Anne Hidalgo veut « tuer » le périphérique : qui peut encore l’empêcher de piétiner un axe vital pour les Franciliens ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Anne Hidalgo a annoncé la limitation à 50 km/h sur le périphérique après les Jeux olympiques.
Anne Hidalgo a annoncé la limitation à 50 km/h sur le périphérique après les Jeux olympiques.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Décision déplorable

Le périphérique parisien change. A compter du 14 septembre 2024, il sera désormais limité à 50km/h contre les habituels 70km/h.

Eric de Caumont

Eric de Caumont

Eric de Caumont est avocat spécialisé dans la défense des droits des automobilistes.

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Pierre Liscia

Pierre Liscia

Pierre Liscia est porte-parole du mouvement Libres ! de Valérie Pécresse et auteur de La Honte (Albin Michel).

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Atlantico : Le périphérique parisien change. A compter du 14 septembre 2024, il sera désormais limité à 50km/h contre les habituels 70km/h (qui font eux-mêmes suite à un premier abattement de vitesse). De même, une voie entière devrait alors être réservée au covoiturage et autres formes de transports collectifs. Quel sera l’impact exact d’une telle mesure sur les Franciliens ?

Eric de Caumont : Premier point, qui ne changera peut-être pas grand-chose à l’entretien mais qu’il est intéressant de préciser : la date exacte de la mise en application n’est plus aussi certaine qu’elle ne pouvait l’être hier. Il semble désormais que la ville de Paris l’ait retirée de son site. Il y a là de quoi penser qu’Anne Hidalgo et son équipe se sont montrés un peu trop sûrs de leurs prévisions. Je suppose qu’il s’agissait de démontrer que, dès la fin des Jeux Olympiques prévus pour l’année prochaine, la mairie travaillerait à pérenniser cette nouvelle restriction anti-automobiliste. La mairie souhaitait la voir appliquée de façon quasi immédiate.

Pendant les JO, un tronçon de voie sera réservé, sur le périphérique, aux véhicules autorisés. Concrètement, cela signifie qu’il sera dédié aux véhicules accrédités pour les athlètes, mais aussi les délégations, les journalistes, les intervenants… ce genre de profils importants pour l’évènement. Ce tronçon ne devrait logiquement concerner que les voies qui relient des sites olympiques. Quand madame Hidalgo annonce donc qu’elle va pérenniser le dispositif, elle veut en fait dire qu’elle l’étendre sur près de 500 kilomètres puisqu’il s’agit de le mettre en application sur la totalité du périphérique. Il apparaît évident, dès lors, que la voie olympique n’est rien de plus qu’un vague prétexte. 

N’oublions pas qu’Anne Hidalgo et sa clique ont, de tout temps, mené une politique autophobe, exceptionnellement brutale et violente. Même sous Bertrand Delanoë, son prédécesseur, ce n’était pas à ce point. Les Jeux Olympiques s’avèrent utiles pour faire passer la pilule, mais il ne faut pas ignorer la velléité très nette d’entreprendre tout ce que la mairie a le pouvoir de faire pour écoeurer les automobilistes et mieux les chasser de la ville. Il y a, à la mairie de Paris, la volonté de faire de la capitale une ville musée, dédiée aux mobilités “douces”, dont on aurait chassé les voitures. Tout cela s’inscrit dans une politique plus générale, qu’il est important d’évoquer. D’aucuns mentionnaient l’idée de feux rouges sur le périphérique, de rendre la vie des usagers de la route proprement infernale, en somme. Cela passe aussi par les mesures de restriction de la vitesse maximum autorisée sur le périphérique ou d’en réduire le nombre de voies circulables.

Pierre Liscia : Pourrait-on imaginer qu'un maire prenne seul une décision susceptible de pénaliser des millions de personnes sans avoir donné au préalable le moindre gage de l'efficacité de sa mesure et sans avoir évalué les conséquences qu'elles pourraient avoir ? Bien sûr que non. C'est pourtant exactement ce que la Maire de Paris s'apprête à faire. À ce jour, la Ville n'a réalisé aucune étude d'impact pour évaluer les conséquences d'une telle décision malgré les demandes répétées de la Région Ile-de-France. En mai dernier, Valérie Pécresse et Rachida Dati avaient réitéré cette demande dans une tribune soutenue par 1800 élus franciliens. Clément Beaune, le ministre des Transports en avait lui aussi fait la demande en juin, en vain. La Mairie est toujours restée sourde à nos demandes pourtant légitimes. Je pense que la Ville refuse toute étude d’impact car elle sait pertinemment que les conclusions seraient accablantes. La neutralisation d’une voie de circulation sur le périphérique risque fort d’engendrer un épouvantable chaos aux portes de Paris, avec une explosion de la pollution et des nuisances.

L’objectif affiché par la mairie de Paris est celui de la préservation de l’environnement. La mesure entre, en effet, dans le nouveau Plan Climat 2024-2030 qui doit être examiné par le Conseil de Paris en décembre. Peut-on vraiment dire d’une telle réforme qu’elle aura un impact climatique positif ? Ne s’agit-il pas simplement de déplacer le problème ailleurs ?

Eric de Caumont : Le problème s’est déjà posé par le passé, quand nous avons décidé de réduire la vitesse maximale autorisée sur le périphérique pour la première fois. A l’époque, il s’agissait alors de passer de 80 kilomètres/heure à 70 kilomètres/heure comme c’est encore le cas aujourd’hui. L’argumentaire d’alors était construit autour de différentes idées, parmi lesquelles un objectif de réduction de l’accidentologie. Il va de soi que lorsque l’on roule moins vite, on a statistiquement moins de chance de se tuer en cas de collision et pourtant on a observé une légère hausse (on parle de l’épaisseur du trait plus que d’un changement réellement significatif) du nombre de morts sur le périphérique après la réduction de la vitesse à 70 kilomètres/heure. D’autres éléments que la seule vitesse entrent en effet en ligne de compte.

On a aussi observé, après le passage à 70 kilomètres/heure, une réduction de la nuisance sonore d’environ un décibel. Très concrètement, on parle d’une évolution absolument imperceptible à l’oreille humaine. En matière de pollution également, les résultats étaient assez dérisoires, comme ont pu l’illustrer les études d’impact réalisées à l’époque, de l’ordre de 0,16%. Dans le cas présent, la restriction pourrait même avoir un impact néfaste sur l’environnement, puisqu’en passant de 70 à 50 kilomètres/heure, on force les automobilistes qui n’utilisent pas un véhicule électrique à passer à un régime moteur plus élevé… Lequel est donc plus bruyant et plus polluant.

Pierre Liscia : L’histoire nous l’a démontré : toute fermeture brutale, soudaine et sans concertation d’un axe de circulation par la Ville de Paris ne fait pas baisser la circulation mais au contraire renforce la congestion automobile et l’étend sur les axes de reports. Le précédent de la fermeture des voies sur berges, décidée sans concertation ni étude d’impact et malgré l’avis très défavorable de la commission d’enquête publique, a augmenté le niveau des embouteillages dans la capitale sans avoir le moindre effet positif en matière de pollution atmosphérique. Quant à la théorie de l’évaporation de la circulation, ce n’est que pur fantasme. Depuis 20 ans, l’espace dédié à l'automobile dans la capitale n’a cessé de diminuer alors que les embouteillages sont toujours aussi importants, voire pires. 

Quid du congestionnement du trafic et des nuisances sonores que cela peut engendrer ? 

Eric de Caumont : J’en ai récemment fait l’expérience. J’ai tenté, en voiture, de traverser Paris d’ouest en est pour gagner le lieu d’un rendez-vous professionnel. Cela m’a pris une heure et quart et, compte tenu des embouteillages, j’ai pris en pitié les habitants et les commerçants des quartiers que j’ai été amenés à traverser. Des heures durant, ils ont bénéficié des gaz d’échappement auxquels, je le reconnais, j’ai contribué. En cause ? La congestion des axes routiers à Paris. Cela résulte de la suppression des voies sur berge, que la mairie n’a pas hésité à présenter comme une vilaine autoroute urbaine et qui, on le sait, a engendré des embouteillages monstrueux au cœur même de la capitale, à hauteur d’immeubles, de commerces et d’appartements. Le résultat net est pire qu’à l’époque où les voies sur berges étaient ouvertes. Il va de soi que la pollution a été déplacée. Pas supprimée : déplacée.

Je crains que nous ne soyons confrontés au même phénomène. Si certains automobilistes continuent à vouloir emprunter le périphérique, ils seront parfois contraints de prendre d’autres voies et d’aller polluer d’autres personnes. De plus, la réduction du nombre de voix va mécaniquement engendrer des embouteillages et, par la forces des choses, davantage de pollution directement sur le périphérique en lui-même. Les voitures seront contraintes de faire du pas à pas, du stop and go permanent.

Le périphérique parisien n’est pas une rue du centre de Paris ou un coin touristique-bobo que l’on peut piétonniser comme on s’autoriserait à piétonniser le Marais. C’est un axe de circulation qui désengorge les voies parisiennes et notamment les grands boulevards. Avant 1973, c’est ces routes qu’empruntaient les automobilistes pour traverser la ville.

Il faut malheureusement s’attendre à de la pollution supplémentaire en bordure du périphérique et à l’intérieur de Paris.

Pierre Liscia : La transformation du boulevard périphérique envisagée par la Ville ne va pas diminuer pas la pollution. Tout au plus elle la déplacera vers la périphérie. Drôle de conception de la justice écologique et sociale que de renvoyer vers la banlieue la pollution que les Parisiens ne veulent pas chez eux ! Après la piétonisation soudaine des voies sur berge, Airparif avait publié un rapport qui faisait état d’une dégradation de la pollution dans l’est de la capitale avec une augmentation de 15% des émissions de dioxyde d’azote en sortie de zone piétonne ainsi qu'une hausse sur les itinéraires de report comme sur le périphérique et le boulevard Saint-Germain où la congestion automobile s’était accentuée. Loin de participer à la bonne santé des Franciliens, la neutralisation d’une voie de circulation sur le périphérique risque non seulement de plonger une partie de la banlieue dans un enfer routier permanent, avec son cortège d’embouteillages, de bruit et de pollution, mais elle risque en plus de renforcer le sentiment de relégation territoriale et d’injustice sociale des habitants de banlieue. C’est donc une décision brutale, égoïste et inefficace.

Le projet Plan Climat 2024-2023 sera soumis aux votes des élus dans le courant de l’année 2024. Est-il encore possible de stopper Anne Hidalgo dans ses projets ? Comment, le cas échéant ?

Eric de Caumont : Fort heureusement, oui, c’est encore possible. Pour le plus grand malheur d’Anne Hidalgo, la ville de Paris jouit d’un statut un peu particulier. En théorie, n’importe quel maire, quelle que soit la commune qu’il ou elle administre, bénéficie d’un pouvoir de police et de réglementation sur celle-ci. Cela implique qu’il peut théoriquement décider de mettre des ralentisseurs où il le souhaite, qu’il peut créer des zones 30 ou des zones de rencontre, par exemple, ainsi que le pouvoir de décider d’une limitation de vitesse différente de la limitation nationale en vigueur (uniquement à la baisse). C’est d’ailleurs ce qu’a fait la mairie de Paris quand elle a décidé de passer l’écrasante majorité des rues de la capitale à 30 kilomètres/heure.

Le fait est que les maires ont un pouvoir de police très large en France. Ceci étant dit, ce n’est pas tout à fait le cas de la ville de Paris. Toutes les mesures que nous avons évoquées peuvent bien sûr être votées par le Conseil de Paris, mais elles ne peuvent entrer en application qu’avec l’accord du préfet de police. C’est un détail qui a toute son importance… puisque celui-ci a déjà refusé d'entériner certaines des évolutions décidées par Anne Hidalgo. C’est le cas de la zone à trafic limité, la ZTL, que le préfet n’a pas voulu autoriser parce qu’elle restreignait beaucoup trop l’accès à certains districts parisiens. Cela fait plus d’un an, maintenant, que la mairie est en négociation avec la préfecture pour essayer de trouver un terrain d’entente sur ce sujet.

Avec un peu de chance, il est possible que le bon sens de la préfecture de police de Paris ait de nouveau raison de cette énième réforme anti-voiture que nous prépare Anne Hidalgo. D’autant plus que le périphérique peut légitimement être considéré comme un axe routier d’importance régionale qui, s’il est localisé sur le territoire de la commune de Paris, demeure d’utilité publique à tous les Franciliens.

Pierre Liscia : De l’aveu même de son propre entourage, Anne Hidalgo n’écoute qu’elle-même et exerce le pouvoir de façon brutale et solitaire. J’en veux pour preuve que ce projet de transformation du périphérique a déjà fait l’objet de deux consultations : l’une menée par la Région Ile-de-France dans laquelle les Franciliens se sont prononcés à 90% contre ; l’autre menée par la Mairie de Paris elle-même et qui a abouti à un rejet massif par 85% des Parisiens. Malgré cela, Anne Hidalgo s’entête dans cette décision prise seule, d’autorité, sans concertation avec les élus des territoires avoisinants, sans concertation avec la Région, malgré les nombreuses réserves du Préfet et sans consulter les Franciliens, ou plutôt en refusant de prendre en compte le rejet quasi unanime des Franciliens et des Parisiens. Pour Anne Hidalgo, la démocratie locale c’est seulement ça l’arrange !

Peut-on vraiment réserver la bonne gestion du périphérique parisien à la seule ville de Paris quand on sait qu’il est essentiellement utilisé par les Franciliens ?

Pierre Liscia :Le périphérique est la voie de circulation la plus empruntée d’Europe avec plus d’un million de déplacements chaque jour. C’est un axe majeur qui structure notre région. C’est aussi un axe de circulation qui est majoritairement fréquenté par des Franciliens non-Parisiens puisque les Parisiens ne représentent que 18% des usages quotidiens. De facto, c’est donc un axe de circulation régional. Avec Valérie Pécresse, nous considérons même que c’est un axe d’intérêt régional. Dès lors, il devient alors évident qu’il ne peut pas être géré uniquement par la Ville de Paris mais que sa gestion doit être confiée à une autorité régionale. En tant que conseiller régional, ma responsabilité est de veiller à faire primer l’intérêt régional et de défendre l’intérêt supérieur des Franciliens. C’est la raison pour laquelle nous avons voté il y a quelques semaines un amendement qui vise à confier la gestion du périphérique à Ile-de-France Mobilités, l’autorité régionale qui est chargée de l’organisation des transports en Île-de-France. Anne Hidalgo ne peut pas continuer à décider seule quand les conséquences de ses décisions sont préjudiciables pour des millions de Franciliens. Elle ne peut pas non plus rester indifférente au sort de sa banlieue. C'est anti-social, anti-écologique et anti-démocratique.

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