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La rafle du Vel d’Hiv peu connue
des jeunes : la faute à une école
qui prône le questionnement
de l'Histoire, plutôt que l'enseignement des faits
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L'Histoire pour les nuls

Selon un sondage pour l’Union des étudiants juifs de France, 60 % des 18-24 ans n’ont jamais entendu parler de la rafle du Vel d’Hiv, dont on commémore aujourd’hui le 70ème anniversaire.

Marc Ferro

Marc Ferro

Marc Ferro est un historien français, spécialiste de la Russie et l'URSS. Il est co-directeur des Annales et directeur d'Études à l'EHESS.

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Atlantico : Selon un sondage pour l’Union des étudiants juifs de France, 60 % des 18-24 ans n’ont jamais entendu parler de la rafle du Vel d’Hiv, dont on commémore aujourd’hui le 70ème anniversaire. Comment expliquer une telle lacune historique ?

Marc Ferro : Pendant des années, l'enseignement de l'Histoire ancienne était privilégié. L'Histoire contemporaine était assimilée à de "l'actualité" et était plus ou moins exclue des programmes. J'ai moi-même enseigné très longtemps et je n'arrivais jamais à finir le programme, souvent au dépend de l'Histoire contemporaine.

Aujourd'hui, l'Histoire contemporaine est enseignée, mais le courant "pédagogiste" privilégie le questionnement de l'Histoire à l'apprentissage des faits et au récit des évènements. Faut-il apprendre Jeanne d'Arc, puisque l'on n'est pas sûr qu'elle ait bien entendu des voix ? Dans les manuels d'Histoire, il y a désormais plus de questions que de réponses : quasiment aucune date, aucun évènement...

Sous prétexte de raisonner pour ne pas bourrer la tête des enfants, on a cessé de leur transmettre des connaissances. Le général de Gaulle, Winston Churchill ou Lénine avaient une grande connaissance de l'Histoire des évènement, cela ne faisait pas d'eux des idiots pour autant.

Personnellement, je pense qu'il est important d'avoir une lecture critique de l'Histoire, mais ce questionnement doit s’appuyer d'abord sur des faits et une connaissance précise des évènements. La tentation des  "pédagogistes" est de dire : "il ne faut pas apprendre, il faut raisonner". Mais comment raisonner sans connaissances préalables.

S'enferme-t-on en France dans une lecture trop politique de l'Histoire ?

On peut très bien avoir une analyse politique, même avec de très jeunes élèves. Lorsqu'on enseigne Sparte et Athènes, c'est à dire la différence entre un régime autoritaire et un régime démocratique, à des enfants de onze ans, ils comprennent très bien. Mais encore une fois, cette "lecture politique" doit s'appuyer sur une connaissance des faits.

Les élèves doivent pouvoir différencier ce qui est important et ce qui ne l'est pas, hiérarchiser les évènements... Ils doivent avoir une vision chronologique et linéaire de l'Histoire. Aujourd'hui, leur vision est trop parcellaire. Lorsque Nicolas Sarkozy a lu la lettre de Guy Môquet, c'était une bonne chose. Mais cet évènement n'était relié à rien. Dans l'esprit des élèves, ce n'était qu'une petite tâche dans un océan d'Histoire. A force de se poser des question sur ce qu'il faut enseigner et ne pas enseigner, on n'enseigne plus grand chose.

Au-delà de la question de l'enseignement, les flux d'information sont aujourd'hui continus (Internet, les chaînes d'information et pas plus tard que l'année dernière un film qui retraçait la rafle du  Vel d’Hiv). Trop d'informations tue-t-elle l'information ?

Les jeunes ne sont pas accrochés à l'actualité comme les journalistes dont c'est le métier et la passion !

Cela ne signifie pas que les jeunes ne sont pas aptes à comprendre le monde actuel. Il y a trois ans, j'ai écrit un livre d'Histoire avec mon petit fils qui avait 17 ans, dans lequel il me posait des questions sur le XXe siècle. Mon petit fils n'ouvrait jamais un bouquin et regardait à peine la télévision.

Pourtant, ces questions étaient pertinentes. Par exemple, il m' a demandé : "Pourquoi les jeunes aiment-ils Gandhi et Nelson Mandela ? " ; "Pourquoi y a-t-il un conflit entre Israéliens et Palestiniens ?" Cela montre qu'ils ne sont pas forcément ignorants du monde qui les entoure. En revanche, ils n'ont pas connaissance des faits, puisqu'on ne les leur enseigne pas.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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