1 Japonais sur 10 a désormais plus de 80 ans : petites leçons sur ce qui nous attend…<!-- --> | Atlantico.fr
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Les données nationales montrent que 29,1 % des 125 millions d'habitants sont âgés de 65 ans ou plus, un record.
Les données nationales montrent que 29,1 % des 125 millions d'habitants sont âgés de 65 ans ou plus, un record.
©Philip FONG / AFP

Vieillissement

Pour la première fois, plus d’une personne sur dix au Japon est désormais âgée de 80 ans ou plus. Cela a des conséquences très diverses.

Serge Guérin

Serge Guérin

Serge Guérin est professeur au Groupe INSEEC, où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Il est l’auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont La nouvelle société des seniors (Michalon 2011), La solidarité ça existe... et en plus ça rapporte ! (Michalon, 2013) et Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors (Michalon, 2015). Il vient de publier La guerre des générations aura-t-elle lieu? (Calmann-Levy, 2017).

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Atlantico : Pour la première fois, plus d’une personne sur dix au Japon est désormais âgée de 80 ans ou plus. En outre, les données nationales montrent que 29,1 % des 125 millions d'habitants sont âgés de 65 ans ou plus, un record. Quelles sont les conséquences économiques et sociales d’un tel vieillissement ?

Serge Guérin : Les conséquences d’un tel vieillissement sont extrêmement diverses. Tout d'abord, une société qui connaît une baisse significative de sa natalité se pose des questions sur son avenir. Cela peut engendrer un sentiment de pessimisme et d'individualisme au sein de la société, avec une incapacité fréquente à se projeter vers l'avenir, à investir et à innover. Ce facteur est essentiel à prendre en compte.

Dans des pays développés comme le Japon, la question de la protection sociale se pose. De plus, la diminution du nombre de naissances entraîne inévitablement une baisse de la main-d'œuvre active ainsi qu’une baisse de la productivité. Cette question est préoccupante depuis environ quarante ans. Dans les années 2000, à Tokyo, le taux de fécondité était même inférieur à 1. En réponse à cette situation et en raison de la réticence du Japon à accueillir une immigration importante, le pays a été contraint de miser fortement sur la technologie et l'automatisation des chaînes de production. Malgré cela, une part significative de la population continue de travailler après l'âge de 70 ans.

La France, dont la vitalité démographique est plus soutenue que celle de ses partenaires, est-elle également concernée par ce phénomène ?

Comparativement au Japon, il existe d'importantes différences fondamentales en France. Pendant de nombreuses années, nos familles étaient composées de 2 ou 3 enfants en moyenne, tandis que les familles japonaises avaient généralement un seul enfant. De plus, notre rapport au travail des femmes diffère considérablement. En France, en règle générale, la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle des femmes est socialement acceptée, ce qui n'est pas le cas au Japon.

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Pendant longtemps, nous avons connu une vitalité démographique soutenue par rapport à nos voisins européens. Cependant, nous observons aujourd'hui une baisse de près de 100 000 naissances par an par rapport à il y a une décennie. En général, le continent européen connaît un vieillissement de sa population. En France, bien que le taux de fécondité soit en baisse, il ne diminue pas uniformément parmi toutes les catégories de travailleurs. Par exemple, les populations religieuses ou d'immigration récente ont tendance à avoir plus d'enfants que le reste de la population. Au cours du premier semestre 2023, nous avons enregistré une baisse de 7 % du nombre de naissances par rapport à l'année précédente, un phénomène que nous n'avions pas connu depuis de nombreuses années. Par ailleurs, depuis 1997 et pendant presque deux décennies, la France a connu une sorte de "mini baby-boom". De nos jours, les gens ont tendance à avoir des enfants plus tard, car ils cherchent à faire progresser leur carrière professionnelle. De plus, l'anxiété environnementale pousse certaines personnes à adopter une attitude pessimiste et à déclarer qu'elles ne souhaitent pas avoir d'enfants. Dans l'ensemble, il existe un manque de confiance généralisé dans le pays, ce qui a un impact direct sur la natalité.

Quelles sont les conséquences économiques et sociales du vieillissement de la population en France ?

Tout comme au Japon, le vieillissement de la population en France engendre de nombreuses interrogations. L'une des préoccupations majeures réside dans la diminution de la main-d'œuvre disponible. Étant donné que le modèle social français repose en grande partie sur les cotisations, cette évolution démographique remet en question le fonctionnement de notre système social. En outre, les tentatives d'allonger la durée de travail, comme cela a été envisagé dans le cadre de la réforme des retraites, se heurtent à une résistance sociale significative. Il est donc impératif de faire face à cette problématique complexe, avec la possibilité de nouvelles réformes à l'horizon.

Un autre défi concerne la productivité. La France est l'un des rares pays où la productivité a connu une baisse ces dernières années, ce qui constitue une préoccupation sérieuse. Certains envisagent de pallier ce problème grâce à l'immigration, mais cette solution comporte des limites. Tout d'abord, les immigrés vieillissent eux aussi et leurs compétences peuvent ne pas être alignées sur les besoins économiques actuels. En conséquence, l'immigration ne peut pas être perçue comme une solution magique.

Les pouvoirs publics ont-ils les moyens de contrer ce phénomène ?

La réponse à ce défi repose à la fois sur des aspects culturels et économiques. Sur le plan culturel, il est essentiel que les décideurs et les pouvoirs publics soient en mesure de mobiliser la population. Malheureusement, le pouvoir de l'État et des institutions a perdu de son influence au fil du temps. En outre, les ressources économiques de l'État ont considérablement diminué, limitant sa capacité à utiliser des incitations financières pour influencer les comportements. La question de la natalité nécessite du courage politique et une vision à long terme et doit être portée par des leaders déterminés. Certaines personnalités, telles que Michel Debré dans les années 1960, se sont déjà penchées sur cette problématique. Cependant, même à une époque où le pouvoir de l'État était plus fort, ces discours n'ont pas eu un écho massif.

Dans ce contexte, il est essentiel d'encourager et de valoriser le travail des seniors. Il ne faut pas se résigner à la baisse du taux de natalité. Une partie de la solution réside dans la prévention à tous les stades de la vie et dans l'accompagnement et la valorisation de la parentalité au sein de nos sociétés.

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