Amour, couple et responsabilité : tout ce qu'on a oublié de dire lors du Tweetweilergate... <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Pendant ses vacances, François Hollande va pouvoir méditer sur le célèbre tweet de Valérie Trierweiler.
Pendant ses vacances, François Hollande va pouvoir méditer sur le célèbre tweet de Valérie Trierweiler.
©Reuters

Libres... mais heureux ?

En vacances dans le Var avec sa compagne Valérie Trierweiler, François Hollande peut méditer sur le tweet de la Première Dame qui fit couler tant d'encre.

Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet est psychiatre, ancien Chef de Clinique à l’Hôpital Sainte-Anne et Directeur d’enseignement à l’Université Paris V.

Ses recherches portent essentiellement sur l'attention, la douleur, et dernièrement, la différence des sexes.

Ses travaux l'ont mené à écrire deux livres (L'attention, PUF; Sex aequo, le quiproquo des sexes, Albin Michel) et de nombreux articles dans des revues scientifiques. En 2018, il a publié le livre L'amour à l'épreuve du temps (Albin-Michel).

 

Voir la bio »

L’affaire du fameux tweet de Valérie Trierweiler va bien au-delà d’une jalousie ordinaire entre des femmes hors normes, proches d’un président qui se veut banal. Elle a le mérite de rappeler deux points qu'on voudrait aujourd'hui ignorer.

Le premier, c’est que la recomposition familiale à la mode ne va pas sans quelques couacs. Le second, c’est que la femme libre n’existe pas – pas plus que l’homme libre. Par son tweet léger, Valérie Trierweiler porte un coup redoutable au culte actuel du bonheur et de la liberté.

Les couacs de la recomposition familiale

Sur le premier point, on ne s’étendra pas. Il faut un véritable aveuglement idéologique pour ne pas comprendre que la recomposition se fait sur une décomposition, et que cette dernière laisse bien souvent des traces. Le grand sourire enviable qu'étaient les « tribus » dans les magazines émus par tant de félicité, ne se prolonge guère au-delà de l’instantané photographique.

Dans les coulisses, les rivalités entre ex-époux et entre fratries peuvent être ravageuses. Il est rare qu’on se soit quitté en excellents termes, sur le constat mutuel que rien ne retient plus à l’autre. Même dans ce cas, le partage matériel des biens du couple sera fréquemment l’occasion de ressentiments durables.

Quant aux enfants, ils souffrent de se sentir abandonnés par celui qui part et en veulent à leurs parents : soit au père amené le plus souvent à s’écarter, soit à la mère qu'ils tiennent pour responsable, soit à tous deux qu'ils jugent irresponsables. Naturellement, au nom du culte du bonheur, chacun garde pour soi ses mauvais sentiments et affiche pieusement un sourire de circonstance. Mais à la moindre difficulté – désaccords sur les vacances, efforts matériels pour la progéniture qui semblent avantager une lignée par rapport à l’autre (notamment lors des successions) – les tensions se ravivent. 

La femme libre n'existe pas

Sur le second point, il y a plus à dire. La liberté d'esprit, née avec les Lumières, est devenue philosophie avec l'existentialisme, puis religion lorsque les progrès techniques ont donné à hommes et femmes l'illusion d'échapper aux servitudes de leur corps. En citoyen moderne, notre président normal,soucieux de sa liberté, ne s’est uni civilement à aucune de ses partenaires. Quant à sa compagne, après s’être égarée dans le mariage, elle a pu recouvrer sa liberté pour rejoindre celui qu’elle aime, en sachant cette fois préserver ses sentiments de toute contamination par des contraintes sociales.

En fait, le fameux tweet est une bénédiction, dans ces temps troublés ou la notion de limite s’est évanouie. Il offre l’occasion de siffler le hors-jeu d’individus à part, que leur position au premier rang de la société semblerait pourtant délivrer de toute obligation. Ce faisant, il indique les limites du cadre dans lequel toute vie se déroule.

Tous deux représentent la République Française, une société ordonnée autour de certaines valeurs héritées de la Révolution. Parmi ces valeurs figure la liberté. La liberté républicaine n’est cependant pas qu’un idéal abstrait ; elle est une pratique. Du point de vue du couple, elle garantit le choix d’un partenaire non dicté par des considérations sociales comme les alliances d'autrefois, mais sans prétendre effacer l’inscription sociale du couple.

Certes, aujourd’hui le couple se fonde sur des sentiments réciproques ; toutefois, il n’a jamais été une simple affaire privée : il est également un projet de vie commune au sein d’une collectivité. Il engage chacun dans une responsabilité vis à vis du partenaire et de la descendance qui doit être déclarée devant tous, car sa défaillance n’est pas sans conséquence pour la communauté. D’où le mariage civil, une validation de l’union conjugale par un représentant de la société, le maire de la commune.

L’attitude de notre Président comme de sa compagne indique un déni des institutions sociales qui règlent l’alliance et une priorisation de l’intime sur le collectif : paradoxe troublant pour qui s’est fait porter au niveau suprême de notre société et prétend en renforcer la cohésion par un respect exemplaire des normes. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !