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59% des Français continuent à trouver que le conflit social autour de la loi Travail est justifié
©Reuters

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Un résultat qui s'explique par une forte capacité de résilience des Français lorsqu'il s'agit du modèle social, alors que l'Euro 2016 est menacé de fortes perturbations. Le détail du sentiment des Français face à ce conflit social est révélateur des différents clivages qui traversent la société.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements de ce sondage, dans quel contexte a-t-il été réalisé ?

Jérôme Fourquet : Le principal enseignement est l'attitude très stable des Français au regard du mouvement social qui s'éternise, même si l'on note une érosion très légère. Le mouvement de contestation rebondit de jour en jour avec les appels à la grève à la SNCF, les éboueurs, ou les dépôts de préavis comme chez les salariés d'Air France. Par rapport à la mi-mai, on note une baisse parmi les supporters des mobilisations de 6 points, c'est-à-dire peu.

Deuxième point à noter, les soutiens les plus fermes du mouvements, ceux qui répondent à notre enquête qu''il est "tout à fait justifié" représentent près d'un quart de la population française. Si leur proportion s'est un peu contracté, ce n'est pas de manière spectaculaire. 

On peut donc dire que le nombre de manifestants ne se compte pas en centaines de milliers, mais que la base de soutien reste assez large. 

Dans le détail, on voit que les catégories populaires, et notamment les ouvriers continuent de trouver les contestations justifiées, et bien sûr on trouve cette même sensiblité chez l'électorat du Front de Gauche ou encore l'électorat écologiste. Le Parti socialiste, lui, est coupé en deux, et c'est assez inédit dans l'histoire du pays. Par exemple, l'électorat de droite se mobilise derrière son gouvernement.

>>> A lire aussi : Gouvernement, syndicats et même opposition : qui ne serait pas perdant à un Euro 2016 gâché par le conflit social (et donc croyez-vous qu’il le sera) ?

Cette relative stabilité pourrait-elle montrer que les Français font preuve de résilience lorsqu'il s'agit de défendre leur modèle social ?

Tout à fait. D'ailleurs, les candidats de droite ont évolué sur la tonalité de leur discours, initialement très libéral. Au début de leur mouvement de contestation, leur diagnostic consistait à dire que le mouvement ne trouvait sa cause que dans la trahison de François Hollande par rapport à ses promesses de campagne. Ce discours a sensiblement changé, puisqu'ils disent aussi que c'est la volonté de certains syndicats, comme la CGT, et des salariés attachés à leur modèle social. Cela préfigure des tensions importantes dans le cas où la droite serait élue en 2017.

Toute une partie du monde du travail regarde donc d'un œil inquiet les réformes de ce type, lorsque cela touche au modèle social. C'est une chose d'adhérer de manière résignée à l'idée qu'il faut donner des marges de manoeuvres aux entreprises, mais c'en est une autre de dire qu'il faut simplifier les conditions de licenciement pour qu'il y ait une plus grande fluidité dans le marché du travail. 

Par rapport à la précédente enquête, on voit que la baisse de 2 points (61% à 59%) correspond en réalité à une évolution de l'opinion chez les seniors. Comment peut-on l'expliquer ? Les candidats à la primaire de la droite doivent-ils prendre cette variation en compte, alors que cet électorat, s'il est de droite, est le plus à même de se déplacer pour la primaire de la droite ?

Cette variation n'est peut-être pas suffisamment importante pour le dire. Mais je pense que les seniors ont un attachement particulier à la stabilité. Quand le mouvement s'inscrit dans la durée, qu'il y a des troubles persistants, cet électorat décroche. 

Et l'on peut être d'autant plus sévère vis-à-vis du mouvement qu'on n'est plus salarié. En parallèle, une tension forte habite les personnes qui pestent parce que les transports en commun sont bondés, mais qui en même temps voient d'un œil inquiet cette loi. Ils se disent donc que cette mobilisation n'est pas plus mal.

Les femmes sont 65% à trouver le mouvement de contestation justifié, alors que les hommes ne sont que 52%. Comment expliquer cet écart ?

Cela s'explique par le sentiment de menace qui peut être contenu dans cette loi, et avec des salariées qui en général ont des statuts plus précaires que leurs homologues masculins. Elle se disent que si le droit du travail n'est plus protecteurs, elles sont plus exposées.

Depuis 1996, comment l'opinion a-t-elle évolué face aux mouvements de contestations contre des projets de réforme ?

On le voit dans le graphique : il n'y a pas d'évolution linéaire. Tout dépend du sujet, et des publics visés lorsqu'il y a des réformes.

Les agriculteurs qui manifestent même violemment, parce qu'ils sont à deux doigts de mettre la clef sous la porte alors qu'ils ne comptent pas leurs heures, reçoivent un soutien massif de la part de la population. Alors que défendre un régime spécial que les Français ne perçoivent pas comme justifié n'est pas soutenu 

L'électorat de droite est tiraillé entre son aversion face aux méthodes de la CGT, et un président socialiste au moins autant honni. 

Quant à l'électorat FN, il se trouve massivement dans un camp : celui du soutien au mouvement. Et il est par ailleurs intéressant de voir le jeu d'équilibre chez les cadres du FN, avec une personnalité comme Florian Philippot qui est fermement opposé à la loi, et une autre comme Marion Maréchal Le Pen, plus sensible aux entreprises et avec une tradition beaucoup plus antisyndicale. 

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