Bonnes feuilles
60 ans après le début de la guerre, pourquoi les relations entre la France et l'Algérie ne s'apaisent pas
L'auteur retrace l'histoire des conflits entre la France et l'Algérie à partir des attentats du FLN du 1er novembre 1954 jusqu'à nos jours, en montrant que ni l'entente ni la séparation entre les deux pays ne sont possibles. Parmi les causes de cette situation : la primauté des intérêts d'Etat sur les intérêts des nations, et la persistance d'une communauté de destin entre les deux peuples. Extrait de "France Algérie : l'impossible divorce", de Stéphane Babey, publié aux éditions du rocher (2/2).
Stéphane Babey
Secret de polichinelle là encore, mais qui constitue un authentique scandale tant ainsi la France contribue à empêcher l’existence d’une vie démocratique porteuse de progrès dans tous les domaines, et notamment dans le secteur de l’économie totalement étouffé par les pratiques en cours.
Il aurait beau jeu, ce pouvoir français, de revendiquer la raison d’État dans une affaire aussi glauque et qui se résume à des centaines de millions de devises transférées par avions de ligne dans des valises avec le concours d’hommes de main. De l’argent qui provient pour l’essentiel des richesses pétrolières et gazières immenses qui appartiennent pourtant officiellement au peuple algérien. En échange de quoi le pouvoir français a-t-il toujours accepté ces pratiques ? En échange de quel service politique ou financier ? En échange de l’attribution de quel marché et à quelle entreprise ? Comme il existe une France-Afrique, il existe une France-Algérie qui fait ses affaires sur le dos du peuple algérien.
En échange de quoi le pouvoir français a-t-il toujours accepté ces pratiques ? En échange de quel service politique ou financier ? En échange de l’attribution de quel marché et à quelle entreprise ? Comme il existe une France-Afrique, il existe une France-Algérie qui fait ses affaires sur le dos du peuple algérien. La France, si elle entend fonder une intimité nouvelle avec l’Algérie, si elle décide de porter un projet d’avenir commun, doit commencer par cesser ses pratiques intolérables, ses pratiques d’un autre temps. Cette mascarade- là est aussi une mascarade française. C’est pourquoi il appartient à Paris de savoir prendre les décisions qui désormais s’imposent. En finir avec l’hypocrisie est toujours source de dignité.
Au plan algérien, ces pratiques d’un autre âge décrédibilisent à elles seules le discours nationaliste régulièrement mis en avant par les hiérarques au gré d’intérêts guère avouables. Car pendant que les représentants les plus éminents de la gérontocratie au pouvoir vilipendent par d’interminables diatribes l’ancienne puissance coloniale, ceux-ci gardent précieusement leur passeport français, continuent à investir en France ou à épargner en Suisse ou dans un quelconque paradis fiscal européen alors qu’un Algérien lambda ne peut toujours pas faire sortir le moindre dinar du pays et nombre d’hommes de pouvoir et de généraux continuent sûrement à toucher de confortables commissions. Il n’est que temps d’en finir avec le cynisme de cette Françalgérie et de fonder une véritable relation franco-algérienne que le peuple ne cesse d’appeler de ses voeux et nécessaire pour la France. Parce que la France et l’Algérie partagent une jeunesse commune qui a besoin de sa double identité pour s’épanouir, parce que l’Algérie est une extraordinaire porte d’entrée sur le marché africain, parce que son propre potentiel économique est à coup sûr le plus fort des pays du Maghreb dans les quinze, vingt ans à venir, la France ne saurait passer à côté d’une relation nouvelle avec ce pays dont le destin est déjà mêlé
au sien.
Extrait de "France Algérie : l'impossible divorce", de Stéphane Babey, publié aux éditions du rocher, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.
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