Anciens présidents : le scandale des avantages "hors la loi"<!-- --> | Atlantico.fr
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"La Constitution, par ailleurs, prévoit que les anciens présidents siègent à vie au Conseil constitutionnel"
"La Constitution, par ailleurs, prévoit que les anciens présidents siègent à vie au Conseil constitutionnel"
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J'irai dormir près de chez vous

Une fois retraités, nos présidents continuent de bénéficier d'avantages conséquents. Collaborateurs, locaux, indemnités, transports ... autant de privilèges qui ne sont en rien prévus par la loi et la Constitution. Mais en ont-ils réellement besoin ?

Michel Faure

Michel Faure

Michel Faure est journaliste, écrivain et traducteur.

 
Il est vice-président du Mouvement des Libéraux de Gauche (MLG).
 
Il est l'auteur, entre autres, de Au coeur de l'Espoir (Robert Laffont / avril 2012), co-écrit avec le Dr Eric Cheysson.

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Il est bon que la République traite honorablement ses anciens présidents. Mais qu’elle le fasse dans le cadre de la loi serait mieux encore. Après tout, l’article 34 de notre Constitution donne au Parlement le pouvoir de voter la loi de finances, et il me semble que l’un des grands principes de la République doit être la vigilance des élus du peuple quand il s’agit de dépenser l’argent public. Cet argent – faut-il le rappeler ? – est le nôtre, celui des contribuables. Il est donc légitime d’en critiquer son usage quand il est, littéralement, « hors la loi ».

Car les avantages consentis aux anciens présidents de la République, qui nous coûtent, selon le député de l’Aisne, apparenté PS, René Dosière, « entre 1,5 et 2 millions d’euros par an », ne reposent sur aucun texte juridique. C’est un courrier privé, écrit le 8 janvier 1985, par Laurent Fabius à Valéry Giscard d’Estaing, sur les instructions du Président François Mitterrand, qui a fondé cette coûteuse coutume.

Le jour même de la passation de pouvoirs entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, nous apprenions que l’ancien président de la République – un homme qui n’a jamais fait preuve de frugalité concernant son salaire, ses déplacements, le budget de l’Elysée ou les aménagements de son nouvel avion - avait loué des bureaux rue de Miromesnil, dans le 8ème arrondissement de Paris. La location de ces bureaux s’élève à une somme, entièrement à la charge de l’Etat, de 180.000 euros par an, soit 15.000 euros par mois (plus de dix smic, établi en janvier 2012 à 1398 euros par mois). L’Etat paiera également les salaires de sept collaborateurs, qui pourront ainsi occuper les 323 m2, répartis en 11 pièces, des locaux de la rue de Miromesnil. La radio Europe1 qui, à ma connaissance, a été le premier média à donner cette information, nous propose le plan des bureaux sur son site web et quelques photographies.

Comme les autres anciens présidents, Nicolas Sarkozy bénéficiera également d’une voiture avec deux chauffeurs, d’une escorte de deux ou trois policiers, tandis que la gendarmerie se chargera de surveiller ses domiciles privés. Il voyagera gratuitement dans les trains de la SNCF, en avion d’Air France ou sur des navires français, dans la meilleure classe existante. Durant ses voyages à l’étranger, il sera accueilli par l’ambassadeur de France et logé dans sa résidence, comme le serait un président en exercice.

La loi devrait se saisir de ce sujet, et à cette occasion, donner un véritable cadre juridique à la situation de nos anciens présidents. A quoi servent-ils exactement ? Faut-il les protéger, et si oui, pourquoi, comment et combien de temps ? Peuvent-ils reprendre une activité, publique ou privée, et dans le même temps continuer à cumuler les salaires et avantages de leurs nouveaux emplois avec ceux, exceptionnels, de leurs anciennes fonctions ? La vérité, c’est qu’on imagine mal un ancien président dans le besoin. Des exemples étrangers (Tony Blair, Bill Clinton, Mikhaïl Gorbatchev, Gerhard Schröder, entre autres) nous montrent que les ex-chefs d’Etat ou de gouvernement, quand ils ont quitté le pouvoir sans être trop vieux, n’ont pas vraiment eu besoin des générosités publiques pour gagner des sommes d’argent considérables. Et s’ils restent au service de l’Etat, comme l’a fait par exemple Valéry Giscard d’Estaing, ces charges publiques supposent généralement un bon salaire, un bureau, un secrétariat, et pour des raisons de sécurité ou de prestige, on peut y ajouter souvent une voiture, un chauffeur et quelques flics. 

La loi devrait se contenter de ce qu’elle fait déjà, c’est à dire d’offrir une retraite aux anciens présidents. Cette retraite, actuellement de 6.000 euros par mois, équivalente à celle d’un conseiller d’Etat, est en soi déjà contraire aux principes d’égalité de la devise de notre République. Elle peut éventuellement justifier son exceptionnalité par le caractère exceptionnel, justement, de la fonction de Président de la République. Mais il ne faut pas oublier qu’elle s’ajoute, souvent, à d’autres régimes eux aussi d’exception, comme les retraites d’anciens ministres et/ou d’anciens parlementaires qu’ont souvent été nos présidents, voire d’anciens fonctionnaires. Les vieux ex-présidents se contenteront très bien du cumul de toutes ces généreuses retraites, et n’auront pas vraiment besoin d’autres avantages. Les plus jeunes les cumuleront avec les fruits de leurs activités nouvelles, et leur situation sera bien plus confortable que celle du commun des mortels. Pourquoi y ajouter un bureau, du personnel, une voiture ou des billets d’avion gratuits ? 

La Constitution, par ailleurs, prévoit (article 56) que les anciens présidents siègent à vie au Conseil constitutionnel, avec une rémunération de 12.000 euros par mois. J’imagine que ces conseillers disposent d’un bureau et d’un secrétariat. Une voiture de fonction, peut-être, et le chauffeur qui va avec ? Enfin, le métier d’avocat, avec lequel voudrait peut-être renouer Nicolas Sarkozy, est-il compatible avec la fonction de membre du Conseil constitutionnel ? Il présente la potentialité d’un évident conflit d’intérêt. Peut-on statuer, quand on est à la fois membre du Conseil et avocat, sur la constitutionalité d’une loi qui peut avoir été voilée par l’un de vos clients ?

Si le changement, c’est vraiment maintenant, le prochain Parlement devrait se saisir de ces étranges coutumes et les encadrer par la loi.

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