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Alain Juppé, redevenu ministre au grand dam de son épouse Isabelle partie à Paris, se console…chez son ex-femme, Christine
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Bonnes feuilles

Portrait de l'homme politique par un journaliste du quotidien "Sud Ouest" à travers son parcours, les épreuves traversées, ses différentes fonctions, jusqu'à sa participation aux primaires à droite en novembre 2016. Extrait de "Alain Juppé, l'homme qui revient de loin", de Bruno Dive, aux éditions de L'Archipel 2/2

Bruno Dive

Bruno Dive

Bruno Dive est journaliste politique et éditorialiste à Sud Ouest, spécialiste de la droite française et auteur de plusieurs livres politiques dont "La métamorphose de Nicolas Sarkozy" (Jacob-Duvernet) en 2012 et "Au coeur du pouvoir : l'exécutif face aux attentats" (Plon) en 2016. Il a également écrit Alain Juppé, l'homme qui revient de loin (l'Archipel).

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Isabelle s’est éloignée. En cette rentrée 2010, elle s’est définitivement installée à Paris. Terminés les allers retours épuisants entre la capitale et Bordeaux. Elle a opté pour un travail à plein-temps chez Lagardère. Elle a inscrit Clara au lycée Henri-IV, l’un des plus prestigieux de Paris. Elle veut aussi être un peu plus présente auprès de Charline, sa fille aînée, et de son petit-fils Roméo. Mais ces nobles considérations personnelles n’expliquent pas à elles seules le départ d’Isabelle Juppé, qui reproche aussi à son mari d’être redevenu ministre. Elle ne le souhaitait pas… et surtout pas ministre de Nicolas Sarkozy, qu’elle ne porte pas dans son cœur. Leurs chemins vont diverger quelques mois, et Alain en souffre. « J’aime bien la solitude, mais je n’aime pas être seul », dit-il drôlement. La plupart de celles et ceux qui connaissent bien le couple ont toujours eu le sentiment qu’il était le plus amoureux des deux. Alors il va parfois se consoler… chez son ex-femme, Christine, avec laquelle il a gardé des relations cordiales et même amicales.

Ses amis, Jérôme Clément ou Louis Gallois, lui ont également déconseillé de redevenir ministre de Sarkozy. Il ne les a pas écoutés. Il veut tellement reprendre du service ! Certes pas à n’importe quelles conditions ou pour n’importe quel poste. Depuis deux ans et sa belle réélection comme maire de Bordeaux, c’est à un drôle de jeu, une sorte de « Je t’aime, moi non plus », que s’adonnent Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Ministre de l’un et ami de l’autre, Xavier Darcos observe les tentatives d’approche avec le regard amusé de l’érudit : « C’est Rachel et Phèdre : je l’aime ou je le hais ? » Et, quand le futur académicien ne convoque pas Racine, c’est Roland Barthes qu’il appelle à la rescousse pour qualifier cette étrange relation : « On flirte, mais on ne couche pas. »

Aux élections municipales de mars 2008, Alain Juppé a lavé l’affront du scrutin précédent. Tandis que de nombreux maires de droite sont battus, que Nicolas Sarkozy entame sa descente aux enfers dans les sondages, lui est réélu à Bordeaux dès le premier tour avec près de 57 % des voix. Un triomphe.

Pourtant, jamais la tentation de partir n’avait été aussi forte que durant l’été précédent, au cours duquel il ruminait son échec aux législatives. Mais après quelques semaines de vacances en famille, il avait recouvré son allant. Dès la rentrée 2007, alors que plus grand monde ne lui parle, la direction de Sciences Po Bordeaux lui propose de donner un cours inspiré de ses conférences au Québec : « Mondialisation et relations internationales ». Juppé se montre touché par cette attention et accepte aussitôt. Il donnera son cours pendant un semestre et choisit le mardi matin, 8 heures, pour ne pas interférer avec son mandat de maire. Il fait montre d’une grande humilité, « jamais un retard, jamais une absence », se rappelle Jean Petaux, qui a eu la surprise de recevoir du professeur Juppé le plan détaillé de ses cours en douze séances, ce qui n’est pas dans la tradition. « Je ne veux pas commettre d’impair », lui a expliqué ce maître de conférences bien consciencieux. Les étudiants de troisième année sont ravis : « On peut lui poser toutes les questions qu’on veut ! » Alain Juppé revit ; une fois encore, il a repris de l’assurance par le contact avec la jeunesse. Son moral est remonté grâce à l’enseignement.

Mais il n’a pas perdu de vue Bordeaux, qu’il a la grande joie de voir inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco ce même automne. Pour préparer les municipales, il a renouvelé ses listes, écarté Jacques Valade – le dernier survivant, avec Hugues Martin, de l’ère Chaban –, attiré un conseiller général écologiste, Jean-François Berthou – six ans après Michel Duchène –, ainsi que la présidente du Cran, Nicole Tumba Saint-Orice. Bien sûr, il a un peu engueulé ses électeurs. « Allez vivre à la campagne », lance-t-il à une dame qui se plaint du tapage nocturne. Mais il a surtout promis d’être « un maire à plein-temps », et donc de ne pas revenir au gouvernement. Enfin, pas tout de suite…

Et voilà Juppé le mal-aimé qui s’installe dans le rôle du recours, inédit pour lui et que l’on pensait improbable. Pour la première fois depuis 1995, les jugements positifs à son égard l’emportent sur les jugements négatifs dans les baromètres de popularité. Sa cote dépasse désormais celle du nouveau président. « Avec la dégringolade de Nicolas Sarkozy, il est redevenu à la mode. C’est comme si la droite découvrait qu’elle avait en réserve un homme d’État..»

« Tu es le président de la République de Bordeaux ! », lui a lancé son petit-fils Lucas, résumant assez bien la situation du moment. Mais Juppé, comme d’habitude, ne veut pas s’emballer. Le soir de sa victoire aux municipales, il a lancé à ses colistiers : « Soyez sages ! Pas d’excès ! » Puis il est rentré chez lui, a bu un whisky en écoutant du jazz – une manière pour lui de faire la fête –, avant de se coucher, à 1 heure. Même pondération pour la suite : « Il faut d’abord labourer, puis semer, puis arroser, avant de récolter. Le bon paysan sait attendre », écrit-il sur son blog le 19 février 2008.

Sarkozy lui fait la danse du ventre. « Alors, quand est-ce qu’on travaille ensemble ? » Il lui propose tous les postes qui passent à portée de main : un grand ministère de l’Éducation nationale et de la Recherche après les élections européennes de juin 2009, la présidence de la Cour des comptes après la mort soudaine de Philippe Séguin en janvier 2010, voire un poste de commissaire européen. Juppé refuse tout.

Extrait de Alain Juppé, l'homme qui revient de loin, de Bruno Dive, aux éditions de L'Archipel, le 31 août 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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