Crise énergétique
600€ / mégawattheure : ce qui se cache vraiment derrière le prix astronomique atteint en France pour l'électricité
Face à l'impact de la canicule et avec la faible disponibilité du nucléaire, l'électricité de base journalière française a atteint un nouveau record de 630 € par MWh.
Atlantico : Bloomberg souligne dans une infographie un pic du prix de l’énergie sur le marché dit « day ahead ». Qu’observe-t-on concrètement ?
Damien Ernst : C’est la moyenne des prix observée sur le marché day ahead, qui représente plusieurs dizaines de % de notre électricité qui est commercialisée. On achète de l’électricité heure par heure sur ces marchés, par période d’une heure. Or on a observé sur ces marchés une moyenne de presque 600 € par mégawattheure. A ce moment-là, le prix n’est plus formé par la génération.
Pour le dire simplement, à ce niveau de prix-là, cela veut dire le plus souvent que des acteurs acceptent de couper l’énergie dans leur usine plutôt que de payer ce prix-là. Ces 600 euros correspondent au prix de l’électricité qui provoque une diminution de la demande suffisante pour que la demande soit égale à la génération et ne la dépasse pas.
C’est un prix record, et il faut bien comprendre que ce n’est pas un prix sur une heure de marché mais un prix moyen et cela est vraiment colossal.
A quoi est dû ce phénomène ?
C’est d’abord lié à un manque de production. Celui-ci est dû à plusieurs facteurs. D’abord, un faible fonctionnement de la flotte nucléaire (25-30 GW sur les 61 possédés, c’est très peu). Deuxièmement, il n’y a pas de vent, il n’y en a quasi pas eu ces derniers jours (4GW ont été produits sur la vingtaine installée). A cela s’ajoute une faible production hydroélectrique car il y a eu peu d’eau cette année. Et évidemment un prix du gaz extrêmement élevé (160 € à MWh). Dans le même temps, il y a des consommations élevées liées notamment au système d’air conditionné dû à la canicule.
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La vague de chaleur a renforcé le phénomène : pas de vent, les panneaux photovoltaïques produisent significativement moins, les centrales nucléaires diminuent leur régime pour ne pas trop chauffer les fleuves et respecter les contraintes environnementales, et le besoin d’air conditionné augmente la demande.
La canicule semble passée, est-ce que cela veut dire qu’on va retrouver une normalité et que la situation est avant tout due aux circonstances ?
Oui et non, car la pire des circonstances est la mauvaise forme de la filière nucléaire française et celle-ci va durer. C’est une situation de fond de faiblesse du tissu industriel. Par ailleurs, tant que le prix du gaz reste élevé, on imagine difficilement les prix descendre au-dessous de 300.
Est-ce qu’on peut agir face à cette situation ?
On peut agir par des petits gestes, débrancher ses appareils électriques, comme l’a dit Emmanuel Macron, mais ce sont des microcharges et ça ne va pas changer beaucoup les choses. L’air conditionné représente une plus grosse charge mais pour le reste il est difficile d’agir. Et il sera difficile de s’en sortir à moyen-long terme.
Est-ce que cela va se répercuter sur les factures ?
En France, il y a une possibilité d’avoir un tarif régulé notamment grâce à l’ARENH, mais l’autre partie du marché est soumise au marché de gros, donc la facture va augmenter, c’est certain. Cela va être très compliqué pour les entreprises, mais moins qu’en Allemagne, en Italie ou en Belgique ou l’ARENH n’existe pas. L’Espagne et le Portugal ont fait des réformes du marché day-ahead pour diminuer les prix de ce marché et cela a plutôt bien fonctionné.
Le pic observé est-il une spécificité française ?
Tous les pays connaissent cette situation, mais c’est en France que c’est le pire. Et cela est dû au fait qu’il n’y a vraiment plus assez de capacité à cause de la méforme de la filière nucléaire.
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