Amoureux du passé ou allergique aux archaïsmes, le clivage inattendu de la campagne 2017<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Amoureux du passé ou allergique aux archaïsmes, le clivage inattendu de la campagne 2017
©

Sans issue

Macron roule en tête parce qu’il surfe sur les archaïsmes de la société politique française qu’une partie de la population ne supporte plus.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

La succession de débats pour la présidentielle a révélé une kyrielle d’archaïsmes qui ont surpris et insupportent une partie de l’électorat qui a compris là pourquoi elle s’était détachée de la politique. Une bonne moitié de la population française ne supporte plus les archaïsmes qui se terrent dans les discours, dans les attitudes, dans les programmes... Et c’est effectivement la campagne présidentielle avec ses crises, ses rebondissements, ses psychodrames qui a révélé au grand jour ces archaïsmes. La confrontation des projets et des personnalités les a mis en évidence. Et désormais, une grande partie de l’électorat tient compte de la façon dont sont gérés ces archaïsmes pour effectuer leur choix et cela, indépendamment des facteurs de base liés à l’idéologie, au statut social, aux conditions de vie et d'habitat, à la religion et aux conditions socio-professionnelles. La génération la plus sensible à ce décalage est celle des moins de 40 ans. Qu’ils soient en difficultés économiques et sociales ou très intégrés, ils estiment que les personnels politiques sont profondément décalés par rapport aux réalités. 

Voilà résumés les 10 principaux grands archaïsmes dans la vie politique et les programmes auxquels une grande partie des français n’adhèrent plus. 

1er archaïsme : considérer l’Etat et ses filiales capables de tout réguler, de tout gérer et de tout payer.

C’est tendance chez beaucoup de candidats qui dénoncent le recul de l’Etat et qui promettent une restauration du pouvoir. La promesse est illusoire, la majorité de l’opinion sait bien que l’Etat a dû céder du pouvoir d’influence aux très grandes entreprises, aux ONG, et aux organisations internationales. Il y a un certain nombre de candidats qui ignore totalement cette réalité incontournable.

2e archaïsme : promettre qu’on peut s’enfermer dans ses frontières, empêcher les délocalisations et freiner les importations.

Le discours protectionniste est partagé par beaucoup. Sauf qu’il ne peut pas y avoir de réalité dans la mesure ou plus de la moitié de ce que nous consommons tous les jours vient de l’étranger. Parallèlement, plus de 30 % des emplois dépendent des exportations. 

3e archaïsme : affirmer qu'on pourrait se passer de l’Europe. Sans doute possible, sauf qu’il faudrait nécessairement vivre autrement dans la mesure où l’appartenance à l’Europe nous protège et crée un immense marché de 300 millions de consommateurs qui ont pratiquement la même culture et le même niveau de vie.

Impossible de vivre sans ce grand marché. Les anglais vont essayer de plonger dans le Brexit, mais ils sont obsédés par la nécessité de signer des accords d’échanges avec les pays européens pour conserver les avantages du grand marché. Equation impossible. Plus de la moitié de la population des moins de 40 ans ne peut pas imaginer vivre en dehors de l’Union européenne. 

4e archaïsme : quitter l’euro.

Alors que 9 candidats sur 11 à la présidentielle projettent de sortir de l’euro, ou de réaménager les traités de l'Union européenne, seul moyen, disent-ils, d’améliorer la situation personnelle de chacun. Pour les débats, c’est parfait. Sauf qu’aucun n’est capable d’expliquer comment la mutation pourrait s’opérer et à quel prix. 70% des français ne veulent pas abandonner l’euro.

D’une façon plus générale, une majorité de français ne croient pas que l’indépendance et la liberté passent par la restauration des grandes souverainetés à commencer par la souveraineté monétaire. La majorité des français ne le croit pas. Ils savent en revanche que leur liberté et leur indépendance passera par un assainissement financier. C’est à dire un désendettement. La réalité ressentie est que nous ne sommes pas dépendants à cause de la Banque centrale, ou de Mario Draghi, la réalité ressentie est que nous sommes dépendants des banquiers qui nous prêtent de l’argent tous ceux qui nous prêtent de l’argent, à commencer par les épargnants et les investisseurs allemands. Le, problème ce ne sont pas les créanciers, les allemands ou d’autres, le problème c’est d’en avoir besoin pour faire nos fins de mois, et payez nos frais de fonctionnement. Le problème c’est notre incapacité à dégager les ressources nécessaires. Le problème c’est de vivre a crédit.  

5e archaïsme : expliquer que tout ce qui nous arrive est de la faute de Mme Merkel.

Vous n’avez pas 2 français sur 3 qui le croient. Le modèle allemand est agaçant, les performances allemandes sont agaçantes, mais la majorité des français sait aujourd’hui pourquoi le modèle allemand est plus performant. Moins de dépenses publiques, plus d’organisation, plus de travail aussi… etc. 

6e archaïsme : l’ombre du trotskisme.

Avoir quatre candidats à la présidentielle qui se réfèrent à l’idéologie trotskiste ou qui se sont nourris de ses enseignements. Jean-Luc Mélenchon, Jacques Cheminade, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou. Ces quatre-là sont en concurrence, ce qui est assez et grotesque mais aussi complètement incompréhensible. Pour les étrangers, ça relève sans doute de l’exception française, une incongruité historique. Comment croire que la révolution mondiale est encore possible, qu’elle abattra le système capitaliste ? Plus grave, beaucoup en France estiment que la référence à Trotski hypothèque l’image de la France.

7e archaïsme : se référer à Karl Marx.

Jean-Luc Mélenchon a surpris tout le monde en se déclarant encore un peu marxiste. Le marxisme a disparu de la planète, sauf peut-être en Corée du Nord, qui fonctionne sous l’empire d’un système complètement étatique et planifié. Jean-Luc Mélenchon a montré ce jour-là qu‘il pouvait rester fidèle à ses racines, mais le ton qu’il a emprunté montrait aussi que le temps était venu de laisser les vieux outils au magasin des accessoires.

8e archaïsme : les nationalisations.

Plus de la moitié des candidats affirme que l’Etat peut encore nationaliser des entreprises en difficultés ou dans des secteurs stratégiques. Les 2/3 de l‘opinion n’y croient pas. En revanche, la partie la plus cultivée de cette opinion s’inquiète de constater qu’il n’y a pas, en France, d’épargne capable de s’investir dans les entreprises alors que c’est le cas dans la plupart des pays occidentaux. 

9e archaïsme : restaurer le nationalisme sur la base de l’identité nationale. C’est le cœur de l’idéologie du Front national, mais c’est aussi une tentation à gauche.

Cette ambition n’est absolument pas partagée par la majorité des jeunes générations. Les moins de 40 ans sont nés avec l’internet, l’ubérisation, et le low cost aérien. Cette génération a des milliers d’amis sur Facebook dans le monde entier. Près de 500 000 français partent chaque année en Erasmus, se frotter à des étudiants venant de toute l’Union européenne et cela depuis 20 ans. Cette génération Erasmus est la première à dénoncer les archaïsmes et à crier sur tous les tons, que la réalité n’est pas celle que se propose de gérer une grande partie des candidats à la présentielle, qui se révèlent ainsi d’un autre temps. 

10e archaïsme : le pouvoir des idéologies et du dogmatisme.

La majorité des français ne croient qu'une décision n’est bonne que parce qu’elle est étiquetée de droite ou de gauche. Ils croient qu’une décision est bonne si elle est efficace. L’attitude pragmatique chasse les attitudes dogmatiques ou idéologiques ; C’est vrai pour les partis politiques, c’est vrai aussi pour les syndicats. La montée en puissance de la CFDT désormais le premier parti de France s’explique aussi par cette recherche de pragmatisme. 

Cette campagne présidentielle restera dans les annales comme une des moins prévisible, alors qu’au départ tout paraissait plié. Cette campagne a fracassé les grandes familles politique, la gauche et la droite. Cette campagne a fait émerger un candidat totalement inconnu du monde politique âgé de 39 ans. 

Mais au-delà, plus important, cette campagne présidentielle a ringardisé le discours, les postures, les programmes et les projets de la plupart des responsables politiques qui sont en place depuis 30 ans ... Jusqu’alors, les présidents précédents ont mis plus de 30 ans à se fabriquer et à se construire. François Mitterrand et Jacques Chirac étaient programmés presque depuis leur début de carrière. Nicolas Sarkozy et François Hollande aussi. 

Aujourd’hui, tout est différent. Emmanuel Macron a mis un an pour devenir présidentiable.   

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !