Amnesty sur l’Ukraine : les dessous d’un rapport<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon l’ONG Amnesty International, l’armée ukrainienne met en danger la population civile.
Selon l’ONG Amnesty International, l’armée ukrainienne met en danger la population civile.
©ISAAC LAWRENCE / AFP

Guerre en Ukraine

Amnesty International a publié un rapport qui ne cesse depuis de susciter des réactions outrées. Selon l’ONG, l’armée ukrainienne met en danger la population civile du fait des tactiques militaires qu’elle emploie dans sa résistance face à la Russie.

Michel Goya

Michel Goya

Officier des troupes de marine et docteur en histoire contemporaine, Michel Goya, en parallèle de sa carrière opérationnelle, a enseigné l’innovation militaire à Sciences-Po et à l’École pratique des hautes études. Très visible dans les cercles militaires et désormais dans les médias, il est notamment l’auteur de Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail, Les Vainqueurs et, chez Perrin, S’adapter pour vaincre (tempus, 2023).

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Lorsqu'on m'a demandé mon avis à chaud sur BFM TV sur l'existence de ce rapport mettant en cause l'armée ukrainienne, j'ai répondu que ma petite expérience m'avait montré que les ennemis de salauds n'étaient pas forcément des saints.

Que l'on avait déjà eu l'occasion à plusieurs reprises d'évoquer les quelques cas documentés d'exactions de prisonniers russes exercées par des soldats ukrainiens, et cela avant même d'inviter un mythomane qui prétendait (faussement) avoir tout vu de ses yeux.

On notera au passage qu'en tolérant des troupes irrégulières peu contrôlées dans ses rangs, on augmentait considérablement le risque de conneries.

Bref, Amnesty est une organisation sérieuse et on pouvait estimer que tout ce qu'elle disait était vraie.

Bien entendu, tout cela faisait la joie du Parti poutinien de France qui trouvait là (sans l'avoir lu) des éléments pour alimenter l'idée de la population otage des "Ukronazis". Mais ce n'est pas parce qu'ils favorisent un camp plutôt que l'autre que les faits cessent d'exister.

Puis j'ai eu le temps de lire plus en détail ce rapport. Pour être précis, il s'agit d'une enquête menée d'avril à juillet dans les régions de Kharkiv, du Donbass et de Mykolayev et uniquement dans les zones ukrainiennes.

On ne sait pas bien quel était l'objet précis de l'enquête. S'il s'agissait d'examiner le comportement général des troupes vis-à-vis de la population, le PPF risque d'être décu puisqu'aucune exaction (exécution, viol, vol) n'y est évoquée, qui puisse être mise dans la balance.

Non que ce fut impossible, mais Amnesty ne dit rien là-dessus. Le sujet était sans doute plus les méthodes de combat employées mais il est plus que probable que si Amnesty avait reçu des témoignages d'exactions, elle ne les aurait pas évacué parce que ce n'était pas le sujet.

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Ce que dit Amnesty, c'est que l'armée ukrainienne a mis en danger la population civile dans 19 cas en combattant à côté d'elle. Je pensais initialement "au milieu d'elle" en utilisant les gens comme bouclier, ce qui était surprenant face à des gens qui s'en foutent, mais non.

On reproche dans ces quelques cas aux soldats ukrainiens de s'être installés près d'habitations encore occupées par des civils. Alors que c'était possible d'aller hors des zones résidentielles ou de ne pas avoir évacué les civils.

Je suis un peu circonspect sur la possibilité de ne pas s'installer hors de zones encore habitées lorsqu'on combat en ville, à moins de déclarer "ville ouverte" mais soit ! On rappellera aussi qu'il reste toujours des habitants dans une ville même après évacuation.

Le rapport indique aussi l'emploi d'hôpitaux comme bases militaires. En fait, sauf dans le cas peu clair d'un laboratoire médical, il s'est agi de s'y reposer mais jamais de l'utiliser comme base de tir. Mais ce n'est pas bien, soit !

Le rapport fait état aussi de l'emploi d'écoles comme bases, en rappelant néanmoins que ces écoles étaient forcément vides depuis le début de la guerre. Un emploi que le Droit international humanitaire autorise dans ce cas précis, ce que les Russes savent évidemment.

En fait, dans le cas des écoles on se trouve simplement dans le problème éventuel de proximité avec des habitations encore occupées par des civils. Après réflexion, je ne vois donc même pas pourquoi ils en font donc état.

Au bout du compte, le rapport rappelle quand même que cela ne justifie en rien les frappes russes indiscriminées et l'emploi de munitions interdites dans ce cadre-là.

Agnès Callamard, Secrétaire Générale de l'organisation, conclut en demandant aux autorités ukrainiennes de faire plus attention.

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Pour conclure, il y a un peu le sentiment d'une chasse au tigre qui se retrouve avec un chat maigre en cage. Ce qui dit finalement le rapport c'est que la population a été parfois mise en danger inutilement et des hôpitaux ont été utilisés pour dormir à l'abri.

Paradoxalement, il peut servir au contraire à dédouaner l'armée ukrainienne de l'accusation de prise en otage de la population puisque ce n'est jamais évoqué après trois mois d'enquête.

Il serait bien qu'Amnesty face la même enquête dans les zones tenues par les Russes et les séparatistes, y compris sur les possibles frappes ukrainiennes indiscriminées. Manque de chance, les enquêtes libres y sont beaucoup plus difficiles.

Pour retrouver le Thread de Michel Goya : cliquez ICI

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