63% des jeunes prêts à participer à un mouvement de révolte… Soit, mais lequel ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
63% des jeunes prêts à participer à un mouvement de révolte… Soit, mais lequel ?
©Reuters

Antisystème

63% des jeunes se déclarent prêts "à une révolte de grande ampleur", 99% ne croient plus en la politique. Ces chiffres tirés d'une enquête menée par Sciences Po montrent le niveau de défiance de la jeunesse envers le monde de la politique.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

Voir la bio »

Atlantico : Selon les travaux de la sociologue Anne Muxel basés sur une étude menée par Sciences-Po, 63% des jeunes se déclarent prêts "à une révolte de grande ampleur". Cette enquête menée auprès de 250 000 jeunes dépeint une génération défaitiste quant à son propre avenir et bourrée de défiance envers les politiques. Qui pourrait tirer profit de cette défiance parmi les candidats à l'élection présidentielle de 2017 ? A qui pourrait-elle le plus coûter ?

Eddy Fougier : A priori, la défiance peut bénéficier pour ceux qui remettent en cause le système,  c’est-à-dire à peu près tout le monde aujourd'hui. Tous les candidats remettent en cause le "système", même l'ancien Premier ministre. Cette enquête est plutôt une bonne nouvelle pour les extrêmes, qu'ils soient de gauche ou de droite, qui vont pouvoir draguer le vote de la jeunesse et tirer profit de ce désenchantement de la politique.

Après, il y avait déjà des signes avant-coureurs de cette révolte du côté de la jeunesse. Le cas de "Nuit Debout", même si le phénomène a été surestimé, montrait déjà cette révolte et regroupait aussi bien des étudiants, des jeunes ou des intellectuels précaires qui sont attirés par l'extrême-gauche. Mais outre la politique, cette étude montre surtout l'énorme défiance qu'il y a dans les politiques. 99%, ce sont des chiffres que l'on n'avait jamais vus et qui méritent d'être pris avec prudence.

Cette idée d'une génération sacrifiée ne date pas d'hier. Pour autant, est-ce que cette tendance manifestement en hausse se ressent dans les sondages et dans les faits ces dernières années ?

La difficulté lorsqu'on regarde le comportement électoral des jeunes, c'est que beaucoup manifestent leur révolte par une abstention ou éventuellement par un vote blanc ou nul. Il y en a peu qui votent et dans cette partie qui vote, beaucoup votent pour les extrêmes. Même si ce n'est pas quelque chose de nouveau, le phénomène s'est certainement aggravé. Et cette aggravation va de pair avec la dégradation de la situation d'un certain nombre de jeunes. La hausse du chômage et la précarité grandissante accompagnent ce désamour du politique. Les mesures de François Hollande comme la loi El Khomri ou la réforme des retraites ont aussi participé à ce constat. Des jeunes déjà précaires ont le sentiment que ces réformes vont encore plus les précariser. Ils ont le sentiment de se sacrifier pour une France de plus en plus libérale.

Sur le fond, je ne sais pas s'il y a ce sentiment de vote utile chez les jeunes. Il y a un aspect désabusé, c'est certain. Un vrai rejet de la manière dont on fait de la politique. Une remise en cause de la démocratie représentative.

Les extrêmes vont pouvoir aussi profiter d'un vote contestataire, mais peut-il se maintenir pour le deuxième tour ?

Est-ce que cela va avoir un impact sur le vote ? Sans aucun doute. La jeunesse sera un sujet important que ce soit du côté de François Fillon, Manuel Valls ou Emmanuel Macron. Mais même si le thème sera central, entre un candidat de droite ou un social-libéral qui achève le quinquennat, les électeurs de cette tranche d'âge peuvent se sentir mal à l'aise face à cette offre électorale et préférer les extrêmes. Tous les candidats vont essayer d'incarner une forme de contestation. Même François Fillon veut renverser la table. Et cette idée contestataire ne date pas d'hier : déjà en 1995 Jacques Chirac se présentait en tant que "candidat contre la pensée unique", et Nicolas Sarkozy en 2012 voulait incarner le renouveau, mais ça reste avant toute chose des arguments électoralistes et les jeunes s'en rendent compte. Pour le second tour, il va se passer beaucoup de choses d'ici là, rien n'est dit que les extrêmes se maintiennent et on ne connaît pas encore le "casting".

"Quand va-t-on cesser d'envoyer nos jeunes dans le mur ?". Cette phrase est écrite sur le site Internet de François Fillon. Mais ce mur en question, est-ce qu'il ne risque pas de s'y heurter en passant pour le candidat à abattre auprès de ces mêmes jeunes ?

L'enjeu pour François Fillon est de dire que la société est bloquée et que si l'on veut relancer la croissance il faut déréglementer le marché du travail pour que les jeunes trouvent des emplois. L'argument est logique mais les moyens pour y parvenir vont effrayer une grande partie de ces jeunes. C'est du El Khomri ou de la réforme des retraites, en plus radical. Si l'on ajoute à ce programme le sentiment qu'ils auront moins de chance que leur parents et que cela va encore se dégrader, je ne suis pas certain que les jeunes votent pour François Fillon. S'ils sont enclins à être libéraux sur le plan économique, ils vont préférer Emmanuel Macron. L'homme est plus jeune et semble plus libéral sur le plan sociétal. L'image conservatrice n'est pas nécessairement conforme aux valeurs d'un certain nombre de jeunes, même ceux de droite. Mais tout cela reste des suppositions. Les choses peuvent bouger avant l'élection mais je ne suis pas certain que la partie conservatrice soit la plus séduisante pour les jeunes.

Est-il possible en seulement quelques mois de regagner la confiance de la jeunesse pour un candidat à la présidentielle ? Quelle serait la marche à suivre ?

Quand on voit que dans cette étude 99% des jeunes estiment que les politiciens sont corrompus, c'est un signe fort que la confiance est très faible. Ils partent avec un certain nombre de handicaps. Jean-Luc Mélenchon risque de mettre l'accent sur "cette jeunesse insoumise" et reprendre la dynamique de "Nuit Debout" en essayant d'exploiter cette indignation à la française. Le Front national va essayer d'exploiter une dynamique populiste qui est portée en partie par des jeunes d'un autre milieu social et de situation différente que ceux de "Nuit Debout". Là aussi il y a un potentiel, non pas pour regagner la confiance des jeunes mais pour mobiliser les révoltés. Emmanuel Macron voudra incarner, lui, cette France un peu moderne, qui voit l'avenir de façon plus positive. Un quatrième candidat intéressant mais peu visible, c'est Benoît Hamon qui peut porter un discours auprès des jeunes (écologie, temps de travail , société du loisir), un discours de citadins intégrés et audible pour une partie de la jeunesse.

Il n'y a pas beaucoup d'arguments pour mobiliser les jeunes car c'est une population variée. Il y a autant de différences entre les jeunes que dans le reste de la société. Ce sont plus des segments qui peuvent être mobilisés que les "jeunes" en général. Ceux qui vont exploiter la révolte sont ceux qui vont mettre les doigts sur cette défiance.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !