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20 après le Kosovo, l’Occident et l’UE devraient-ils éprouver une pointe de regret vis-à-vis de la Serbie ?
©ERIC FEFERBERG / AFP

Ex-Allié historique

Emmanuel Macron se rend en Serbie pour "renouer des liens distendus", première visite à Belgrade depuis celle de Jacques Chirac en 2001. Au coeur de la visite, les négociations placées sous l'égide de l'Union européenne entre la Serbie et le Kosovo.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : 20 ans après la fin de la guerre, peut-on considérer que l'Occident et l'Union européenne ont échoué dans leur mission visant à gérer l'après-guerre ?

Florent Parmentier : La visite d’Emmanuel Macron en Serbie fait suite à une série de déceptions, dont le Président n’est pas le seul responsable mais qu’il convient de prendre en compte. Ainsi, la France a été un allié historique de la Serbie au cours de la Première Guerre mondiale, ce qui rend d’autant moins acceptable l’erreur diplomatique qu’a constitué le fait d’avoir placé la Serbie sur la tribune secondaire lors des cérémonies de novembre dernier, au contraire du Kosovo, étant placé en tribune d’honneur mais qui n’avait aucune existence en 1918 ! La France a également accueilli de nombreux étudiants serbes depuis le XIXe siècle, et l’on estime que de 70 000 à 100 000 Français ont des origines serbes. 

Néanmoins, les relations sont nettement plus froides aujourd’hui, en raison tant de la tiédeur de la diplomatie française au sujet de tout nouvel élargissement de l’Union européenne que de la position française sur le Kosovo. C’est tout l’enjeu de cette visite, qui intervient 20 ans après l’intervention de la coalition internationale au Kosovo, mais aussi 30 ans après que Milosevic ne souffle sur les braises du nationalisme, lors de son discours du 28 juin 1989 au Kosovo. Si la France a reconnu l’indépendance du Kosovo, à Belgrade, on lui reproche volontiers la faible attention qu’elle a porté aux minorités serbes et roms, qui ont dû quitter la région pour survivre. 

L'antagonisation (du fait des procès nombreux qui ont suivi la guerre) des Serbes n'a-t-elle pas limité la reconstruction des relations dans les Balkans ? N'est-il pas nécessaire de s'appuyer sur cette puissance régionale historique si on souhaite pacifier ?

Les Européens doivent en effet prendre garde au dilemme suivant : ils ne peuvent oublier les conflits des années 1990 sans se renier, mais ils ne peuvent pas non plus se comporter comme s’ils étaient les seuls à décider ce que devrait être la politique locale. 

La reconnaissance de la Macédoine du Nord par la Grèce constitue le plus récent succès européen, et il faut s’en réjouir. Il convient toutefois de ne pas oublier que la situation du Kosovo est encore loin d’être stabilisée : l’ensemble des Etats-membres ne reconnaît pas l’indépendance du Kosovo, connaissant eux-mêmes des problèmes de séparatisme. Quel intérêt aurait en effet l’Espagne de reconnaître l’indépendance du Kosovo à l’heure où la question catalane polarise son attention ?

Les Européens ont pensé que la promesse de l’élargissement, offerte au Sommet de Thessalonique (2003), suffirait à stabiliser la région. 

Ils ne sont pourtant pas les seuls à avoir de l’influence : le Kosovo soutient très largement l’OTAN plus que l’UE, la Russie bénéficie d’un capital de prestige fort à Belgrade. Il suffit de se souvenir de la visite triomphale de Vladimir Poutine dans la capitale serbe en janvier 2019 (plus de 100 000 personnes pour l’accueillir), où il a plaidé pour la stabilisation des Balkans, mise à mal selon lui par l’action des Européens. Quant à la Chine, elle offre une place de choix à la Serbie dans le cadre des routes de la Soie : prêts à faibles taux d’intérêt et sans conditionnalité, achats d’actifs industriels (usine sidérurgique de Smederevo, la plus grande du pays, investissements dans la plus grande mine de cuivre du pays...). 

Quelles sont les options envisageables pour enfin avancer dans les Balkans ?

Dans ce nouveau contexte, il paraît difficile de marginaliser la Serbie en lui faisant porter l’ensemble des responsabilités dans la chute de la Yougoslavie et les conséquences qui s’ensuivirent. 

Un élargissement à brève échéance n’est pas possible, et doit donc être écarté ; pour autant, l’objectif visé doit bien être de rapprocher le système politique existant de l’Etat de droit. Une fois que le pays sera rentré au sein de l’UE, il sera beaucoup plus compliqué de transformer celui-ci. Si la solution ne vient pas de l’UE, elle peut venir d’une solution négociée, y compris sous forme territoriale. Un changement des frontières représente pour l'Allemagne l’ouverture de la boîte de Pandore, à même de déstabiliser la Bosnie voisine, où se trouve une république serbe. La France y est peut-être davantage favorable. Au-delà des chancelleries, il faudra également voir comment les sociétés pourraient accepter des compromis réciproques, forcément difficiles pour une partie de la population. Il conviendra par exemple, dans toute future solution, d’associer une diaspora serbe proportionnellement nombreuse comparée à la taille de la population.

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