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Alors qu'ils ignoraient tout des vacances, nos ancêtres auraient travaillé moins que nous !
©Allociné

Bonnes feuilles

On entend souvent dire que : « c’était mieux avant… » Nostalgie ou réalité ? Pour le savoir, Jean-Louis Beaucarnot, a une nouvelle fois remonté le temps et revisité ses best-sellers, consacrés à l’histoire du quotidien de nos ancêtres, en se demandant qui d’eux ou de nous voyageait le mieux, mangeait le mieux, se distrayait le mieux... Au fil d’un panorama riche et varié, il vous propose un étonnant jeu des différences, mené à partir de documents originaux d’hier et d’aujourd’hui, mis en miroir de façon souvent saisissante, entre le temps de l’obsolescence programmée et celui des économies de bout de chandelles, celui des maisons inchauffables et celui du réchauffement climatique… Une enquête originale, qui vous fera remonter le temps, et vous permettra de trancher par vous même cette grande question, que toutes les générations se sont posées. Extrait de "Nos ancêtres étaient-ils plus heureux ?" de Jean-Louis Beaucarnot, publié aux Editions JC Lattès. 1/2

Jean-Louis Beaucarnot

Jean-Louis Beaucarnot

Jean-Louis Beaucarnot est l’auteur de best-sellers. Comment vivaient nos ancêtres, Entrons chez nos ancêtres … Généalogiste de grande réputation, il travaille pour de nombreux médias et tient en particulier une chronique hebdomadaire dans le Journal Du Dimanche.

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« Métro, boulot, dodo » : de nous ou de nos ancêtres, qui travaillait le plus ?

Le chrétien devant imiter Dieu qui avait créé le monde en six jours et s’était reposé le septième, avait en bonne logique calqué son agenda sur le Sien. Six jours donc de travail par semaine, pour un jour « chômé » : le dimanche. Faites le calcul : cela donne plus de 313 journées de travail par an, sachant que ces journées qui suivaient à la campagne le rythme des saisons allaient faire facilement seize heures en été – au moment des travaux les plus pénibles – pour seulement huit à dix en hiver, auxquelles notre homme peut alors ajouter deux à trois heures de veillée, s’il ne se couche pas comme ses poules… Un premier déséquilibre, auquel s’en ajoutait d’autres.

D’abord du fait que les jours « ouvrables » – l’origine du mot venant, non pas de l’ouverture des commerces et des bureaux, mais du mot « oeuvrable », signifiant « travaillable » – ne sont pas aussi nombreux que l’on pourrait le penser. 313 jours ? Certainement pas ! Il suffit pour le comprendre d’écouter les lamentations du savetier de La Fontaine :

Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours

Qu’il faut chômer : on nous ruine en fêtes.

L’une fait tort à l’autre, et monsieur le curé

De quelque nouveau saint charge toujours son prône.

C’est qu’en effet les dimanches ne sont pas les seuls jours où le travail est interdit à nos ancêtres. Du moins à nos ancêtres ruraux, car en ville, des éléments chiffrés montrent qu’en 1893 27 % des salariés travaillaient ce jour-là.

Mais à ces dimanches, il faut ajouter de nombreuses fêtes, de la liturgie catholique ou du folklore : celle du saint patron du village ou de la paroisse, comme celui du diocèse (Saint-Arbogast à Strasbourg, Saint-Sernin à Toulouse, etc.), puis celle du saint patron du métier ou de la corporation (Saint-Crépin pour les cordonniers, Saint-Honoré pour les boulangers, etc.). Les animaux eux-mêmes sont également dispensés d’attelage les jours de leurs protecteurs : les chevaux le jour de la Saint-Éloi, les boeufs celui de la Saint-Blaise… Sans compter, bien sûr, une multitude de saints locaux, objets de pèlerinages ou de pardons. C’est ainsi que le nombre de ces fêtes d’obligation était au xviie siècle de cinquante-trois dans le diocèse d’Angers et de quarante-trois dans celui de La Rochelle. Et même si au cours du siècle suivant on procédera à des épurations, il continuera à rester important. Ainsi, dans le diocèse de Poitiers, de cinquante, on ne pourra descendre à moins de vingt-sept.

Si donc après avoir retiré les 52 dimanches aux 365 jours de l’année et être tombé à 313, on retirait encore quelque cinquante autres jours de fête, on arrivait à 260, soit à peu près autant qu’en déduisant les 104 jours de nos week-ends et une dizaine de jours de fêtes diverses (jeudi de l’Ascension, 14 juillet, 11 novembre…).

Il n’en reste pas moins que le nombre de fêtes devait avoir été plus important encore, puisque dans son étude de cas, Vauban estime les jours ouvrables de son journalier à seulement 180 – peut-être pour tenir compte d’un nombre incompressible de jours de fêtes familiales, avec mariages et enterrements… 180 est en tous les cas un chiffre nettement inférieur au nôtre, même lorsque l’on a déduit nos cinq semaines de congés payés.

Conclusion : nos ancêtres ruraux d’Ancien Régime auraient travaillé moins que nous ! Une grande surprise, sachant qu’évidemment ils ignoraient tout des vacances. D’abord parce qu’elles ont longtemps été vues comme d’un effet déplorable : Richelieu ne disait-il pas que « le peuple est un mulet qui se gâte par le repos » ? Ensuite, parce que les lois ne les prévoyaient pas et qu’il faudra attendre 1936, le Front populaire et Léo Lagrange, pour que s’imposent les congés payés.

La domesticité à pas cher. Travailler plus pour gagner plus ? Le travail est nécessaire ; l’homme est sur terre pour travailler ; c’est tout juste si l’on ne chantait pas déjà, avant Henri Salvador, que « le travail, c’est la santé » ! La santé du corps et aussi celle de l’âme, car au Moyen Âge, l’Église est catégorique : l’homme doit travailler pour échapper à la tentation…

Extrait de "Nos ancêtres étaient-ils plus heureux ?" de Jean-Louis Beaucarnot, publié aux Editions JC Lattès.

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