Alerte à la reprise économique (très) inégalitaire ? Ce que le marché de l’immobilier suggère du profil de la sortie de crise<!-- --> | Atlantico.fr
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Une agence immobilière, en mai 2020, dans l'île de Groix, au premier jour de l'assouplissement des mesures de confinement en France.
Une agence immobilière, en mai 2020, dans l'île de Groix, au premier jour de l'assouplissement des mesures de confinement en France.
©LOIC VENANCE / AFP

Maisons de rêve

Le confinement a confirmé l’engouement pour le marché de l'immobilier en France. La cote de l’ancien s’est en effet envolée depuis le premier confinement entraînant la montée des prix des pavillons avec jardin.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : La pandémie et les confinements ont vu un engouement pour les maisons en pierre et autres pavillons avec jardin qui ont vu leur prix s’envoler. Comment expliquer cette tendance ? Est-elle uniquement dûe au Covid et au boom du télétravail ?

Philippe Crevel : Depuis le début des années 1990, la population française a tendance à se concentrer au sein de grandes métropoles comme Paris, Toulouse, Bordeaux, Lille, Nantes ou Rennes. Ce processus accompagne la tertiarisation de l’économie et la désindustrialisation. Les usines sont essentiellement installées dans la deuxième périphérie des grandes villes et au sein de villes de taille moyenne. Ce mouvement de métropolisation a concerné un très grand nombre de pays. Depuis le milieu des années 2010, le développement rapide des grandes métropoles entraîne un rejet de la part d’une partie de leurs habitants. Les mesures prises pour restreindre la circulation routière, les problèmes de transports publics, l’insécurité, etc. incitaient avant même la crise sanitaire des ménages à déménager vers des agglomérations de taille moyenne comme Angers, Le Mans, Reims, La Rochelle ou Niort. Au sein des pays occidentaux, et en premier lieu aux Etats-Unis, les personnes à revenus élevés quittent le cœur des grandes villes pour s’installer « à la campagne ». Ils conservent comme on dit un pied à terre en ville et font des aller-retour. Cela concerne essentiellement la frange des extra-riches mais vivre au cœur de Manhattan, de Londres ou de Paris n’est plus à la mode. Le succès de Neuilly, de Saint Germain en Laye, du Vésinet en est également une traduction française.

L’épidémie de Covid-19 a renforcé cette tendance. La recherche de logements plus grands voire de maisons avec un petit jardin s’est accrue. L’essor du télétravail joue sans nul doute un rôle non négligeable dans ce désir de vivre plus près de la nature. Il ne faut pas en exagérer l’importance non plus. Les entreprises, une fois l’épidémie endiguée, entendent limiter le télétravail à une ou deux journées par semaine. Les ménages ayant choisi d'émigrer à cent ou deux cents kilomètres de leur travail risque de déchanter en étant soumis à la contrainte des transports.

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Le dynamisme de ce secteur tranche-t-il avec d’autres plus en difficultés ? Est-il le révélateur que la crise a touché inégalement les populations selon leur niveau de richesse ?

Le secteur de l’immobilier a connu un arrêt sur image violent, comme de nombreux secteurs, lors du premier confinement. Le rebond a été rapide et important dès le début du déconfinement. De nombreux ménages ont souhaité finaliser des opérations immobilières préparées avant l’épidémie. D’autres ont voulu changer de vie en acquérant un bien plus adapté à leurs nouveaux besoins. Les Français surtout en période de crise estiment que la pierre est la meilleure des valeurs refuges. Il n’est donc pas étonnant qu’en 2020, elle conforte ce statut. Il convient néanmoins de souligner qu’au fil des mois, le marché se ralentit. Les demandes de permis de construire s’étiolent et les ventes sont plus lentes à se concrétiser. Dans les grandes villes, les biens qui étaient affectés à la location saisonnière via les plateformes comme Airbnb se retrouvent soit sur le marché de la location traditionnelle, soit sur celui des ventes ce qui pèse sur les prix.

Avant même l’épidémie, le marché de l’immobilier était difficilement accessible aux primo-accédants et aux ménages à revenu modestes du fait de la forte augmentation des prix et cela malgré la baisse des taux d’intérêt. La crise ne fait qu’accentuer cette segmentation. Le foncier est rare et donc cher. Les règles contraignantes de l’urbanisme limitent l’offre. Les politiques d’aide au logement aboutissent, de leur côté, comme la Cour des Comptes l’a souligné à maintes reprises, à augmenter les prix.

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Le marché de l’immobilier pourrait-il être le révélateur d’une reprise en K de la consommation, avec la situation des ménages riches qui continue de s'améliorer tandis que celle des populations les plus touchées par le chômage et la perturbation des activités se détériore ?

Pour le moment, les aides publiques ont permis de maintenir le pouvoir d’achat des Français. Il a même augmenté de 0,6 % en 2020 quand le PIB reculait de 8,2 points. Les Français qui ont le plus souffert économiquement de la crise sont ceux qui sont en CDD, en intérim ou à temps partiel. Ce sont ceux qui rencontrent le plus de difficultés à se loger. Cela est évidemment encore plus compliqué avec la crise. Le lien entre le marché immobilier et la consommation n’est pas net. La consommation de biens se tient bien en France depuis la fin du premier confinement. Durant la période estivale et à la fin de l’année 2020, des records de vente ont été constatés. Le marché de l’immobilier est dépendant des taux d’intérêt. Leur niveau extrêmement bas concourt à faire augmenter les prix en raison d’une demande qui reste importante. Si les taux progressent, il en serait tout autrement. Néanmoins, du fait de la persistance de l’épidémie et des incertitudes, des baisses de prix ont été constatés à Paris ou à Bordeaux. Elles pourraient se poursuivre. Elles devraient malgré tout rester modérées. En revanche, les villes des banlieues chic et celles dont la population se situe entre 100 000 et 200 000 habitants pourraient enregistrer de nouvelles hausses du prix de l’immobilier. Le marché se segmente de plus en plus rendant sa lecture plus complexe. Les corrélations entre état de l’immobilier et croissance sont des exercices délicats à mener.

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