au vu des considérants, ses espoirs sont faibles. Ironie de l’histoire, les arrêtés d’encadrement des loyers à Paris ont été déférés notamment par un représentant du mouvement écologiste qui souhaitait qu’ils soient appliqués à l’ensemble de l’agglomération. Le Tribunal à Paris a bien considéré que le préfet ne pouvait pas limiter le champ d’application à la seule ville de Paris, il a décidé de les annuler. Pour respecter la décision du Tribunal, il faudrait que l’arrêté pour Lille englobe les 59 communes de l’agglomération et pour Paris les 412 communes de la région. Le système d’encadrement qui était déjà une véritable usine à gaz se transforme en un monstre kafkaïen.

La procédure d’encadrement qui avait été mise en œuvre le 1er août 2015 pourrait donc disparaître. Elle imposait aux propriétaires à respecter un prix plafond, fixé selon le secteur géographique et le type de logement. Le loyer d’un logement ne pouvait-il dépasser de 20 % un loyer de référence fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30 %.

La loi Alur est un venin qui n’en finit pas de faire ressentir sur le secteur de l’immobilier. Le choix de l’encadrement reposait sur une vision administrée, une vision manichéenne de l’immobilier, d’un côté des propriétaires à la recherche d’un profit facile, vils, asociales et de l’autres des locataires soumis au bon vouloir des premiers. A défaut de pouvoir loger toute la population dans des HLM, le Gouvernement de l’époque voulait réguler le prix des loyers et mettre un terme à l’application de la loi de l’offre et de la demande. En refusant d’admettre que la hausse des loyers était le produit d’une surrèglementation, de l’insuffisance de l’offre, de l’augmentation des impôts et des aides aux logement, le Gouvernent a opté pour un encadrement des loyers, mesure qui a toujours échoué en France et ailleurs. Nul n’a oublié les conséquences des loyers 1948 qui ont transformé des immeubles de standing en taudis.

Quels ont été les effets de ces mesures pour le marché parisien, et ses acteurs, entre propriétaires et locataires ? Qui seront les gagnants et les perdants d'un tel résultat ? 

La conséquence de cet encadrement est une diminution du nombre de baux signés. Entre janvier et novembre 2017, la baisse est de 4,7 %. Par rapport à 2015, elle atteint 7 %. Le nombre de logements privés mis en location est en diminution depuis plusieurs années. De nombreux propriétaires ont choisi de mettre en vente les logements qu’ils destinaient à la location. Ainsi, les mesures prises par les gouvernements précédents ont accru la pénurie de logements. Certes, une très légère diminution des loyers a été enregistrée, -0,1 %, ce qui en soi n’est pas trop significatif. A la lecture des premiers bilans de cet encadrement, il n’y a donc que des perdants.

Que peut on anticiper pour la suite ? Comment régler la question du logement dans les grandes villes ? 

Le Gouvernement pourrait imposer des arrêtés par agglomération mais cela sera supposerait de fixer un grand nombre de loyers de référence et ce qui pourrait bloquer tout le marché locatif du Grand Paris ou de l’agglomération de Lille. Il pourrait essayer de corriger la loi en revoyant les règles de fixation de ces arrêtés. De toute façon, cela nécessitera un peu de temps.

Les pouvoirs publics devraient enfin reconnaître que le parc de logements repose, en France, sur deux jambes, un parc public et un parc privé. Les deux ne s’opposent mais sont complémentaires. Nul n’a vocation à rester dans le secteur public et tous les Français non propriétaires doivent pouvoir espérer trouver une location de qualité à un juste prix. Pour cela, il faut favoriser l’offre en libérant du foncier. Il convient, sous certaines conditions, autoriser de construire en hauteur dans les zones tendues. Par ailleurs, il conviendrait de réfléchir à la création de nouvelles villes nouvelles dans le cadre des grandes métropoles afin d’éviter des développements urbains anarchiques. Une refonte des aides au logement préconisée depuis des années par la Cour des Comptes devrait être entreprise et aller au-delà de la diminution de 5 euros des APL. En contrepartie, il faudrait aller au terme du démantèlement de l’ISF. L’Impôt sur la Fortune Immobilière incite les propriétaires à augmenter les loyers afin de compenser le coût de cet impôt. En lieu et place de l’encadrement des loyers, la ville de Paris devrait mieux appliquer la réglementation pour éviter la Airbnbisation des logements. Cette pratique n’est-elle pas un des moyens de contourner cet encadrement malthusien.

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