Alerte aux effets secondaires toxiques : 54% des employés interrogés dans 44 pays déclarent pouvoir télétravailler<!-- --> | Atlantico.fr
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Le télétravail, utilisé lors de la pandémie de Covid-19, a transformé le monde du travail et les habitudes des salariés.
Le télétravail, utilisé lors de la pandémie de Covid-19, a transformé le monde du travail et les habitudes des salariés.
©LOIC VENANCE / AFP

Révolution en vue

Une étude menée par le réseau britannique PriceWaterhouseCoopers (PWC) auprès de 52.000 personnes dans 44 pays révèle les souhaits et les aspirations des salariés sur la question du télétravail. La société serait-elle profondément bouleversée en cas d'un passage massif au télétravail ?

Caroline Diard

Caroline Diard

Caroline Diard est professeur associé au département Droit des Affaires et Ressources Humaines à la Toulouse Business School.

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Atlantico : Selon une étude réalisée auprès de 52 000 personnes dans 44 pays, 54% des employés déclarent pouvoir télétravailler. Parmi eux, la moitié souhaite que ce soit majoritairement le cas. Que retenez-vous de cette étude ? Le décalage entre le désir des salariés et des employeurs est-il vraiment flagrant ? Les intérêts sont-ils vraiment divergents ? 

Caroline Diard : Effectivement, si l'on considère que le confinement a été une expérimentation à grande échelle du télétravail, il faut en tirer des enseignements.

En effet, avant le confinement certains salariés (et leurs employeurs) ne pensaient pas que leur poste était potentiellement "télétravaillable". Le télétravail organisé subitement en urgence dans le cadre de la crise sanitaire a révélé qu'au contraire de nombreux emplois peuvent s'effectuer à distance. (Le télétravail peut s'exercer pour mémoire : à domicile, en mode nomade ou en tiers lieux). La relation managériale a évolué, les organisations se sont adaptées.

L'étude PWC de 2022 nous révèle les souhaits, espoirs, attentes des salariés : inclusion, culture d'entreprise, formation, bien-être au travail...

Le télétravail est un réel sujet qui est évoqué lors des négociations obligatoires en matière de QVT (Qualité de vie au travail) et également un enjeu de RSE et de développement durable.

L'étude indique effectivement que 54% des personnes interrogées souhaitent travailler à distance : une majorité souhaite télétravailler. On constate néanmoins un écart entre ce souhait et la volonté des managers.

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Mes recherches actuelles montrent que le télétravail hybride, post-confinement est une forme d'acculturation. Le télétravail devient pour une majorité de collaborateurs une nouvelle normalité.

Sur le terrain je n'observe pas de décalage flagrant. Le confinement a eu l'intérêt de lever les freins notamment pour les managers qui avaient des difficultés à faire confiance et à déléguer. Ils ont expérimenté une nouvelle forme de travail, avec de nouveaux outils. Ils ont co-construit une nouvelle relation managériale.

Que savons-nous des effets secondaires d’un passage massif au télétravail ? La société serait-elle profondément bouleversée ?

Un passage massif au télétravail peut augmenter un certain nombre de risques :

- Risques concernant la protection des données

- Risques de fraude

- Risques de harcèlement

- Risque d'hyperconnectivité

- Risques psychosociaux

Le télétravail diminue la pollution liée au transport mais augmente une autre forme de pollution liée à l'utilisation des réseaux.

Les entreprises réalisent des économies foncières.

Les centres d'intérêts se "relocalisent" vers les lieux de vie (augmentation du recours aux commerces de proximité, baisse de fréquentation des restaurants dans les centres d'affaire par exemple)

Si on peut imaginer des effets positifs à un recours massif au télétravail, il semblerait que d’un point de vue global, les effets soient plutôt négatifs. Alors que la société s’est construite autour des revendications politiques des ouvriers au sein des usines, quel pourrait être l’impact du télétravail dans une société déjà fracturée politiquement ?

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Le télétravail permet une meilleure concentration. La question de la performance en revanche est difficile à trancher. Il y a moins de stress, une meilleure qualité de vie (possibilité de faire du sport, de s'occuper davantage de sa famille grâce au temps économisé dans les transports). En revanche, il y a un risque de porosité de la frontière vie privée-vie professionnelle.

Les collaborateurs peuvent vivre plus loin du lieu de travail donc bénéficier d'économies sur le loyer ou un achat immobilier.

Le collectif de travail en revanche est effectivement irrémédiablement impacté. D'où le rôle primordial du management. Les partenaires sociaux doivent se réinventer et notamment mobiliser de nouvelles techniques de communication. Bien que le télétravail soit un enjeu de dialogue social, l'exercice du travail dispersé est également un risque pour l'influence des partenaires sociaux.

Peut-on aussi voir un impact sur l’engagement à l’égard des entreprises dans des sociétés où le doute vis-à-vis de la soutenabilité sociale comme environnementale du capitalisme fait déjà des ravages ?

Le fait de bénéficier d'une organisation du travail hybride est plutôt un élément fort de la marque employeur, de motivation et de fidélisation

Peut-on voir d’autres impacts négatifs sur la société en cas de développement massif du télétravail ? (délocalisations etc…). Comment devraient réagir les politiques publiques face à ce phénomène ?

Il y a des risques de "migrations" sur le territoire national : certaines zones seraient donc lésées au profit d'autres. Dans la mesure où l'on voit déjà apparaitre des formes "extrêmes de télétravail" (5 jours par semaine, télétravail à l'étranger ou Outre-mer..) cela suppose que l'entreprise n'est plus limitée dans un bassin d'emploi pour recruter... Il y a un très fort risque de délocalisation sur certains métiers notamment très qualifié mais le phénomène n'est pas nouveau. De nombreuses missions étaient déjà délocalisées avant que le télétravail prenne de l'ampleur. La délocalisation n'est pas possible pour tous les postes mais il faut effectivement peut-être envisager des garde-fous réglementaires afin d'éviter une forme de "dumping social".

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