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100 000 morts et une trajectoire française de croissance post Covid amputée. Une fatalité... vraiment ?
100 000 morts et une trajectoire française de croissance post Covid amputée. Une fatalité... vraiment ?
© Ludovic MARIN / POOL / AFP

Courage politique

Selon les projections de la Direction générale du Trésor, en 2027, la France accusera une perte de 2.8% de croissance réelle sur sa trajectoire pré-crise, soit environ 2 années de croissance perdue. Alors que la France vient de dépasser le chiffre des 100 000 morts des suites du Covid-19, les mesures pour libérer la croissance pour le monde d'après ne semblent pas être appliquées par le gouvernement. Des solutions existent pourtant.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : Les projections de croissance en France pour l’après Covid sont inférieures à la situation d’avant crise ? Est-ce surprenant ? Comment expliquer un tel écart avec d’autres pays, notamment les Etats-Unis ?

Pierre Bentata : Ce n’est pas très surprenant car notre situation avant crise était déjà moins bonne qu’aux Etats-Unis. On a déjà un temps de retard important et il y a des effets de sentiers de dépendance donc les pays qui repartent les premiers ont un gros avantage. Ils vont attirer de nouveaux clients, de nouveaux capitaux et certains secteurs vont se restructurer autour de ces pays. De plus, le plan de relance américain est énorme et déjà en place. En Europe et en France, il est deux fois plus faible et n’est pas encore complètement mis en place.

Est-ce une fatalité ? Quelle mesure prendre pour davantage libérer la croissance ? En prend-on le chemin ?

Non ce n’est pas une fatalité. D’abord, car la crise est exogène, extérieure à l’économie. Ce n’est pas une crise de système donc les pays se remettront. En France, nous avons de forts atouts structurels, un pays très attractif, peu importe son niveau de fiscalité, et des secteurs d’avenir. On connait aussi nos défauts. La France est un des pays avec les plus forts impôts de production au monde - ils sont négatifs en Allemagne - et ce sont eux qui grèvent le plus la croissance et la reprise. On sait donc quoi faire : réduire les prélèvements sur les entreprises, mener des réformes – commencées sous Macron mais pas encore en place – liées à l’entreprenariat, l’aide à la formation. Concernant l’investissement, on sait où sont les investissements d’avenir : l’intelligence artificielle, les algorithmes, les biotechnologies. On a donc les moyens de réagir mais il faut un courage politique pour le faire.

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La règlementation européenne doit-elle, elle aussi, évoluer pour permettre ce rebond ? Qu’en est-il de la BCE ?

Nous avons des stratégies sur les grosses entreprises, sur certains secteurs, qui sont très idéologiques. Pour les vaccins nous avons préféré le bras de fer plutôt que de décider, comme Boris Johnson de laisser faire le capitalisme. Ces postures n’aident pas l’économie. De la même manière, notre politique de droit de la concurrence n’est plus du tout adaptée à ce qui se passe, notamment sur le marché du numérique. On se prive de créer des géants au niveau européen et cela grève également la croissance. Donc là aussi il faut agir. Mais on ne peut plus faire grand-chose au niveau national.

Nous sommes dans des pays développés. Ce qui tire la croissance, c’est la recherche-développement et l’innovation. De ce point de vue, la France est en concurrence avec les Etats-Unis, avec les autres gros pays européens. S’il y a des pays davantage pro-entreprises que la France, cette dernière aura un désavantage.

Concernant la BCE, ses statuts ne lui permettent pas vraiment d’opérer des plans de relance. Elle a tout de même soutenu les décisions politiques qui ont été prises. En revanche, elle a un vrai problème : ses taux d’intérêts étant déjà nuls ou négatifs, sa politique monétaire n’a plus d’effet. Avec la crise d’Internet puis des subprimes, on s’est quasiment privé de l’outil monétaire. On peut avoir une politique coordonnée mais le problème c’est que les pays de la zone euro ont des cycles de croissance très différents. Il faut donc une vraie coordination, mais ça ne veut pas dire que la France n’a rien à faire. Il y a des leviers qu’on peut actionner.

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Le plan de relance américain va représenter 0.3 % de la croissance en Europe. L’Europe profite-t-elle du plan de relance des autres de manière parasitaire ? A l’inverse le plan de relance européen est-il de nature à faire profiter d’autres régions du monde ?

Ce n’est pas tant un effet de passager clandestin qu’un effet mécanique d’un plan de relance keynésien. Les gros plans de relance et d’investissement comme celui des Etats-Unis injectent énormément d’argent dans le pays via des subventions et des grands projets. Mais si les fournisseurs viennent de l’étranger, une partie de l’argent va à l’étranger. C’est ainsi qu’on profite d’une partie du plan de relance américain de manière très positive, puisque c’est sans risque. Le plan de relance européen aura l’impact inverse. Cela doit nous inciter à nous demander dans quels secteurs il est pertinent d’investir car selon l’éclatement de la chaine de production, il est possible que la relance ne profite pas du tout à l’Europe.

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